Question anodine
Soyez attentifs... Car souvent il faut l'être...
Vous vous rappelez sans doute de ma collègue d'un chapitre précédent, qui a été envoyée au tapis par quelques mots tristes. Elle souffre malheureusement d'une dépression sévère et de difficultés relationnelles, nous l'appelerons Céline (elle déteste ce prénom et comme être constament triste et exaspérée fait partie de sa personnalité, on va garder ce nom pour elle, il lui va aussi mal qu'elle n'est bien).
Céline est revenue après un arrêt maladie de plusieurs mois, elle n'est toujours pas très solide et s'absente encore souvent ce qui exaspère la titulaire et l'adjointe puisqu'elles sont obligées de la remplacer en doublant leurs heures. A une époque, c'etait moi qui m'y collait avec des semaines à 50 heures, rentables certes, mais épuisantes. Depuis j'ai presque entièrement changé de métier donc je ne dépanne que de temps en temps.
Certains jours, l'on pouvait sentir que Céline était au bord de la rupture dés le matin lorsque nous lui disions bonjour et qu'elle répondait par une onomatopée avec le visage fermé dans l'ombre de ses idées noires. Alors, au bout de quelques heures, on la voyait passer devant nous, se diriger vers la sortie sans dire mot pour s'enfermer chez elle et ne plus jamais revenir de la semaine.
J'ai rarement vu des dépressions si résistantes, elle a essayé toutes les classes d'antidépresseurs, mais rien y fait. Sa psychiatre a même cru à une comorbidité d'un trouble déficit de l'attention et l'avait mise sous Ritaline. Les résultats avaient été impressionnants au départ, elle était dynamique et parlait très vite, signe que cette lointaine cousine des amphétamines faisait effet. Mais ça n'a pas duré.
Je discutais avec Louise, la nouvelle adjointe avec qui je m'entends très bien, de ce que j'avais appris du comité scientifique de toxicovigilance auquel je siège. Il était question d'intoxications au paracetamol. Céline s'est imiscée dans la conversation:
- A partir de combien de doliprane un patient peut mourir?
- Eh bien... Ahum... C'est aléatoire, ça dépend de beaucoup de choses et puis c'est très douloureux et on général on en meurt pas mais on finit à l'hopital avec un foie en moins. - Vague et mal à l'aise -
- Oui oui c'est compliqué ça dépend du poids et tout... - Louise, mal à l'aise aussi -
- Ah d'accord... - Céline, triste -
- Pourquoi? Tu comptes en prendre.... Beaucoup?
- Non... Je demandais comme ça. - Triste -
- Ok - Nous échangeons un regard inquièt avec Lousie -
Vous avez compris?
Plus tard:
- Et sinon, comment ça va en ce moment?
- Bof, toujours pareil hein. Envie de rien faire, je m'ennuie, je m'amuse pas, j'arrive pas à me concentrer, je dors pas...
- Est-ce que tu as des idées noires?
- Si, souvent.
- Tu vois toujours un médecin? Il a adapté les doses de l'antidépresseur? Voir changé si celui-ci ne fonctionne pas?
- Oui on en teste un autre, mais c'est long pour faire effet
- En effet, il faut attendre 3 semaines pour qu'il fasse effet, courage.
Céline a toujours les larmes au bord des yeux quand on parle de ça, honnêtement il y a de quoi.
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