La Révolution Française
« Je ne vous dirai pas si je suis Gaulois ou Franc.
J'espère être Gaulois parce que très peu de Francs
s'établirent dans les montagnes d'Auvergne.
J'aime mieux Vercingétorix défendant nos montagnes
que Clovis et ses successeurs. »
Gilbert de La Fayette.
En l'an 1789.
Le 15 février, le Roi a nommé le duc d'Ayen, lieutenant-général de ses armées, pour prendre séance au conseil de la Guerre.
Le 8 mars, Gilbert du Motier écrit une lettre de Chavaniac à son ami George Washington : « La division et la jalousie existent ici entre les ordres, les cantons et les individus. Il serait possible qu'au lieu d'une nomination, je n'emportasse que beaucoup de querelles et beaucoup d'estimes ; mais je ferai mon devoir et serai modéré, quoique, entre nous, leur oppression me révolte et leur personnalité m'indigne. »
Le 11 mars, La Fayette et son beau-frère, le marquis Joachim de Montagu de Beaune se rendent à Riom chez l'avocat au présidial de Riom et conseiller d'État Guillaume-Michel de Chabrol, seigneur de Tournoël.
Le 25 mars, Gilbert du Motier de La Fayette est élu second député de la noblesse d'Auvergne aux États généraux.
Le 3 avril, Charles-César de La Tour-Maubourg est élu député de la noblesse du Puy-en-Velay, Languedoc aux États généraux. Lafayette écrira le 1er avril à son ancien aide de camp La Colombe sur l'élection de son ami Maubourg : « Il y a vraiment trop de lâcheté à lui préférer une famille comblée des grâces de la Cour et jouissant de tous les abus dont vous vous plaignez (la famille de Polignac, les protégés de la reine). »
Le 20 avril, le marquis de La Fayette et le vicomte de Noailles assistent à l'assemblée primaire de la noblesse à Paris. Au mois de mai, Lafayette devient membre de la société des amis des Noirs.
Le 5 mai, aux États généraux, Lafayette était engagé auprès de la Noblesse, mais ses principes étaient avec le Tiers sur le chemin de la démocratie.
Le 4 juillet, Gilbert et Adrienne de La Fayette dînent chez Thomas Jefferson où Gouverneur Morris est également invité.
Le 11 juillet, Gilbert de Lafayette présente la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (Projet emprunté à la Déclaration d'Indépendance des États-Unis d'Amérique, mais aussi inspiré des Lumières, Montesqieu et Rousseau). Il dit : « Quoique mes pouvoirs m'ôtent la faculté de voter encore parmi vous, je crois cependant devoir vous offrir le tribut de mes pensées. On vous a déjà présenté un projet de travail sur la constitution. Ce plan, si justement applaudi, présente la nécessité d'une déclaration des droits comme le premier objet de votre attention. »
Le 13 juillet (au 16), il préside l'Assemblée à la place de l'archevêque de Vienne. Le vice-président Lafayette déclare : « Messieurs, dans un autre moment je vous rappellerais mon insuffisance et la situation particulière où je me trouve ; mais la circonstance est telle que mon premier sentiment est d'accepter avec transport l'honneur que vous me faites, et d'en exercer avec zèle les fonctions sous notre respectable président, comme mon premier devoir est de ne me séparer jamais de vos efforts pour maintenir la paix et consolider la liberté publique. »
Le 14 juillet, le marquis de La Fayette crée et organise la Garde nationale. Le vicomte de Noailles, arrive de Paris à l'Assemblée rendant compte de ce qu'il a vu (prise de la Bastille) et il est envoyé avec une députation auprès du Roi comme témoin.
Le 15 juillet (27 Messidor), le vice-président Lafayette est chargé de présider la députation. L'Assemblée déclare qu'elle se repose entièrement sur lui du soin d'exprimer à Sa Majesté tous les sentiments de douleur et d'inquiétude dont tous ses membres sont pénétrés.
Lafayette est nommé commandant en chef de la Garde nationale. Son beau-frère, le vicomte de Noailles est engagé en tant que major général. Les commissaires de l'Assemblée nationale se sont mis en marche pour l'église Notre-Dame. On a chanté le Te Deum, et on a fait prêter serment à M. de Lafayette de remplir fidèlement les fonctions de général. Le serment a été prêté au bruit du canon, des tambours et d'une musique militaire.
Le 16 juillet (28 Messidor), il écrit : « À peine m'avait-on parlé de l'idée de commander la milice parisienne, tout à coup cette idée s'est emparée de toutes les têtes ; il est devenu nécessaire que j'accepte ; il devient nécessaire que je reste, et le peuple, dans le délire de son enthousiasme, ne peut être modéré que par moi. Mais ce peuple furieux, ivre, ne m'écoutera pas toujours. »
Le 21 juillet (3 Thermidor), le commandant général Lafayette fait transférer les archives de la Bastille à l'Hôtel de Ville.
Le 23 juillet (5 Thermidor), le général Lafayette dit en donnant sa démission, dégoûté de certains meurtres : « Le peuple n'a pas écouté mes avis, et, le jour où il manque à la confiance qu'il m'avait promise, je dois, comme je l'ai dit d'avance, quitter un poste où je ne peux plus être utile. » Le lendemain, il retire sa démission.
Le 26 juillet (8 Thermidor), La Fayette conçoit et présente aux électeurs de Paris, le 31, la cocarde tricolore en ralliant les couleurs de Paris et celle de la Monarchie ; ainsi en arrivant à l'Hôtel de Ville, il dit : « Je vous apporte une cocarde qui fera le tour du monde, et une institution à la fois civique et militaire, qui doit triompher des vieilles tactiques de l'Europe, et qui réduira les gouvernements arbitraires à l'alternative d'être battus, s'ils ne l'imitent pas, et renversés s'ils osent l'imiter. » M. de Lafayette, désespéré d'avoir été réduit à être le spectateur passif de cette scène de férocité, voulait donner sa démission ; mais M. Bailly le conjura de ne pas augmenter la douleur des bons citoyens, et conserva à la patrie et à la garde nationale de Paris un général aussi précieux par la pureté de ses principes que par son expérience dans l'art militaire, et ses connaissances de préparer et soumettre les peuples au régime de la liberté.
Le 31 juillet (13 Thermidor), le prince de Poix, commandant de la garde de Versailles, donna sa démission, quoique le même jour il eût été confirmé dans cette place par la majorité des compagnies bourgeoises.
En ce mois de juillet, Marie-Antoinette écrit une lettre au comte de Mercy-Argenteau : Je crois que pour tout il est mieux de ne pas se presser sur cet objet, et j'engage le Roi à dire à MM. Bailly ou La Fayette qu'il a été sensible aux vœux que la commune lui a présentés ; qu'il a fait momentanément le sacrifice de ses gardes pour inspirer le calme et la tranquilité ; qu'il sait qu'il y a encore des districts qui ont de l'inquiétude ; qu'il ne rappelle donc pas encore ses gardes auprès de lui, et qu'il attendra.
Le 4 août (17 Thermidor), Louis de Noailles participe à l'Assemblée constituante et M. de La Tour-Maubourg renonce à un privilège héréditaire dans les États d'Artois.
Le 8 août (21 Thermidor), le vicomte de Noailles déclare : « Je suis chargé par mes commettants de proposer tout ce qui peut être utile au bien de l'État. En conséquence, j'ai proposé la suppression des droits féodaux. Quant à la renonciation aux bienfaits du Roi, je ne puis parler que pour moi. J'ai refusé toute récompense au retour de la guerre d'Amérique ; et, lorsque j'ai été nommé député, j'ai renoncé à la survivance de commandant de la Guyenne, parce que j'ai cru que les survivances étaient un mal. »
Le 9 août (22 Thermidor), la capitale vit, pour la première fois, la bénédiction des drapeaux d'une de ses divisions. Chaque district eut ses cérémonies particulières. M. de Lafayette se montra avec l'uniforme de la garde nationale, accompagné de son épouse et de ses enfants ; il partagea avec eux tout ce que la reconnaissance de ses concitoyens lui offrit. Les dames de la halle, les jeunes personnes vêtues en blanc et une petite fille de huit ans allèrent à l'Hôtel de Ville, offrit un bouquet au marquis de Lafayette ; et, comme chez nous tout finit de même que chez les héros du vieil Homère, le reste de la journée se termina par des libations patriotiques et par des danses.
Le 13 août (26 Thermidor), le vicomte de Noailles représente à l'Assemblée que la discipline militaire commence à se relâcher ; que les désertions sont devenues très fréquentes ; qu'il peut en résulter les inconvénients les plus graves pour la nation ! En conséquence, il propose l'établissement d'un comité qui serait chargé de préparer une nouvelle constitution de l'armée, d'examiner, de concert avec le ministre de la guerre, l'étendue et la force du corps militaire, de déterminer les sommes que la nation pourrait fournir à son entretien, de faire en un mot tout ce qui serait nécessaire pour préparer une prompte organisation pour tout le corps de l'armée.
Le jour même, La Fayette est présent avec son épouse au district des cordeliers,
le Lyonnais Jacques Imbert-Colomès chantera ceci :
Prête à jouir de sa noble conquête
La liberté consacre nos drapeaux :
Celui-là seul doit présider la fête
Qui sut longtemps en être le héros.
Il réunit le zèle et la prudence :
À l'Amérique il a su le prouver ;
Ce qu'une fois a conquis sa vaillance,
Par sa sagesse il sait le conserver.
