Fleur de malheur (2/3)
Dès le lendemain, les fées se mirent au travail. Elles allèrent requérir l'aide de leurs amies les abeilles car, en réalité, ce serait elles qui devraient faire une grande part du boulot. Il fallait transporter du pollen de la fleur triangulaire vers d'autres fleurs, tester et retenter, jusqu'à trouver la combinaison qui fonctionnerait pour donner lieu à d'autres fleurs triangulaires. Rina gardait le secret espoir que, lors de certains de ces tests, ne naissent des fleurs triangulaires entièrement jaunes, mais il n'en fut rien. En revanche, les tests finirent par porter leurs fruits et, un beau jour, une nouvelle fleur triangulaire tricolore vit le jour.
A partir de là, la multiplication accéléra. Les abeilles transportèrent du pollen, les fées apportèrent de l'eau depuis la rivière, et, très vite, chacune des fées pu avoir une fleur triangulaire, puis deux fleurs, puis trois fleurs, puis encore plus. Les fées vivaient par familles dans des tronc d'arbre et, dans chaque tronc, on pouvait trouver au moins une fleur triangulaire sur la table à manger, une sur chaque table de nuit, et deux autres autour de la porte d'entrée. Il y avait aussi la mode de porter des fleurs triangulaires dans ses cheveux ou sur ses vêtements, mais cela était en général fait seulement pour les grandes occasions, afin de ne pas gaspiller les précieuses fleurs.
Les fleurs triangulaires, comme les autres fleurs, une fois décrochées de la prairie, avaient du mal à rester en vie, et encore plus quand elles n'étaient pas conservées dans de l'eau. La culture des fleurs triangulaires devint ce que les hommes appellent parfois une usine à gaz. Les fées ne sachant pas ce qu'est le gaz ou ce qu'est une usine, elles se contentèrent de constater que c'était beaucoup de travail. Chaque semaine, chaque fée souhaitait avoir une dizaine de nouvelles fleurs triangulaires pour remplacer celles fanées la semaine passée dans son foyer. Certaines en avaient assez de transporter, à longueur de journée, des seaux d'eau juste pour que leurs collègues les plus coquettes puissent s'offrir le luxe de porter tous les jours une fleur triangulaire dans ses cheveux. Mais, dans l'ensemble, toutes semblaient trouver que cela valait le coût, car aucune d'entre elle n'imaginait plus se passer des fleurs triangulaires.
Les fées portaient des seaux d'eau, cueillaient des fleurs, décoraient leurs foyers, et ne prenaient même plus le temps d'admirer ces fleurs triangulaires pour lesquelles elle faisait tout ça. Il y eut un jour une exception à la tricolarité des fleurs triangulaires. Un jour, une fleur poussa avec deux pétales jaunes et un pétale rouge. Rina la ramassa de manière automatique, l'ajouta au bouquet de dix fleurs qu'elle avait déjà dans les mains, et ne remarqua même pas que cette fleur n'était pas comme les autres. Les fées commencèrent à être fatiguées, et elles décidèrent de réduire la fréquence des conseils des fées qui, au lieu de se tenir tous les soirs désormais, fut réservé aux soirs de pleine lune.
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