‘Pensione alla fine del mondo’

Une minute de lecture

Mais, maintenant, il est essentiel que je sorte de ces considérations métaphysiques, que je donne droit de cité au réel, qu’il me revienne en boucle pour témoigner que je n’ai nullement rêvé, pour apporter l’image de qui vous avez été, l’intervalle de quelques jours. Mais le temps ne s’est pas refermé sur cette parenthèse, il court encore en moi et place en ma tête mille questions aussi oiseuses les unes que les autres. Mais voici, je vais vous parler de ce présent de l’été dernier qui papillonne et fait ses mille feux dans la première fraîcheur d’automne. Je viens tout juste d’arriver à Capo Falcone, ce charmant petit village de Sardaigne occidentale où vous résidez. J’ai retenu une chambre à la ‘Pensione alla fine del mondo’. Cette appellation m’amuse. Je me crois un explorateur de terres nouvelles, peut-être un aventurier en quête d’un Eldorado. Certes ‘le bout du monde‘ est un excès de langage qui illustre bien la faconde des gens d’ici, leur tendance à tout magnifier. C’est vrai, l’étendue bleue de la Mer Tyrrhénienne est si vaste, elle pourrait contenir mille Odyssées !

   Mon quotidien est ceci : aller photographier les vieux villages, entrer dans une bibliothèque, y feuilleter un livre sur la région, y dénicher une tradition, y trouver une anecdote. Les lecteurs de mon Journal raffolent de ce pittoresque à portée de main, de cette vie immédiate racontée sans détours. Je possède assez bien la langue italienne pour parvenir à bout de mes recherches, questionner des autochtones, lier conversation avec une personne rencontrée au hasard, un pêcheur, un touriste, un quidam en mal de parole. Le soir, quand la fraîcheur succède à la canicule, je rejoins le bord de mer, près d’une curieuse balise maritime, blanche  rayée de rouge, que surmonte un feu vert clignotant. Sur une stèle, à ma gauche, la statue en bronze de Christophe Colomb scrute le vaste horizon, sans doute en quête de ce ‘nouveau monde’ qui rime avec le nom de ma Pension.

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