Dieu, tu dois être à ses désirs propice ;
Chez les mortels qui ne peuvent te voir,
La vertu doit figurer ta justice,
Et la valeur remplacer ton pouvoir.
L'aimable objet à qui l'hymen l'engage
Daigne à nos vœux accorder un souris ;
Et la beauté qui sourit au courage,
Après la gloire est son plus digne prix.
Ciel, à Louis, prête un bras tutélaire ;
D'un peuple libre, il est le digne appui ;
Roi-citoyen, pour nous qu'il vive en père ;
Chacun de nous saura mourir pour lui.
En automne, le général fait arrêter le médecin et journaliste Jean-Paul Marat.
Au mois de septembre, Lafayette dîne chez le ministre des États-Unis, Thomas Jefferson en compagnie du député La Tour-Maubourg.
Le 5 octobre (14 Vendémiaire), dans la journée, le général s’exclame après la députation des grenadiers qui lui disaient que le peuple était malheureux et que la source du mal était à Versailles : « Quoi donc ! Avez-vous le projet de faire la guerre au Roi, et de le forcer à nous abandonner ? » La Fayette, chef de la garde nationale arrive à Versailles forcé par les grenadiers et par ordre de la municipalité ; ainsi, il répond à la question du Roi concernant les femmes et autres manifestants : « Ils veulent du pain et que les gardes remplacés par le régiment de Flandre reprennent leurs postes. », plus tard, va dormir dans l'appartement de son beau-père étant épuisé.
Le 6 octobre (15 Vendémiaire), le général se réveille pendant les massacres dans le château et conseille au monarque d'accepter de s'installer à Paris.
Au milieu de l'agitation générale, on voyait, on entendait partout M. de Lafayette. “Messieurs, criait-il à ses soldats, j'ai donné ma parole d'honneur au Roi qu'il ne serait fait aucun tort à tout ce qui appartient à Sa Majesté ; si vous laissez égorger ses gardes, vous me ferez manquer à ma parole d'honneur, et je ne serai plus digne d'être votre chef.” La Fayette sauve la vie de la Reine et accompagne la famille royale au palais des Tuileries.
Un brigadier des gardes du corps de la compagnie de Noailles témoigne sur cette journée : « Dans cette cruelle incertitude, M. de La Fayette est heureusement arrivé. Il nous a sauvés... »
Le 7 octobre (16 Vendémiaire), le général La Fayette recommande à Philippe, Duc d'Orléans (Égalité) de quitter la France (il sera guillotiné le 6 avril 1793). Il lui dit : « Prince, toutes les marches du trône sont brisées ; mais le trône lui-même existe encore tout entier, et il existera toujours, car il est le rempart de la constitution et de la liberté du peuple. La France et le Roi ont également besoin de la paix, et votre présence en ces lieux y paraît un obstacle. Les ennemis de la patrie, qui sont aussi les vôtres, abusent de votre nom pour égarer la multitude et exciter des désordres. Il est temps de mettre fin à ces troubles et à des bruits injurieux à votre gloire. Vos relations en Angleterre vous donnent les moyens d'y rendre au royaume d'importants services ; le Roi vous y charge de ses intérêts, et il est persuadé que vous vous empresserez de répondre à cette marque honorable de sa confiance, et de contribuer au rétablissement de l'ordre, en ôtant sur-le-champ un prétexte aux perturbateurs du repos public. »
Le 15 octobre (24 Vendémiaire), le vicomte de Noailles déclare : « Je demande la liberté indéfinie des passeports, mais à condition que huit jours après la première séance tenue à Paris, on fasse un appel nominal, et qu'on imprime la liste des absents pour l'envoyer dans les provinces. »
Le 19 octobre (28 Vendémiaire), le marquis de Lafayette lance : « Excusez, messieurs, l'émotion que j'éprouve ; elle est un gage certain de ma profonde reconnaissance. Il m'est bien glorieux d'avoir mérité l'estime de l'Assemblée nationale, sous les ordres du chef qui a dirigé mes travaux. Je saisis cette occasion de rendre à la garde nationale la justice qu'elle a toujours usée de sa force d'une manière digne des motifs qui lui ont fait prendre les armes... »
Le 29 octobre (8 Brumaire), La Fayette écrit à Honoré-Gabriel Riqueti de Mirabeau ceci : « Confiance réciproque et amitié : voilà ce que je donne et espère. »
Le 16 novembre (26 Brumaire), le général Pascal Paoli qui souhaite éliminer l'oppression militaire écrit au général La Fayette : « À vos yeux, la prétention des Corses à la liberté doit avoir un mérite supérieur à celle des Américains. Dans ce siècle d'oppression, la Corse fut la première à lever l'étendard de la liberté contre la tyrannie. La reconnaissance de mes compatriotes sera éternelle comme la renommée qui portera votre nom glorieux à la dernière postérité. »
Le 29 décembre (9 Nivôse), le vicomte de Noailles écrit : « Les militaires en activité de service ne pourront exercer les fonctions municipales. »
Dans l'année, Pauline de Montagu souffrant d'une dépression écrit une lettre à sa sœur Rosalie de Grammont : « Soutenez votre courage, ma chère amie ; notre séparation, quoique pénible, ne sera pas éternelle. Un jour, nous nous retrouverons ; notre union est indissoluble. J'emporte avec moi et je vous laisse toutes les consolations de la religion. Vous connaissez mon cœur et toute ma tendresse ; mon amitié était en Dieu et ne tendait qu'à lui. Il a accepté le sacrifice plein et entier que je lui fais de ma vie. Il me retire bien jeune de ce monde : que son saint nom soit béni ! Quand je pourrai jouir de la béatitude, quand j'aurai expié mes fautes ou mérité le Ciel par vos prières, alors je prierai ardemment pour vous et pour votre mari ; vous obtiendrez son salut, j'en ai la ferme espérance ; mais celui de mon père m'occupera éternellement. Vous savez combien je l'ai désiré et demandé à Dieu. Hélas ! Je ne lui étais pas utile sur cette terre. Parlez-lui sans cesse de moi et de ma tendresse ; dites-lui que j'aurais voulu, même aux dépens de ma vie, contribuer à son salut : je vous charge de lui faire mes derniers adieux. Je n'écris point à ma mère, je connais sa force et ne veux point l'affaiblir ; sa foi la soutiendra dans ce terrible moment. Dites-lui bien en mon nom que je lui dois et le bonheur de ma vie passée et le bonheur de ma vie future ; que je ne cesserai de rendre grâces à Dieu, lorsqu'il m'aura fait miséricorde, de nous avoir donné une telle mère. Il m'en coûte de ne pouvoir lui exprimer tous les sentiments de tendresse, de respect et de reconnaissance dont je suis pénétrée. Ah ! Rendez-lui, tous les jours de votre vie, des actions de grâces et pour vous et pour moi, vous qui jouirez longtemps encore, ainsi que nos sœurs, du bonheur de la posséder. Cette lettre vous sera commune. Notre union m'a rendue heureuse et m'a soutenue dans tous les temps ; et, même en ce cruel moment, l'espoir de chanter un jour avec vous toutes les miséricordes du Seigneur fait ma consolation. J'ai prié mon mari de confier nos deux enfants à ma sœur de Noailles. Je lui ai parlé avec une grande confiance de mes intentions. Voyez-le souvent ; rappelez-lui mon désir ardent et ma continuelle occupation de son bonheur. Au défaut de ma sœur de Noailles, c'est vous qui seriez chargée de mes pauvres petits enfants. Adrienne est trop accablée de soins et d'affaires pour que j'ose ajouter à sa charge, mais elle vous donnera des conseils, et mes enfants seront les vôtres, car tout bien nous est commun. Courage, chère amie ! Dieu exige un terrible sacrifice. Offrez-lui votre douleur ; triomphez de l'abattement où vous vous sentez plongée, afin que rien ne vous détourne de vos devoirs. »
Dans le même mois, Lafayette écrit une lettre secrète au Roi : Quelque difficiles que soient nos circonstances, il faut, et l'on peut en triompher ; mais nous n'avons ni temps à perdre, ni moyens à négliger. L'établissement d'une Constitution libre, où tout intérêt cède à l'intérêt du peuple, est la seule chance de salut pour la Nation et pour le Roi, comme le seul système auquel je puisse concourir. Il n'est plus possible au Roi de balancer entre les partis : d'un côté sont les débris d'une aristocratie impuissante, recevant toujours et ne rendant jamais ; de l'autre la Nation entière qui fait sa gloire, son bonheur et sa puissance. La nécessité, d'accord avec le cœur du Roi, doit le décider : dès lors, il convient d'abandonner toute idée ancienne, tout plan de retour, et de rallier franchement toutes les volontés autour de l'étendard national ; il faut que le Roi s'offense d'un propos contre la Liberté, d'un doute sur la Constitution, et que les courtisans même sachent que dans un pays libre, son rôle est d'être l'homme du peuple.
En l'an 1790.
