#Le vieux sage
Dans le silence profond de la nuit, éclairé seulement par la lueur vacillante d'une bougie, un vieil homme se penchait sur des ouvrages antiques. Même si l'heure n'était pas tardive, l'hiver avait englouti la maison dans une obscurité précoce. Quand il avait besoin de réfléchir, de mettre de l'ordre dans ses pensées, l'homme se levait, parcourait la pièce d'un pas lent, puis retournait s'asseoir. Il pouvait faire cela sans interruption. Il était investi d'une mission et ne comptait pas échouer. Une fois dans sa vie, dans une autre vie, une autre carrière, il avait connu l'échec et cela le hantait encore des années plus tard.
Sous le halo tamisé des bougies, d'innombrables illustrations de démons ornaient les murs de la pièce. Des textes ésotériques dans des langues anciennes les entouraient, créant une atmosphère étrange et mystérieuse. Les yeux du vieil homme erraient sans relâche entre les pages de son grimoire et les images du mur, cherchant désespérément des réponses aux questions qui le hantaient. Au centre de ce tableau, une photo de Marie trônait, rappel constant de sa mission, de son obsession. À ses côtés, une autre photo, celle d'un jeune garçon, lui rappelait cruellement l'échec de sa vie passée et les raisons profondes pour lesquelles il ne pouvait se permettre de faillir à nouveau. Soudain, trois coups retentirent à sa porte, interrompant brutalement sa concentration. D'un geste brusque, il releva la tête, posa ses lunettes et se leva, prêt à affronter l'inconnu qui se tenait derrière la porte.
Il ouvrit la porte et fit face à un jeune homme qu’il n’avait jamais vu. Il demanda que lui valût cette visite tardive.
— Professeur Athéus Mc Mullen? demanda Zak.
— Lui-même. Répond-il sur un ton interrogateur.
Zak lui tendit la photo de Marie prise chez Zoé.
— Je recherche cette personne et je pense que vous avez des informations pour moi.
Le vieil homme devint alors nerveux, il jeta un œil derrière lui, cherchant à s'assurer que rien n'était visible depuis la porte.
— Non, je ne sais pas de qui il s'agit, je ne peux rien pour vous. Dit-il, en essayant de refermer la porte.
Mais Zak l'en empêcha à l'aide de son pied. Il le pria de lui répondre, expliquant que cette jeune femme était sa sœur et qu'il l'avait perdu de vue depuis l'âge de cinq ans.
Mc Mullen changea d'avis et ouvrit grand la porte, invitant Zak à entrer. Au début, il répéta ce que Zak savait déjà : la découverte de Marie devant sa porte, l'hôpital. Cependant, son attitude changea lorsque Zak lui demanda s'il avait une idée de pourquoi sa sœur avait été déposée devant sa porte plutôt qu'une autre.
— Je pense que mes recherches et mes relations sont en jeu, commença le vieil homme d'un ton pensif. Vous voyez, j'étudie la démonologie, plus précisément les sectes vouant un culte aux démons. Malheureusement, je crains que votre sœur ait été l'une des victimes de ce genre de secte.
Mais tout cela, Zak le savait déjà. Il voulait en savoir plus, alors il demanda ce qui avait conduit Mc Mullen à une telle conclusion. Le vieil homme expliqua sa réponse en se basant sur les types de blessures que le corps de Marie portait.
— Je vais vous confier quelque chose", dit-il, pesant chacun de ses mots. "Depuis cette rencontre, je cherche des réponses. Et je crois avoir une idée assez précise de ce qui s'est passé pour votre sœur.
Mc Mullen parla alors d'un rituel qu'il étudiait, le rite de liaison. Ce rituel impliquait de préparer un sujet afin d'offrir un corps comme réceptacle à une entité démoniaque. Pour préparer le sujet, il fallait d'abord lui faire perdre son humanité par tous les moyens possibles. Selon lui, le moyen le plus simple d'atteindre cet objectif était de briser mentalement la personne à travers des tortures régulières, la privation de sommeil et de nourriture, ainsi que l'injection systématique de haine dans chaque fibre de son être. D'après son expérience, Marie devait être tout proche d'atteindre ce stade, c’était même peut-être le cas, mais le rite avait échoué. Dans le premier cas, une personne l'avait probablement extirpée de son calvaire avant qu'il ne soit trop tard. Dans le second cas, elle n'avait plus d'utilité pour ses ravisseurs. Cependant, le premier scénario lui semblait plus probable, car sinon, le choix d'une exécution discrète aurait sans doute été privilégié.
Mais alors, la disparition de Marie de l'hôpital n'avait pas plus de sens. Était-on venu une seconde fois à son aide, ou l'avait-on retrouvée afin de ne laisser aucun témoin ?
— Ça, je l'ignore, répondit le vieil homme. Ce que j'étudie encore aujourd'hui suite à cette histoire, c'est quelles seraient les conséquences d'un rite de liaison réussi.
Folklore ou réalité, folie humaine ou manipulation par des forces obscures, Mc Mullen s'était juré de le découvrir. Sa quête pour la vérité l'avait amené à plonger dans les abysses de l'occulte, où les frontières entre la réalité et le surnaturel étaient floues. Dans l'obscurité de son étude, il traquait la lumière, espérant percer les mystères de l'inconnu.
Zak n'avait pas obtenu les réponses espérées, mais la promesse d'une aide précieuse qui se révélerait peut-être tout aussi importante. Avec cette lueur d'espoir dans le regard, il remercia le professeur Mc Mullen et s'apprêta à partir. Le vieil homme l'arrêta juste avant qu'il ne franchisse la porte.
— Prenez garde, jeune homme, dit-il d'une voix grave. Les forces que vous affrontez sont bien au-delà de notre compréhension. Ne sous-estimez pas l'obscurité qui vous entoure.
Zak hocha la tête en signe de compréhension, reconnaissant la sagesse dans les paroles du professeur. Il quitta la maison du vieil érudit, déterminé à continuer sa quête, même si cela signifiait plonger plus profondément dans les ténèbres pour sauver sa sœur.
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