Mon ancien titulaire était un gros nounours plutôt gentil mais peu doué pour les interactions sociales. Particulièrement indélicat, il lui arrivait d'utiliser les toilettes de la pharmacie et d'en sortir en laissant la porte grande ouverte, embaumant ainsi toute l'officine. Il ne nettoyait pas derrière lui et je ne suis pas sûr de l'avoir vu se laver les mains.

Un jour, mes collègues m'ont dit que les toilettes étaient bouchées (Je suis sûr que c'était lui) et qu'elles ne savaient pas comment faire. J'ai passé 1 heure sur mon temps de travail à déboucher des chiottes à la ventouse. Bac + 6 pour ça, mais quelque part, c'était moins pire que de s'occuper de nos patients dont la majorité étaient des délinquants, toxicomanes et traffiquants/receleurs de médicaments.

Les capacités d'empathie de mon patron étaient inexistantes, au même tritre que sa conscience professionnelle. Une fois, il me raconte:

"Ohlala à la dernière garde, une dame m'a demandé de l'aider parce qu'elle s'était faite violer, mais bon je savais pas quoi faire alors je lui ai dit de s'en aller..."

"Ah... Vous ne lui avez pas dit d'aller tout de suite aux urgences gynéco? Ils peuvent faire un prélèvement qui fera office de preuve. Mais il faut que ça soit fait rapidement..."

"Bah... Heu... Non..."

Souvent il me laissait seul au comptoir, pretextant devoir "faire quelque chose". Il allait en fait au bar d'en face pour discuter, boire des bières et manger des frites pendant que je galère à prendre en charge 140 patients seul par jour. Il revenait occasionnellement prêter main forte tout en rotant derrière son masque entre deux mots:

*Beurp* Vous avez... *rot* ... La carte vitale?

Nous avions certains jours une pharmacienne adjointe aggressive et harcelante avec les étudiantes et préparatrices, elle avait réussit l'exploit de faire pleurer en une seule journée deux collègues. Le titulaire et elle passaient leur temps à se crier dessus, les disputes commençaient dans son bureau et finissaient à l'extérieur. Les patients qui s'accumulaient pendant que j'étais seul à les servir entendait tout et faisaient des remarques:

"Ca chauffe derrière dis donc?"

"Ne vous en faites pas, c'est parfaitement normal et c'est comme ça tous les jours"

"Ahah vous travaillez dans une bonne ambiance!"

"J'ai connu pire..."

"Ah..."

Lorsque le nombre de patients qui attendaient depuis 30 minutes était trop important, j'appuyais sur une sonnette pour les appeler. Personne ne venait et ils continuaient leurs engueulades. A force d'insister, l'adjointe a fini par venir pour me crier dessus:

"BON BAH CA VA, PAS LA PEINE D'INSISTER J'ARRIVE! ON PEUT BIEN DISCUTER 5 MINUTES!!" (ça faisait plus de 5 miunutes)

Ne supportant plus la pression, deux apprenties sont parties, expliquant que l'adjointe en était la cause. Puis ce fut à mon tour. Plus tard dans la journée j'ai vu mon patron pleurer dans son bureau.