Dans les premiers jours, Gilbert du Motier de La Fayette déclare : « Pour la révolution, il a fallu des désordres, car l'ordre ancien n'était que servitude, et, dans ce cas, l'insurrection est le plus saint des devoirs ; mais pour la constitution, il faut que l'ordre nouveau s'affermisse, et que les lois soient respectées. »
Le 12 janvier (23 Nivôse), La Fayette écrit de Paris au général Washington : « Nous avons avancé dans la carrière de la révolution sans que le vaisseau de l'État se soit brisé contre les écueils de l'aristocratie et des factions. Au milieu des efforts toujours renaissants des partisans du passé et des ambitieux, nous marchons vers une conclusion tolérable. À présent que ce qui existait a été détruit, un nouvel édifice politique se construit ; sans être parfait, il est suffisant pour assurer la liberté. »
Le 17 janvier (28 Nivôse), de Londres, le marquis de la Luzerne envoie une lettre au président George Washington : « Votre ami, le marquis de Lafayette, se trouve à la tête de la révolution, et cette circonstance, qui est très heureuse pour l'État, l'est très peu pour lui-même. Jamais un homme n'a été placé dans une situation plus critique. Bon citoyen, et sujet fidèle, il éprouve mille difficultés pour faire comprendre ce qui est convenable à bien des gens qui très souvent ne le sentent pas, et qui plus d'une fois ne veulent pas le comprendre. »
Le 21 janvier (2 Pluviôse), le général La Fayette reçoit l'ordre du décret rendu contre Marat.
Le 25 janvier (6 Pluviôse), M. de Noailles déclare : « Vous voulez augmenter la solde des troupes, mais vous diminuez la jouissance et la paie du soldat ; si vous innovez sur les usages des troupes en activité de service dans les garnisons, quartiers ou voyages, il faut ajouter simplement au décret, sans rien innover, quand à présent, aux usages concernant les garnisons françaises et étrangères. » Le 26 janvier (7 Pluviôse), le Commandant général accompagne M. le Maire de Paris et les gardes-françaises à l'église de Notre-Dame pour y déposer les anciens drapeaux du régiment comme drapeaux de conquête.
Au mois de février, Pauline de Montagu perd une seconde fille : Clotilde.
Le 4 février (16 Pluviôse), à Grenoble, un descendant de Bayard, le chevalier sans peur et sans reproche, offre au général de Lafayette la chaîne que portait le chevalier à son cou ; il lui adressa également ces vers :
D'un ordre chéri des guerriers
Cette antique et simple parure,
Dans les combats ornait l'armure
Du plus brave des chevaliers.
Qui mieux que vous aurait des droits sur elle ?
Comme Bayard, sans reproche et sans peur,
Sage, vaillant, à vos devoirs fidèles,
Chaque jour vous obtenez une gloire nouvelle ;
Et malgré les complots et l'envie en fureur,
Vous sortez des dangers toujours calme et vainqueur.
Le 9 février (21 Pluviôse), le vicomte de Noailles annonce : « J'ai des nouvelles certaines des malheurs dont on vous a fait le tableau. Il y a dans le Rouergue, dans le Limousin et dans le Périgord des gens qui se sont érigés en réparateurs des torts ; ils jugent de nouveau des procès jugés depuis trente ans, et rendent des sentences qu'ils exécutent. Il faut inviter le pouvoir exécutif à user de tous les moyens qui lui sont donnés par vos décrets pour arrêter cette frénésie. C'est vraiment une frénésie ; car ceux qui vont à ces exécutions croient faire la chose la plus juste du monde. Un moyen plus sûr encore, c'est de délibérer, sans plus attendre, sur le projet de décret qui vous a été présenté par le comité féodal. »
Le 20 février (2 Ventôse), le marquis de Lafayette déclare : « Les troubles qui ont existé et qui existent encore dans les provinces ont alarmé votre patriotisme, votre humanité, votre justice. Vous avez senti que rien n'était plus contraire à la liberté que la licence ; vous avez pensé qu'il fallait non seulement établir une nouvelle constitution, mais qu'il fallait encore la faire aimer et respecter de tous. D'après ce principe immuable, vous avez invité votre comité de constitution à vous présenter un projet de loi qui fût propre à ramener le calme et la tranquillité dans le royaume. »
Le 22 février (4 Ventôse), M. de Lafayette étant d'accord avec M. d'Aiguillon dit : « Parmi les discussions intéressantes que j'ai entendues, une grande idée m'a frappée : le peuple est trompé ; il faut dissiper son erreur ; il faut lui apprendre jusqu'où s'étendent les promesses qui lui ont été faites, et lui montrer les bornes de ses espérances. »
Le 23 février (5 Ventôse), Rosalie de Grammont accouche d'un garçon prénommé Pierre-Louis.
Le 28 février (10 Ventôse), M. de Noailles notifie : « Il me semble que le mot destitué ne laisserait aucun doute ; on peut craindre que l'article ne soit contraire à la discipline militaire ; mais j'observe qu'avant d'être destitué, il faut être suspendu de ses fonctions, et c'est à cette suspension que se borne l'effet de la discipline. Il est certain que vous avilissez l'armée en la chassant de la constitution ; assurément elle ne fait pas de distinction entre les soldats et les officiers ; et si vous privez les uns de l'exercice de leurs droits, vous en privez également les autres. Le terme de seize années est trop court ; il faut le porter jusqu'à vingt : c'est à cette époque, sans doute, qu'on fixera la vétérance. »
Le 12 mars (22 Ventôse), M. de Noailles déclare : « Il y a une incompatibilité manifeste entre les fonctions du pouvoir administratif et celles du pouvoir législatif. »
Le 27 mars (7 Germinal), M. de Lafayette a eu l'honneur d'accompagner Leurs Majestés à visiter la manufacture des glaces du faubourg Saint-Antoine de Paris.
Le 8 avril (19 Germinal), le marquis de Lafayette accompagne le général Paoli pour être présenté à Sa Majesté.
Le 12 mai (23 Floréal), avec Jean Sylvain Bailly, Lafayette fonde la Société de 1789 s'appelant ensuite le club des Feuillants, le 17 mars 1791 qui se bat contre le club des Jacobins.1
Et ce jour-là, il dit : « Il serait insensé de tenter une contre-révolution ; il serait pusillanime de la redouter ; mais il faut veiller à ce que rien ne la favorise. Je ne crains pas même les efforts des nations étrangères. La nation française, ornée de ses nouvelles vertus, et sûre de son chef, n'a rien à redouter. L'énergie du peuple et la bonté du Roi suffisent pour assurer la révolution ; cependant, on ne peut s'empêcher d'observer des mouvements combinés qui semblent se lier de Strasbourg à Nîmes, de Brest à Toulon. »
Le 26 mai (7 Prairial), M. de Lafayette répond à la lettre de Charles de Lameth : « Je ne vois pas, Monsieur, ce que le commandement de la garde nationale, ni aucun bruit de votre nomination à cette place ne pourraient avoir de commun avec quelque différence d'avis sur deux rédactions de décrets, surtout depuis que vous avez adopté celui que je préférais. Mais j'espère que les amis de la liberté s'accorderont toujours sur les vrais principes, et je désire qu'ils s'entendent également sur les meilleurs moyens d'affermir la constitution. »
Le 27 mai (8 Prairial), le commandant général Lafayette et le maire de Paris Bailly signent l'Adresse des citoyens de Paris à tous les Français pour le pacte fédératif.
Le 7 juin (19 Prairial), Lafayette déclare : « Quelque empressé que je sois de célébrer les fêtes de la liberté et notamment les 14 et 15 juillet, j'aurais souhaité que l'époque d'une confédération générale fût moins déterminée par des souvenirs que par les progrès de nos travaux ; non que je parle ici des décrets réglementaires ou législatifs, mais de cette déclaration des droits de cette organisation de l'ordre social, de cette distribution de l'exercice de la souveraineté qui forme essentiellement une constitution : c'est pour elle que les Français sont armés et qu'ils se confédèrent. Puissions-nous, animés par l'idée de cette sainte réunion, nous hâter de déposer sur l'autel de la patrie un ouvrage plus complet ! L'organisation des gardes nationales en fera partie : par elle la liberté française est garantie à jamais ; mais il ne faut pas qu'à cette grande idée d'une nation tranquille sous ses drapeaux civiques, puissent être mêlé un jour de ces combinaisons individuelles qui compromettraient l'ordre public, peut-être même la constitution. »
Le 10 juin (22 Prairial), le marquis de La Fayette apprend la nouvelle de la mort de Benjamin Franklin.
Le 12 juin (24 Prairial), Marie-Antoinette écrit au comte de Mercy : Tout va de mal en pire ; le ministère et M. de La Fayette entraînent tous les jours dans des fausses démarches. On va au-devant de tout, et, loin de contenter ces monstres, ils deviennent à tout moment plus insolents ; et, vis-à-vis des honnêtes gens, on s'avilit d'autant. Je suis au désespoir.
Le 16 juin (28 Prairial), M. de Noailles lâche : « Vous avez entendu parler plusieurs fois des désordres qui règnent dans quelques parties de l'empire. Ce n'est pas la faute des peuples, qui sont trop souvent trompés : ce n'est pas la faute des administrations, qui donnent tous leurs soins à l'exécution des décrets et au maintien de l'ordre public ; mais c'est la faute des ministres : c'est à leur fâcheuse inertie, c'est à leur coupable ambition, c'est à leur désir de rattraper le pouvoir que vous leur avez si sagement ôté, qu'il faut attribuer ces désordres. Ils voudraient que l'accroissement des maux fît regretter leur dangereuse puissance, afin qu'ils reprissent une autorité que vous avez si sagement détruite. »
Au mois de juillet, Philippe de Noailles, prince de Poix du baillage d'Amiens donne sa démission.
