#L'erreur de trop
Zak était persuadé que l'enfer qu'il vivait ne pouvait pas être pire. Cependant, il se trompait lourdement. Après six mois d'une agonie silencieuse au sein du centre d'hébergement, son cauchemar allait s'assombrir davantage. Dans l'obscurité de sa chambre, il se remémorait l'amour qu'il avait perdu, un amour solide comme la pierre, réduit en cendres par sa propre rage incontrôlable. Ses mots avaient été des lames acérées, tranchant le lien entre lui et Harris, son seul rempart contre la solitude. Le jour où il avait dit à l'agent Harris de le laisser tranquille, qu'il ne voulait plus le revoir, avait marqué le moment où les ténèbres se refermeraient autour de lui. Acceptant sa décision, Harris avait promis de ne le revoir que lorsqu'il aurait obtenu justice.
Inconsciemment, Zak plongea dans des ténèbres encore plus profondes en se rapprochant de Mike, un être aux contours troubles et aux grandes ambitions. Ce petit dealer local, avide de reconnaissance dans l'arène des grands, exerçait un charme malsain qui attirait à lui les âmes perdues, telles des papillons hypnotisés par la flamme. Mike savait séduire avec sa fibre commerciale aiguisée, allant jusqu'à proposer un programme de fidélité à ses clients, telle une parodie de loyauté. Ses affaires prospéraient, alimentées par une hargne impitoyable à faire payer leurs dettes aux créanciers récalcitrants. Ce soir-là, l'un de ses vassaux avait accumulé une semaine de retard, une offense suffisante pour déclencher l'ouragan de sa colère.
— Que dirais-tu de te faire un peu d'argent ? murmura Mike, affichant son plus beau sourire carnassier.
L'argent, Zak s'en moquait, mais l'idée de rompre sa monotonie et de ne pas sombrer dans la solitude abyssale le tentait.
— Ne perds pas de temps. Dis-moi ce que tu attends de moi, répondit-il, sa voix ne laissant transparaître aucune émotion.
Ils s'éloignèrent, se fondant dans l'obscurité pour discuter en secret. Mike confia à Zak les détails de sa sinistre mission : un nom, une adresse, une somme. Zak n'avait besoin de rien d'autre. Reclus dans sa chambre, il se fixa intensément dans le miroir, répétant les mots sinistres de Mike pour se donner le courage nécessaire
— Pas de négociation.
Une batte de baseball entre ses doigts, Zak sentit un frisson le parcourir. Bien qu'il n'ait pas l'intention de l'utiliser, elle était devenue une extension de sa volonté, un symbole de son intention. Dans le miroir terni, son regard reflétait la lueur d'une détermination sombre, une détermination née de l'obscurité qui l'avait englouti. La violence ne lui était pas familière, mais ce soir-là, elle était devenue sa compagne silencieuse, une compagne qui le faisait se sentir étrangement vivant. Les pulsations de son cœur résonnaient dans sa poitrine.
Zak se rendit à l'adresse indiquée par Mike. Il observa les lieux pendant un moment, se répétant à chaque instant qu'après le prochain client serait le moment propice. Il pouvait sentir l'adrénaline parcourir ses veines. Finalement, il se décida à entrer.
Le silence épais du lieu semblait se refermer sur Zak tandis qu'il pénétrait dans la petite salle sombre, sanctuaire de néfastes transactions. Les murs paraissaient émettre un souffle glacial, comme si l'endroit lui-même était conscient du mal qui allait s'y dérouler. La batte de baseball, froide et implacable, était son unique alliée dans ce cauchemar en devenir.
Soudain, deux ombres émergèrent des ténèbres, deux hommes musculeux prêts à défendre leur empire de poison. Leurs regards durs se croisèrent avec les yeux déterminés de Zak. La tension électrique entre eux était presque tangible, un équilibre fragile, prêt à basculer dans l'abîme de la violence à la moindre provocation. Les secondes s'écoulèrent comme des heures, chaque souffle retenu, chaque battement de cœur résonnant dans le silence oppressant. Les destins des hommes étaient en suspens, suspendus à un fil ténu, attendant le moindre geste pour se déchirer dans un chaos irréversible.
Au fond de la pièce, l'homme qui semblait être le chef se leva lentement de son bureau, fixant Zak d'un regard méprisant empreint de suspicion.
— Qui es-tu et que veux-tu ? cracha-t-il avec arrogance.
Mais Zak demeura silencieux, ses yeux révélant un mélange dangereux de détermination et de peur maîtrisée. Un sourire factice s'afficha sur les lèvres du chef, ignorant l'appréhension qui le gagnait.
— C'est Mike qui t'envoie ? interrogea le revendeur, cherchant à percer le mutisme de Zak.
Le jeune homme ne répondit pas verbalement, mais un léger mouvement de tête suffit. Une arrogance mal placée scintilla dans les yeux du chef.
— Dans ce cas, dis-lui que je n'ai plus besoin de ses services, se moqua-t-il, le ton empreint de défi. Je vais me débrouiller seul.
Ses deux gardes du corps éclatèrent de rire. Zak, impassible, hissa la batte sur son épaule, prêt à l'action.
— Tes clients lui appartiennent. Ton argent lui appartient. Ton produit lui appartient, déclara Zak d'une voix calme, mais implacable.
L'homme se dirigea vers son bureau et revint avec une poignée de billets, qu'il jeta aux pieds de Zak, prétendant que sa dette était réglée. Cependant, Zak ne tarda pas à remarquer l'absence d'une somme importante.
Pour prouver qu'il n'était pas venu en vain, Zak déchaîna sa fureur, frappant violemment l'un des gardes du corps qui s'effondra immédiatement, tandis que l'autre reculait précipitamment.
— Je ne suis pas ici pour négocier, articula Zak d'une voix glaciale, son regard brûlant d'une détermination féroce.
Dans l'ombre étouffante de la salle, l'ordre d'attaquer résonna comme un écho sinistre. L'employé, tremblant de peur, hésitait à obéir, une lueur de terreur dans ses yeux. L'atmosphère était électrique, chargée de tension alors que le revendeur, impatient, dégaina un couteau, ses intentions étaient clairement meurtrières.
Mais Zak ne trembla pas devant la menace, il n'avait plus rien à perdre. Un cri déchirant, presque animal, s'échappa de ses lèvres tandis qu'il décocha un coup violent au visage du revendeur. L'homme s'effondra, mais la fureur de Zak ne faiblit pas. Les coups s'abattaient comme une pluie de lames vengeresses, chaque impact résonnant dans la pièce telle une symphonie de terreur. Dans cet instant, toute la rage emprisonnée dans son âme jaillit, balayant son jugement et annihilant toute once d'empathie.
Quand enfin, l'écho de sa colère se dissipa, laissant derrière elle un silence lourd et pesant, Zak fouilla frénétiquement le bureau, mettant la main sur ce qu'il était venu chercher. Puis, dans l'obscurité, il s'évapora, laissant les ténèbres reprendre leur règne sur ce lieu maudit.
Au centre d'hébergement, le veilleur de nuit tomba nez à nez avec Zak, les vêtements couverts de sang. En état de choc après que l'adrénaline ait quitté son corps, il fut incapable de s'expliquer. L'homme fut alors contraint d'appeler la police. La sentence tomba rapidement suite son arrestation. Il allait être incarcéré jusqu'à ses dix-huit ans dans une prison pour mineur, plus trois ans dans un établissement pénitentiaire classique. Zak payait cher son manque de contrôle. Même si de sa vie, il n'avait rien choisi, ce soir-là, personne ne l'avait forcé à agir.
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