Le 14 juillet (26 Messidor), Gilbert du Motier de La Fayette organise la fête de la Fédération située sur le Champ-de-Mars (espace de campagne). Il fait le premier serment au nom des gardes nationales « Nous jurons d'être à jamais fidèle à la nation, à la loi et au Roi, de maintenir la constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le Roi ; de protéger, conformément aux lois, la sûreté des personnes et des propriétés, la libre circulation des subsistances, dans l'intérêt du royaume, et la perception des contributions publiques, sous quelque forme qu'elles existent, de demeurer uni à tous les Français par les liens indissolubles de la Fraternité. »
Le 15 juillet (27 Messidor), M. de Noailles dit : « Il faut que le militaire qui embrasse cette carrière ait la confiance qu'il parviendra aux grades ; que le sous-lieutenant soit sûr de devenir lieutenant, capitaine, colonel, et ainsi de suite. »
Le 21 juillet (3 Thermidor), M. de La Fayette assiste à l'éloge funèbre de Benjamin Franklin prononcé par l'abbé Fauchet.
Le 29 juillet (11 Thermidor), M. de Noailles déclare : « Quelles que soient les menaces qui nous sont faites de la part des puissances étrangères, leurs tentatives, en supposant qu'elles en projettent, seront impuissantes, si l'union, si la concorde ne cesse de régner entre les gardes nationales du royaume et les troupes de ligne. Il n'est pas de puissance plus formidable que celle que le patriotisme armé et réunit. »
Le 9 septembre (23 Fructidor), le régiment de Noailles dispersé en plusieurs endroits refuse d'exécuter les ordres du Roi.
Le 10 novembre (20 Brumaire), le commandant général Lafayette reçoit un billet du Roi disant : « Je vous préviens, Monsieur, que, lorsque je formerai ma maison militaire à pied, mon intention est d'y admettre, comme vous m'en avez parlé, les grenadiers soldés de la garde nationale de Paris et une partie des compagnies du centre. Je vous consulterai sur ce travail dans le temps que je compterai le mettre à exécution, ainsi que sur le service des volontaires des différents gardes nationaux. Vous savez que mon intention a toujours été qu'ils fissent le service auprès de ma personne dans les différents endroits où je me trouverai. »
Lettre secrète de Lafayette au roi : J'ai l'honneur de rendre compte au Roi que le Conseil général a vu dans le billet de Sa Majesté un nouveau et touchant témoignage de son affection pour les Gardes nationales, et de son attachement à la Constitution, et que c'est ainsi que les Commissaires ont rédigé le compte qu'ils en rendent.
Le 18 novembre (28 Brumaire), le régiment de Noailles, en garnison à Carcassonne, témoigne son repentir des désordres dans lesquels il a été entraîné, et demande le rappel des officiers qui avaient été obligés de se retirer.
Le 9 décembre (19 Frimaire), concernant les malheurs de Nancy, Louis de Noailles balance : « Nous aurons peut-être à reprocher à M. Bouillé d'avoir laissé approcher l'avant-garde de sa colonne trop près du poste qui gardait l'entrée de la ville, et de l'avoir ainsi compromise contre sa propre intention. Un moment a fait couler le sang qui a été répandu ; nous ne dirons pas qu'un instant aurait pu compromettre les succès de cette journée, car nous regarderons sans cesse comme un jour de deuil le jour où tant de citoyens ont été sacrifiés. Je pense encore que M. Lafayette a outrepassé les bornes de ses fonctions quand il a invité les gardes nationales des départements de la Meurthe et de la Moselle à obéir à vos décrets. (Son autorité sur les autres gardes nationales était contestée.) »
Le 11 décembre (21 Frimaire), M. de Noailles, ministre de France à Vienne, a été introduit dans le conseil général de la commune. Ce ministre a prêté entre les mains du maire, le serment prescrit par le décret de l'Assemblée nationale.
Le 18 décembre (28 Frimaire), M. de La Fayette fait adopter le décret obligeant les membres de la famille royale, appelés à succéder à la couronne, à prêter le serment civique.
Dans la même année, Louise, la vicomtesse de Noailles donne le jour à une fille prénommée Adélaïde-Marie-Euphémie-Cécile.
Et le peintre Hubert Robert offre au marquis de La Fayette son tableau sur la démolition de la Bastille.
Lettre secrète du Roi à M. de Noailles, prince de Poix : Je veux bien, Monsieur, vous répondre encore ; je pourrais avoir de fort bonnes raisons pour ne pas le faire ; et que M. de La Fayette désirait sur mon habillement, et quelque confiance que j'ai en lui, je peux fort bien ne pas voir de même sur plusieurs points ; et alors je les discute de lui à moi ; mais vous n'êtes nullement dans la confidence ; vous avez appris par hasard ce qu'il désirait, et vous allez en parler à tout le monde, et même aux officiers de la garde nationale, en appuyant sur le mauvais effet que cela ferait, si je ne portais pas l'habit qu'on désirait ; non content de cela, vous vous servez de mes gens pour espionner dans mon intérieur les ordres que je peux avoir donnés. Je vous laisse à juger vous-même si c'est là la conduite de quelqu'un qui m'est véritablement attaché. Je vous ai déjà fait apercevoir que, quelque bonne volonté que je crois que vous ayez, vous vous trompez souvent sur votre manière de voir les choses et les personnes. Je connais des personnes qui désapprouvent fort intérieurement la plupart des choses que les circonstances me forcent de faire, mais ils ne préjugent pas ma façon d'agir, ni ne la blâment ouvertement après ; mais ne pouvant plus changer l'état des choses, ils se contentent d'avoir leur façon de penser pour eux seuls. Je crois cette méthode préférable. Au reste, Monsieur, c'est par l'amitié que j'ai pour votre père et pour votre sœur, que je suis entré dans tous ces détails, et c'est la dernière fois que je répondrai.
Lettre secrète de M. de Noailles, prince de Poix au Roi : Les paroles dont Votre Majesté s'est servie hier pour m'exprimer les plus injustes soupçons, ne sortirons jamais de mon esprit. La loyauté, la droiture que mes ennemis même ne peuvent me refuser, doivent, j'ose le dire, être connues de Votre Majesté. Depuis seize ans que j'ai l'honneur de la servir, ma fidélité, mon dévouement sont au-dessus de tout reproche. Je n'ai fait sans doute que mon devoir en me retirant d'une Assemblée qui paraissait attenter à un droit que je crois nécessaire à laisser au Roi. Je savais par des aides-de-camp de M. de Lafayette, combien il lui paraissait important que Votre Majesté passât la revue de la garde nationale vêtue comme elle l'est à celle de ses troupes de ligne ; je savais l'effervescence excitée dans le peuple à cette occasion : mon attachement s'en était fort alarmé ; j'avais été tourmenté toute la journée de ce qui pourrait en résulter : j'ai fait parvenir à la Reine mes inquiétudes à ce sujet. Je désirais vivement que Votre Majesté consentit à porter cet habit ; voilà ce que m'a inspiré le zèle le plus pur, le désir passionné du succès de Votre Majesté : voilà ce que la malignité à empoisonné.
Lettre secrète de M. de Noailles, prince de Poix au Roi : Il m'est impossible de ne pas répondre à Votre Majesté, quand elle persiste à croire les faussetés dont on m'a accusé vis-à-vis d'elle. Je n'ai parlé à aucun officier de la garde nationale sur ce que Votre Majesté devait mettre l'habit rouge ; mais plusieurs m'ont demandé si je le croyais, et paraissaient le désirer vivement ; j'ai dit que je le souhaitais : je n'y vois aucun mal. Votre Majesté a la bonté de me répondre, par amitié pour mon père et ma sœur ; mais j'ose dire, Sire, que mon âge et l'ancienneté de mon service auprès de sa personne me mettent dans le cas de mériter personnellement de perdre ou de conserver ses bontés.
En l'an 1791.
Au début de cette année, Charles de Noailles s'enfuit en Angleterre.
Le 7 février (19 Pluviôse), le marquis de La Fayette écrit une lettre à son cousin le marquis de Bouillé ne le soupçonnant pas d'être aussi contre lui : « Les courtisans sont comme ils étaient, bien bêtes, bien vils, bien aristocrates ; la Reine est résignée à la révolution, espérant que l'opinion changera un peu, mais redoutant la guerre ; et le Roi ne veut que le bien et la tranquilité, à commencer par la sienne. Je suis violemment attaqué par tous les chefs de parti, qui me regardent comme un obstacle incorruptible et impossible à intimider, et le premier article de tout mauvais projet est de me renverser. Joignez-y les aristocrates et le parti d'Orléans ; les Lameth, avec lesquels j'ai été intimement lié ; Mirabeau, qui dit que je l'ai méprisé ; l'argent et les libelles répandus, ainsi que l'humeur que je donne à ceux que j'empêche de piller Paris, et vous aurez la somme de tout ce qui agit contre moi. »
Le 8 février (20 Pluviôse), M. de Noailles furieux dit : « Je demande que le comité de constitution, qui depuis longtemps nous promet l'organisation des gardes nationales, envoie son travail à l'impression. »
Le 10 février (22 Pluviôse), Louis de Noailles déclare : « Ne nous parler pas de ces marchés d'hommes. Je ne dirai rien sur la manière dont les régiments hessois ont servi en Amérique ; ces événements ne seraient pas arrivés, si les régiments hessois eussent déjà existé en Amérique, et qu'ils ne se fussent recrutés que moitié d'étrangers. Je demande donc que cette faculté soit accordée aux régiments ci-devant appelés étrangers ; ce n'est pas dans un moment où il manque trente-trois mille hommes à l'armée, où les avantages que vous accordez aux soldats ne l'ont pas complétée, qu'on peut refuser d'admettre la moitié d'étrangers dans les régiments qui sont susceptibles d'en recevoir sans inconvénient. »
Le 13 février (25 Pluviôse), M. de Noailles déclare : « Je respecte les Américains et les vertus qui leur ont fait conquérir la liberté. Je saurai cependant combattre ici une proposition dont l'adoption leur serait avantageuse, lorsque l'intérêt de la France exige qu'elle soit combattue. Si vous diminuez les droits sur les tabacs d'Amérique, il faudra augmenter les droits de fabrication, de licence ; ce sera un impôt que vous mettrez sur le pauvre. Je demande donc que, par considération pour la classe indigente, on mette sur les tabacs venant de l'Amérique un impôt qui ne sera payé que par les riches, car eux seuls useront de cette denrée. Quand on fait des observations qui embrassent les Deux Mondes, elles ont besoin d'être mûrement réfléchies, et il est possible qu'elles ne soient pas toujours d'une grande justesse... La révolution de l'Amérique nous a donné l'espérance de grandes relations commerciales avec les États-Unis : elle nous a rendu le service essentiel de nous donner un grand exemple par ses efforts heureux pour la liberté... »
Le 28 février (10 Ventôse), une centaine d'hommes armés de pistolets et d'armes blanches voulant délivrer le Roi sont désarmés par la garde nationale dont La Fayette. (Il s'agit d'aristocrates).
Le 4 avril (15 Germinal), le général La Fayette aussi appelé par les Américains « le second Washington de la garde nationale », est à la tête de l'état-major de la garde nationale en ce jour funeste de mise en terre de M. de Mirabeau.
Le 7 avril (18 Germinal), Louis de Noailles déclare : « On peut parvenir aux grades militaires de deux manières, par le droit d'avancement et par le choix du roi. Je pense qu'il est sage de décider que le choix du roi ne pourra tomber sur des officiers séant à la législature que quatre ans après la fin de leur session ; mais il serait injuste d'adopter la proposition de M. Legrand, qui priverait les militaires du bénéfice de la loi, et qui les empêcherait de donner des preuves de leurs talents dans l'ordre qu'elle prescrit. »
Le 18 avril (29 Germinal), le Roi a nommé M. Lafayette, maréchal de camp pour être employé dans la 17e division militaire comprenant : l'Oise, Paris, Seine-et-Oise, Seine-et-Marne, l'Eure-et-Loir et Loiret.
Le 19 avril (30 Germinal), M. de Noailles dit : « Il est depuis arrivé à Porentrui cinq cents hommes de troupes autrichiennes, et il doit y avoir aujourd'hui un régiment de trois mille hommes.” “On a fait remarquer avec raison la nécessité d'empêcher l'introduction de troupes étrangères à Porentrui ; ce territoire est la clef de la France, et le passage par lequel les troupes étrangères peuvent s'introduire dans le royaume, en prenant tous nos postes à revers. Si ce rassemblement de troupes augmentait, il pourrait exciter des alarmes dans les départements frontières... Pourquoi donc le ministre des Affaires étrangères ne nous a-t-il pas instruits de ces mouvements ? Puisque nous avons des agents, des espions, des ambassadeurs, car je confonds assez facilement tous ces mots-là, il faut que nous sachions ce qui se passe. »
Le 21 avril (2 Floréal), le général La Fayette démissionne à cause de la désobéissance de ses hommes le 18 avril. Puis finalement, il reprend son poste, encore à la demande des gardes.
M. de Lafayette a fait remettre jeudi matin à la municipalité sa démission de la place de commandant général de la garde nationale de Paris, ainsi que celle de tout l'état-major. Vingt-trois bataillons se sont rendus chez M. Lafayette pour le prier de retirer sa démission. À neuf heures du soir, un grand nombre de bataillons y étaient en armes, avec leurs drapeaux, d'autres comme il pouvait être en sortant d'une assemblée. M. Lafayette était extrêmement accablé, et peu de personnes ont pu lui parler ; on l'a pressé avec les plus grandes instances, avec les plus touchantes expressions d'intérêt et de dévouement, de retirer sa démission. Un grand nombre de gardes nationales se sont ensuite transportées à la municipalité, accompagnées de flambeaux, et l'ont invité à joindre ses sollicitations aux leurs. La municipalité, M. Bailly à la tête, est arrivée chez M. Lafayette à onze heures ; elle s'est renfermée avec lui. Les appartements, la cour et une partie de la rue étaient remplis de gardes nationales. Il pleuvait à verse. Mme Lafayette a paru, et, s'adressant aux personnes qui étaient dehors, leur a exprimé ses regrets de ne pouvoir leur offrir un asile, et leur a témoigné combien elle était pénétrée de leur zèle. Il était minuit, et M. Lafayette n'avait pas donné de réponse. À cette heure, quarante-deux bataillons s'étaient déjà rendus chez lui.
Le 22 avril (3 Floréal), M. Lafayette s'est rendu à neuf heures du soir à l'assemblée du conseil général de la commune. À peine qu'il avait lu les premières phrases de son discours pour sa réponse, il s'est trouvé mal et s'est évanoui longtemps.
Le 26 avril (7 Floréal), tous les bataillons de la garde nationale parisienne ayant renouvelé le serment d'obéissance à la loi, le résultat de leurs délibérations a été remis à la municipalité et communiqué à M. Lafayette, qui a repris les fonctions de commandant général, et a assisté ce matin à la parade de la garde de la réserve de l'Hôtel de Ville.
Portrait de Lafayette par Marat dans un pamphlet : ... maréchal de camp, député de la noblesse de Riom aux États généraux, fondateur du club des Monarchiens et du club des Fédérés, instituteur des mouchards de l'état-major, président du comité autrichien, généralissime des contre-révolutionnaires, conspirateur en chef du royaume de France, et général de l'armée parisienne, et grenadier à moustaches du bataillon des Théatins ; offert à l'admiration des Français, amis de la vertu et de la liberté.
Le 28 avril (9 Floréal), M. le commandant général, chargé de l'exécution de l'arrêté de la compagnie de grenadiers de l'Oratoire, s'est transporté hier après-midi dans la cour, où, en présence de différents détachements de la garde nationale, il a fait quitter à la compagnie soldée des grenadiers du bataillon de l'Oratoire leurs fusils, leurs gibernes, leurs sabres, et l'a licenciée.
Le même jour, M. de Noailles dit : « Je pense, comme MM. Robespierre et Pétion, que tout citoyen domicilié doit faire le service de la garde nationale, afin de ne pas faire deux classes dans l'État. »
Le 5 mai (16 Floréal), M. de Noailles déclare : « Notre constitution doit avoir pour objet de lier toutes les parties de l'empire, et tout ce qui tend à les séparer est contraire à la liberté et à la prospérité nationale. »
Le 10 mai (21 Floréal), Louis de Noailles dit : « Le droit de placarder est une dépendance de la liberté de la presse, il tient à la liberté de manifester sa pensée d'une manière quelconque. Il ne doit pas y avoir plus de responsabilités pour l'exercice de ce droit que pour celui d'écrire et d'imprimer. »
Le 11 mai (22 Floréal), sur les gens de couleurs, M. de Lafayette dit : « On nous écarte sans cesse de la question. En effet, de quoi s'agit-il ? L'Assemblée nationale convoque les colons pour délibérer sur leurs intérêts. N'est-il pas évident que les hommes libres, propriétaires, cultivateurs, contribuables, d'une colonie, sont des colons ? Or, ceux dont il est question sont contribuables, cultivateurs, propriétaires, libres ; sont-ils aussi des hommes ? Moi, je le pense, et dans cette conviction j'appuie l'opinion de M. Tracy, et c'est comme lui que j'entends la question. »
Le 17 juin (29 Prairial), Charles-César de La Tour-Maubourg est élu député à l'Assemblée nationale constituante.
Le 21 juin (3 Messidor), alors que la veille à minuit, allant donner des ordres à M. Gouvion, M. de La Fayette en rentrant, passe tout près de Madame Élisabeth et frôle la Reine en sortant, tôt ce jour, il est averti de la disparition du Roi et se rend chez l'américain Thomas Paine et lui lance : « Les oiseaux se sont envolés ! » Le général décide de donner un ordre général de rechercher le Roi et sa famille dans tout le pays ; pour sauver sa tête, il inventa le kidnapping par les conspirateurs. (L'amant de Marie-Antoinette, le comte suédois Axel de Fersen, aidé du duc de Choiseul, du colonel de Damas et du marquis de Bouillé prépare l'évasion des souverains, alors lui-même déguisé en cocher sont arrêtés à Varennes.)
Le député La Tour-Maubourg et deux autres vont à la rencontre du monarque de retour vers Paris et le général les attends au palais. Le marquis de Lafayette dit : « L'Assemblée est instruite de l'attentat que les ennemis du bien public, dans la coupable espérance de compromettre la liberté française, ont commis, la nuit dernière, contre le Roi et une partie de sa famille... »
Le 22 juin (4 Messidor), l'Assemblée nationale fait un manifeste aux Français : « Un grand attentat vient de se commettre. L'Assemblée nationale était au terme de ses longs travaux ; la constitution allait être finie ; les orages de la révolution allaient cesser, et les ennemis du bien public ont voulu, par un seul forfait, immoler la nation entière à leurs vengeances. Le Roi et la famille royale ont été enlevés le 21 de ce mois. »
Le jeudi en fin de journée, M. de La Fayette, orateur de la députation de la garde nationale dit : « Vous voyez des citoyens qui n'ont jamais mesuré leur dévouement qu'aux besoins de la patrie. Ils demandent à prêter devant vous le serment de n'employer les armes, qu'ils ont prises pour la liberté, que pour la défense de la constitution et de la liberté. Les derniers événements n'ont été, pour le peuple de la capitale, que ce que doivent être des mouvements qui n'attaquent pas ses droits. S'il est vrai que le calme imposant et fier dont il a offert le touchant spectacle augmente la fureur de nos ennemis, hâtez-vous de nous désigner les lieux où ils se trouvent ; et que les premiers soldats de la liberté soient les premiers soldats qui marchent contre le despotisme ! »
Le marquis La Fayette se rend au club des Jacobins pour répondre aux accusations de Danton : « Je viens me réunir à cette société parce que c'est dans son sein que tous les bons citoyens doivent se retrouver en ces circonstances où il faut plus que jamais combattre pour la liberté. » Puis Gilbert démissionne à nouveau de son poste des gardes nationales.
Le 30 juin (12 Messidor), il est promu au grade de lieutenant général et son cousin le marquis de Bouillé, dans une lettre revendique la fuite du Roi et l'accuse de vouloir une république.
Au mois de juillet. Gilbert est de retour à son poste de commandant en chef de la garde nationale. Le 6 juillet (18 Messidor), M. de La Tour-Maubourg devient colonel du 3e régiment de chasseurs à cheval « chasseurs des Flandres ».
Le 10 juillet (22 Messidor), M. de Noailles dit : « J'observe qu'il est temps de rendre le décret qui doit mettre en mouvement les bataillons des gardes nationales qui doivent se porter sur les frontières. Le département du Nord insiste pour que ce décret soit promptement rendu ; les gardes nationaux, ceux de Paris particulièrement, qui n'ont cessé de nous montrer leur courage, et de se livrer, depuis deux ans, à toutes les fatigues possibles, brûlent de voler sur les frontières. »
Le 17 juillet (29 Messidor), après deux meurtres, La Fayette envoie en renfort un bataillon de garde au Champ-de-Mars, à Gros-Caillou ; le marquis est insulté et reçoit une motte de terre par un homme, lui, ainsi que ses hommes essuient des jets de pierre et des coups de feu. Gilbert échappe à une balle et ses soldats ripostent, certains d'entre eux sont assassinés. Afin d'arrêter le massacre, le général se place devant un canon prêt à être utilisé.
Le 22 juillet (4 Thermidor), On a arrêté hier, M. Verrières (auteur de l'Ami du peuple), membre du club des Cordeliers, défenseur de M. Santerre dans sa cause contre M. Lafayette. Mademoiselle Colombe (directrice de l'imprimerie) a été aussi conduite en prison. On est allé pour saisir M. Fréron (auteur de l'Orateur du peuple), mais on ne l'a pas trouvé chez lui. M. Sulleau (auteur de journaux aristocratiques) est aussi arrêté. MM. Legendre, Danton et Camille Desmoulins ont quitté Paris ; on assure qu'il y avait ordre de les constituer prisonniers. La société des Amis de la constitution se trouve en ce moment divisée. Un grand nombre de ses membres, députés à l'Assemblée nationale, se sont retirés de Jacobins et se réunissent aux Feuillants. On a arrêté l'auteur d'un ouvrage intitulé Le Père Duchêne (ne pas confondre avec la feuille du même titre). MM. Damas, Dandrouin, Floriac, Remi, Vellecourt, Marassin, Talon, Lacour et d'Offelise, détenus à Verdun comme complices de l'évasion du Roi...
Le 24 juillet (6 Thermidor), M. Lafayette a passé ce matin en revue, aux Champs-Élysées, les citoyens soldats du département de Paris qui doivent incessamment partir pour défendre nos frontières contre les invasions des ennemis de notre révolution.
Le 30 août (13 Fructidor), M. de La Fayette déclare : « Je pense que la même Assemblée qui a reconnu la souveraineté du peuple français, qui a reconnu le droit qu'il avait de se donner un gouvernement, ne peut méconnaître le droit qu'il a de le modifier ; je pense que toute bonne constitution doit, comme j'ai eu l'honneur de vous le dire le 11 juillet 1789 dans un projet des Déclarations des droits, doit, dis-je offrir des moyens constitutionnels et paisibles de revoir et modifier la forme du gouvernement ; je pense qu'il serait attentatoire à ce droit souverain du peuple français d'adopter une proposition qui l'en prive absolument pendant trente ans, c'est-à-dire pendant une génération tout entière. »
Le 5 septembre (19 Fructidor), M. de Noailles dit : « La constitution est achevée, ses principes doivent désormais diriger nos mouvements sociaux. Il est temps de faire régner une pleine sécurité dans nos villes et dans nos campagnes ; il est temps de rappeler le peuple au travail qui lui est utile, et au repos qui lui est nécessaire... Les Suisses, les Bataves, les Anglais, les Américains n'ont pu fixer chez eux la liberté qu'après avoir longtemps combattu pour elle. »
Le 13 septembre (27 Fructidor), le marquis de La Fayette décrète une amnistie générale.
Le 8 octobre (17 Vendémiaire), alors âgé de trente-quatre ans, il démissionne encore de son poste et se retire à Chavaniac avec sa famille, la grand-mère d'Ayen et la tante de Noailles.
Le 13 octobre (22 Vendémiaire), en l'an IIIe de la liberté, concernant M. de Lafayette, en gratitude de son bon et loyal commandement depuis la révolution, on lui ferait présent d'une épée à garde d'or avec une inscription et une indemnité lui serait accordé.
Un membre de l'assemblée s'exprime ainsi : « M. Lafayette a rendu plus de services à notre nation... le commandant général de la garde nationale parisienne, dont la fortune est très bornée, a constamment refusé toute espèce d'honoraires ; il a traité journellement ses camarades de service ; il a vendu des terres pour remplir ce que lui dictait son grand cœur... qu'il lui soit accordé une récompense au nom de la nation, qu'un terrain considérable lui soit donné avec un château bâti aux frais du trésor public, et qu'en mémoire des services de M. Lafayette, ce terrain et ce château portent le nom de La Révolution. »
En reconnaissance des services du marquis de La Fayette ; une médaille en son honneur sera frappée, et la statue de Washington faite par Houdon lui sera donnée.
Au mois de novembre, une délégation de la garde nationale de Lyon offre au général une couronne civique en feuilles de chêne, surmontée du coq gaulois et enchâssant un grand écusson dont sur un des côtés est dessiné le lion de la seconde ville de France et sous la couronne est inscrit Civitas Lugdunensis Optimo Civi qui signifie : le meilleur citoyen de la ville de Lyon.
Le 2 novembre (12 Brumaire), dans la colonie Saint-Domingue, les Noirs révolutionnaires chantent des chansons sur la liberté dont certains jeunes utilisent le refrain : Vive Lafayette !
Le 16 novembre (26 Brumaire), le général La Fayette perd contre M. Pétion pour la place de maire de Paris.
Le 20 novembre (30 Brumaire), il est élu Chef de légion de la Garde nationale grâce entre autres au duc de La Rochefoucauld.
Au mois de décembre, Gilbert du Motier de Lafayette est nommé commandant de l'armée du Centre (Est).
Le 17 décembre (27 Frimaire), Louis de Noailles répond au général Rochambeau qui lui avait écrit : « L'empressement à vous soumettre mes doutes sur les questions militaires les plus importantes est une preuve de l'estime que j'ai conçue depuis longtemps pour vos profondes connaissances dans cet art difficile. C'est un sentiment que je partage avec les guerriers des deux mondes ; ce langage est celui de la vérité ; je promets la même franchise aux officiers que j'ai voulu désigner dans ma première lettre, insérée dans plusieurs journaux s'ils m'interpellent sur mon opinion à leur égard... » Le 20 décembre (30 Frimaire), Louis Narbonne, ministre de la guerre écrit à M. Lafayette : « Le Roi m'a chargé, Monsieur, de vous mander qu'il vous destinait le commandement d'une partie des troupes qu'il a cru nécessaire de faire rassembler. Il a pensé que la présence de M. Lafayette, dans l'armée de la liberté, était le garant des efforts et le présage des succès. »
Le 24 décembre (4 Nivôse), M. Lafayette déclare : « L'Assemblée nationale connait mes principes et mes sentiments : je me borne donc à lui exprimer ma vive sensibilité, pour les signes d'approbation qu'elle a daigné donner au choix du roi ; et je joindrai cet hommage à celui de mon respect pour l'Assemblée nationale, et de mon dévouement inaltérable pour le maintien et la défense de la constitution. »
Le 25 décembre (5 Nivôse), il part pour Metz afin de repousser les émigrés endiablés dirigés par l'archevêque Clément Wenceslas de Saxe, oncle de Louis XVI ; les Autrichiens restent à la frontière. M. Lafayette est parti ce matin à dix heures, pour aller prendre, à Metz, le commandement qui vient de lui être confié. Pendant sa traversée de Paris, qui a duré près de deux heures, il a été accompagné par des détachements de tous les bataillons de la garde nationale, et par une foule innombrable de citoyens, qui lui offraient avec enthousiasme les expressions de l'estime, de la confiance et de la reconnaissance publique. La garde nationale à pied l'a accompagné jusqu'aux barrières, et la garde nationale à cheval jusqu'à Gonesse.
Dans le même mois, Mme de Montagu, son époux et leur fille arrivent à Londres en Angleterre.
En l'an 1792.
Le 6 février (18 Pluviôse), Charles-César de La Tour-Maubourg est nommé maréchal de camp, par la suite général de brigade et commande l'avant-garde de l'armée du Centre après le général Gouvion. Le 27 février (9 Ventôse), lettre secrète au Roi : Il paraît que M. de Noailles a été beaucoup plus affecté que moi de la réponse de l'Empereur ; il craint apparement, et cette opinion est fort excusable, que la principale force de gouvernement ne soit dans les Jacobins : c'est à eux en effet que l'Empereur déclare la guerre ; reste à savoir s'ils pourront déterminer l'Assemblée Nationale et la Nation à soutenir leur cause.
Le 15 mars (25 Ventôse), le Roi écrit une lettre à sa tante, Madame Adélaïde :
M. de La Fayette n'a point changé depuis votre départ. Son ambition égale sa fausseté, et sa fausseté son ingratitude. La Reine prétend que dans le siècle de la chevalerie il eût été déclaré déloyal et traître ; moi, je trouve qu'il agit comme il pense, et qu'il pense comme il agit.
Observations d'Hélène-Maria Williams en 1805 : « Cependant quelque reproche qu'on ait pu faire à M. de La Fayette ; et qui pourrait se flatter de n'en avoir pas encouru dans une situation aussi difficile que la sienne ? On ne peut pas lui enlever l'honneur d'avoir été le premier à proclamer, dans son pays, les axiomes sacrés qui furent la base de la révolution française ; ni lui contester celui d'avoir souffert, avec dignité, pour elle. Pour ce qui concerne l'accusation de la Reine, il est juste de faire observer que M. de La Fayette n'ayant jamais juré féauté et hommage à aucune autre déesse qu'à celle de la liberté ; et n'ayant jamais prétendu être armé d'un de ces dix mille glaives qui, selon M. Burke, devaient être tirés au premier signal donné par la beauté, on l'accuse à tort de déloyauté. Il servit la cause de la Reine aussi longtemps, et peut-être plus longtemps qu'il ne l'aurait dû ; mais toute sa conduite semble prouver qu'il n'avait d'autre but et d'autre désir que l'établissement de la liberté, sur les bases les plus sublimes et les plus durables. »
Le 14 avril (25 Germinal), l'Assemblée décrète qu'il y a lieu à accusation contre M. de Noailles, ambassadeur de France auprès de la cour de Vienne. Plus tard dans le même mois, il est innocenté. Certains des amis du marquis se retournent contre lui dont Lauzun et Brissot.
Le 18 avril (29 Germinal), le lieutenant général Lafayette écrit de Metz, une lettre à Adrienne : « Je ne puis dissimuler que la guerre devient probable. Il y a de l'espérance encore, mais je parierais beaucoup plus pour la guerre. Nous camperons vers le 10 mai. Les partis sont divisés à présent de cette manière : Robespierre, Danton, Desmoulins, etc., etc., forment la tourbe jacobine2. Ces marionnettes sont conduites des coulisses, et servent la cour, en désorganisant tout, criant que nous sommes battus sans ressources, en attaquant Lafayette “qui a trompé, disent-ils, le peuple, et la cour, qui a conduit M. de Bouillé bien moins coupable, et qui est plus dangereux que l'aristocratie.” Duport m'a mandé naïvement “que le parti m'accusât de républicanisme et que si je voulais bien m'entendre avec eux, il se trouverait près de moi sans le savoir.” Je me suis moqué de la franchise et de la confiante bonhomie de Duport qui sera, je crois, bien grondé pour cette phrase. On me reproche aussi d'être antiautrichien. L'autre parti qu'on appelle les hauts jacobins, et qui soutient le ministère actuel est composé du Bordelais, de l'abbé Sieyes, Condorcet, Roederer, etc. Ceux-ci craignent et haïssent Robespierre, mais n'osent pas ce dépopulariser ; ils croient la guerre inévitable, apprécient Luckner, sentent que Rochambeau s'en va (il tombe malade et il est menacé d'une hydropisie de poitrine), et depuis quelque temps est convenu que, même en me haïssant personnellement, il fallait avoir toute sa confiance en moi, comme ami imperturbable de la liberté, de l'égalité, et défenseur incorruptible de la constitution. J'ai eu, par mes amis, une explication avec les deux ministres à qui j'ai affaire, et cette explication en produira une avec des personnes principales de l'assemblée, sans être provoquée par moi ; j'avais renouvelé ma profession de foi à un ami chargé de savoir à quoi je devais m'en tenir. J'ai demandé qu'on respectât la liberté civile et religieuse, qu'on travaillât à l'ordre public, enfin beaucoup de choses de ce genre, sur lesquelles vous connaissez mes principes. Il me paraît qu'on les a adoptés. Quant à ce qui m'est personnel, je n'ai qu'à me louer du ministère actuel, ou pour mieux dire des deux ministres des affaires étrangères et de la guerre à me donner tout ce que je désire. Voilà ma position ; je n'ai, comme je l'avais mandé, d'autre parti que la nation française ; mais mes amis et moi, nous servirons quiconque voudra faire le bien, défendre la liberté et l'égalité, maintenir la constitution, en repoussant tout ce qui tend à la rendre aristocrate ou républicaine, et lorsque la volonté nationale exprimée par les représentants qu'on a choisis, et par le Roi nous aura dit que la guerre est inévitable, je concourrai le mieux que je pourrai à son succès.
Adieu, je vous embrasse tous bien tendrement.
P.-S. La garde nationale de Paris s'est parfaitement conduite dans l'affaire de Châteauvieux, qui n'est devenue à la fin qu'une farce dégoûtante et très préjudiciable aux jacobins. Les deux principaux figurants appartenaient au premier parti dont je vous ai parlé. »
Le 25 avril (6 Floréal), à Metz, M. Lafayette a passé la nuit à donner des ordres. Le matin il a demandé au département et à la municipalité l'ordre de faire prendre tous les chevaux et voitures de la ville et des environs, pour trainer des canons et des tentes. Les premiers chevaux qu'on a pris, ou plutôt qui ont été amenés sont ceux du général.
Le 30 avril (11 Floréal), le général Lafayette occupe Bouvines en territoire belge se battant contre les Autrichiens.
Marie-Antoinette écrit au comte de Mercy, le même jour : Enfin on a envoyé un M. Maison, avec un courrier de cabinet, à Vienne, sous prétexte d'apprendre à M. de Noailles qu'il doit se retirer.
Le 4 mai (15 Floréal), le général Lafayette prévient le ministre de la guerre qu'il est à Givet (les Ardennes) avec douze mille hommes.
Le 9 mai (20 Floréal), à Valenciennes, … et par les soins continuels de M. Noailles, qui commande le cordon qui couvre tous les cantonnements de l'armée… (Armée du Nord de Rochambeau)
Le 14 mai (25 Floréal), à Givet, les soldats apprécient que le général Lafayette campe et vit avec eux. Le 21 mai (2 Prairial), à Valenciennes, M. Lafayette est arrivé le 19 à midi, et les différents corps militaires et gardes nationales ont été lui faire visite.
Le 24 mai (5 Prairial), lettre de M. Brûlé, lieutenant : « M. Lafayette est venu ce matin à l'ambulance, où je suis ; il nous a dit les choses les plus flatteuses touchant l'affaire d'hier ; il nous a annoncé un renfort de Givet ; il s'est joint à nous à un quart de lieue de Philippeville. »
Le 24 mai, l'arrestation des Noailles-Mouchy est établie : Comité de sûreté générale de la Convention nationale. Du cinquième jour de la troisième décade du premier mois de la République française, une et indivisible. Le Comité autorise le citoyen Braut à se transporter à Mouchy, près Beauvais, pour mettre en arrestation le citoyen Noailles-Mouchy, dont le fils est émigré ; le ci-devant prince de Poix ; la femme dudit Mouchy et même les personnes qui se trouveront comme suspectes ; les conduire dans la maison d'arrêt de la Grande-Force ; faire toutes les recherches et perquisitions nécessaires des papiers ; apposer les scellés ; apporter ceux qui se trouveront suspects. Après que les scellés seront mis, le citoyen Braut pourra, en vertu du présent pouvoir, faire arrêter le citoyen Mouchy, partout où il se trouvera, ainsi que sa femme et autres personnes suspectes. Il pourra, en outre, demander assistance aux autorités constituées et à la force armée.
Vadier, Panis, Lavicomterie, Jagot, David et Dubarrat.
Certifié conforme au mandat déposé au greffe de la maison d'arrêt de la Force, par moi soussigné : Paris, 5 prairial an II.
S.F. Richelot, greffier.
Dès le mois de juin, le général de La Fayette est mis en accusation par plusieurs personnes, qui, pour certains, il a commis un crime politique et le compare à César.
Le 1er juin (13 Prairial), lettre de M. Merlin à M. de Noailles : « Je viens de lire la lettre sur les motifs de votre démission. Je ne suis pas militaire ; mais vos motifs m'ont étonné… Ce qu'il y a de plus inconcevable dans vos motifs, c'est que, selon vous-même, l'importante partie de l'armée que vous commandiez est, dans le meilleur état de discipline, d'activité et de subordination ; c'est que vous aimez votre patrie, c'est que vous voulez défendre la liberté... »
Le 3 juin (15 Prairial), journal de Lyon : Une partie de l'armée de M. La Fayette s'est rapprochée de celle de M. Luckner : les Autrichiens ont resserré leur front, et se sont rapprochés de Binch ; leur gauche est campée sur les hauteurs d'Estiennes, d'où leur ligne s'étend jusqu'au près de Condé.
Le 8 juin (20 Prairial), Pauline de Montagu perd encore une fille de maladie, la jeune Noémi.
Le 9 juin (21 Prairial), à Valenciennes, M. Lafayette, après la prise de Beaumont, a mis tout de suite un camp en avant de cette place, regardée comme un très bon poste. M. Lafayette dit-on, va marcher sur Namur. Il a déjà fort habilement coupé la communication de cette ville avec le camp de Mons. M. Lafayette change de guide de deux lieues en deux lieues.
Le 16 juin (28 Prairial), Lafayette écrit une missive à l'Assemblée législative dénonçant les Jacobins : « Pouvez-vous vous dissimuler que la faction jacobite a causé tous nos désordres ? C'est elle que j'en accuse hautement. Organisée comme un empire à part dans la métropole et dans les associations qui lui sont affiliées, elle usurpe tous les pouvoirs. Là, le respect pour les lois est condamné ; là, les assassins de Desilles et les Jourdan ont obtenu les honneurs du triomphe ; là, le dernier assassinat qui a été commis à Metz a reçu d'infernales acclamations ; là, on dénonce ceux qui ont le courage de ne pas dissimuler les obstacles et les dangers que les traîtres cherchent à nous faire oubliés, etc. C'est lorsque l'audace de ces agitateurs écarte des fonctions publiques les hommes qui pourraient y être vraiment utiles ; c'est lorsque mon armée est peut-être sacrifiée à des combinaisons perfides contre son chef, que je dois enfin m'opposer à cette faction. Tous prêchent l'indiscipline, détestent la garde nationale. Quant à moi qui ai épousé la cause des Américains au moment où leur ambassadeur la déclarait perdue ; moi qui par constance à défendre la liberté ai acquis quelques droits à la confiance, je déclare que la nation française, si elle n'est pas la plus vile de l'univers, doit et peut résister à la ligue des ennemis qui la menacent ; elle doit compter sur mes efforts et sur ceux d'une armée qui offre le modèle du patriotisme, de la bravoure, de l'énergie, de la patience, de la confiance mutuelle, en un mot, de toutes les valeurs guerrières. Là, les principes de la liberté et de l'égalité sont chéris, les lois sont respectées, on n'y connait ni les calomnies, ni les factions… »
Le 26 juin (8 Messidor), il écrit un ordre à l'armée.
Le 28 juin (10 Messidor), le général Lafayette fait son apparition à la barre de l'Assemblée législative pour soutenir la lettre qu'il a bel et bien écrite ; la droite est d'accord avec lui, mais aussi pour lire une pétition.
Il déclare : « Il est temps de tromper les espérances des mauvais citoyens ; d'ordonner que les instigateurs et les chefs des violences commises le 20 juin soient poursuivis et punis comme criminels de lèse-nation ; de détruire une secte qui envahit la souveraineté nationale, tyrannise les citoyens, et dont les débats publics ne laissent aucun doute sur l'atrocité de ceux qui la dirigent ; enfin, de donner à l'armée l'assurance que la constitution ne recevra aucune atteinte. » Puis il rejoint son armée à Maubeuge, le 2 juillet.
Le 29 juin (11 Messidor), journal de Lyon : Depuis quelques jours l'armée Autrichienne se trouvait bloquée par celles de MM. Lafayette et Luckner ; leur position était telle qu'il ne pouvait que se rendre ou en venir aux mains ; les Autrichiens se sont décidés à ce dernier parti, ils ont voulu fondre sur nous, on en est venu à l'arme blanche ; 5 000 des nôtres ont été tués, mais nous sommes restés maîtres du champ de bataille, qui est couvert d'Autrichiens, qui ont perdu trois fois plus de monde que nous.
Le 6 juillet (18 Messidor), La Fayette se rend à Valenciennes pour faire le point avec le maréchal Lucker de la troisième armée.
Le 9 juillet (21 Messidor), missive de M. Lajard, ministre de la guerre à M. Lafayette : « Sa Majesté approuve que, de concert avec le maréchal Luckner, vous formiez la composition des deux armées de manière à conserver auprès de vous les corps, les officiers généraux et états-majors que vous désireriez avoir immédiatement à vos ordres sans cependant nuire à la célérité de ce mouvement. »
Le 11 juillet (23 Messidor), la Reine écrit au comte de Fersen : Les constituants, réunis à La Fayette et Luckner, veulent emmener le Roi à Compiègne le lendemain de la fédération ; à cet effet, les deux généraux vont arriver ici. Le Roi est disposée à se prêter à ce projet ; la Reine le combat. On ignore encore quelle sera l'issue de cette grande entreprise, que je suis bien éloigné d'approuver. (Le projet examiné en conseil des ministres, fut approuvé à l'unanimité ; Louis XVI accepta et Marie-Antoinette refusa ; elle gagna.) Luckner prend l'armée du Rhin ; La Fayette passe à celle de Flandre ; Biron et Dumouriez à celle du centre.
Le 13 juillet (25 Messidor), Lafayette prend les commandes de l'armée du Nord pour remplacer le général Rochambeau ayant démissionné. M. Lafayette commandera dans le Nord, sous les ordres de M. Luckner, depuis Montmédi jusqu'à Dunkerque.
Le 21 juillet (3 Thermidor), Marie-Antoinette écrit au comte de Fersen : Demain on prononcera définitivement sur le sort de M. de Lafayette ; on croit généralement qu'il sera décrété d'accusation.
Le 28 juillet (10 Thermidor), journal de Lyon : M. de Puzy dément de la part de Lafayette le propos à lui attribué par M. Luckner, de marcher contre Paris. Lafayette nie le fait, et Luckner, de concert avec lui, désavoue ce propos. Ainsi voilà les factieux Guadet, Fauchet et Thuriot convaincus de calomnie. Quels braves gens que les Fayétiens !
Le 8 août (21 Thermidor), concernant le résultat du décret contre M. Lafayette : « L'assemblée a décrété, à une majorité, qu'il n'y avait pas lieu à accusation. »
Le 10 août (23 Thermidor), Le général Lafayette est condamné aux yeux de l'Europe entière par le décret même qui l'absout. Pour avoir le prétexte de demander impérieusement la répression des sociétés patriotiques, il avait accusé l'Assemblée nationale d'être soumise à leur influence. Or, le décret démontre évidemment que l'assemblée n'y est nullement soumise : donc, le général dénonciateur a calomnié les sociétés et l'assemblée : donc, l'assemblée, par son décret d'absolution, prouve à toute l'Europe qu'il était coupable.
Le 11 août (24 Thermidor), le duc d'Ayen, père d'Adrienne, s'enfuit en Suisse abandonnant sa famille.
Le 13 août (26 Thermidor), le général La Fayette surnommé « le général constitutionnel » se rebelle et refuse de reconnaître le nouveau gouvernement dont la constitution est abolie et le trône renversé. Il envoie une lettre au département des Ardennes de Sedan : « Comme citoyen, j'obéirai toujours aux lois que les représentants du peuple auront faites dans les formes que la constitution a prescrites ; et, comme soldat, je dois reconnaître le Roi pour chef suprême de l'armée, et obéir aux ordres conformes à la constitution que le ministre de la guerre a contre signés. Mais dans les circonstances actuelles, lorsqu'au milieu des massacres, le Roi, dont l'intervention fait partie du pouvoir législatif, a été non pas même déchu, mais suspendu de ses fonctions, droit que la constitution ne délègue à personne. Je ne retrouve plus les formes constitutionnelles qui doivent faire distinguer l'autorité de l'usurpation. Je ne courberai sous aucun despotisme une tête qui, depuis que j'existe, a été dévouée à la cause de la liberté et de l'égalité, et souvent risquée pour elles dans les deux hémisphères. La Déclaration des droits fut mon seul guide jusqu'à ce que la volonté nationale eût adopté une constitution. » Et une autre à la municipalité de Sedan : « Il doit arriver des commissaires de l'Assemblée nationale, pour prêcher à l'armée une doctrine inconstitutionnelle ; il est démontré à tout homme de bonne foi qu'au 10 août, époque de la suspension du Roi, l'Assemblée nationale a été violentée, et que les membres qui ont accepté une telle mission ne peuvent être que des chefs ou des instruments de la faction qui a ainsi asservi l'Assemblée nationale et le Roi. »
Le 16 août (29 Thermidor), un arrêté du département de l'Aisne est lancé : « Les gardes nationaux volontaires et sédentaires sont requis d'arrêter le général Lafayette partout où ils le trouveront de le constituer prisonnier, et de le conserver sous bonne et sûre garde, jusqu'à ce que l'Assemblée nationale ait décidé à quel tribunal il devra être envoyé. Sont invités ceux qui parviendront à arrêter le général Lafayette, à le traiter avec douceur, et à mettre sa personne à l'abri de toute insulte ; aucune vengeance publique ne devant être exercée qu'en vertu des lois. »
Le 17 août (30 Thermidor), il est destitué de l'armée du Nord et décrété d'accusation entre autres de connivence dans la fuite du Roi et de trahison par les Jacobins. Il doit remettre son commandement à Dumouriez.
Une lettre est trouvée chez le Roi de la part de Philippe de Noailles de Poix : « … Quant à M. d'Aguesseau et à moi, Sire, nous croyons que notre devoir nous enchaîne à sa personne, et nous ne la quitterons que par ordre de Votre Majesté. Je suis, avec l'attachement et le respect le plus profond, Sire, de Votre Majesté le très humble, très soumis et fidèle sujet. »
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