S13
— Je n’ai guère avancé. Pourtant, je cherche, avec cette fois, la volonté de savoir.
— J’ai besoin de faire le point. J’ai du mal à parler de tout ça avec Marion. Je sais qu’elle veut m’aider, qu’elle est prête à tout, mais j’ai peur d’abîmer ce que nous vivons maintenant avec cette histoire. Je ne suis pas sûr de bien en sortir, maintenant que j’ai rouvert la boîte.
— À partir des anciens camarades que j’avais déjà contactés, nous sommes une douzaine à nous être retrouvés. À part Baptiste, toujours aussi con, tous ont été traumatisés par la mort d’Aurélie. Je me suis rendu compte qu’ils nous en rendent responsables, surtout Antoine et moi. Pourtant, on n’a rien compris. Antoine se tient au courant de mes recherches, mais ne fait rien. Il a un blocage, nous en avons parlé. Il veut aussi savoir, mais c’est trop douloureux pour lui. Nous devons retourner tous les deux à Louyat. Peut-être que Sabrina nous accompagnera. C’est la plus active dans ces recherches. Pourtant, elle n’était pas proche d’Aurélie.
— Vous avez compris : nous pensons tous qu’un seul peut nous aider à voir la vérité, Samuel. Mais il reste introuvable. Aucune trace, aucun lien maintenu depuis la fin de cette année-là. En plus, il s’appelle Thomas, un nom archifréquent.
— J’ai juste appris qu’il n’avait pas eu son bac. Apparemment, j’étais le seul à l’avoir vu depuis, à l’enterrement de ma mère. Et encore ! Comme il ne s’était pas approché, j’ai maintenant des doutes. Est-ce que ma mémoire n’avait pas fabriqué ce souvenir ?
— Et puis l’incroyable s’est produit. Je devinais qu’Antoine en savait plus, car il paraissait me fuir. J’ai insisté, un peu lourdement, et nous avons été prendre un pot ensemble. C’était un peu loin pour moi, mais c’était dans notre café préféré de l’époque. Il est toujours en face du lycée, mais la décoration a été refaite. Cela ne ressemble plus à rien. Sauf que c’est le même lieu. J’ai un peu abusé des bières pour l’accompagner, mais il a fini par lâcher le morceau. Samuel vit de petits boulots, vivote plutôt. Antoine lui verse une petite pension, même si elle part principalement en alcool. En souvenir de leur amitié. Ils n’ont jamais parlé et refusent de le faire. Il ne veut pas me donner son adresse. Je l’ai raccompagné chez lui, m’excusant auprès de sa femme.
— Voilà où j’en suis. Je suis persuadé que Samuel connaît la vérité. Je suis persuadé qu’il se démolit et refuse de vivre à cause de cette vérité.
— Faut-il que j’aille ouvrir cette porte des horreurs, au risque de me détruire moi aussi ? Et ma famille ? Antoine refuse la vérité depuis près de vingt-cinq ans. C’est parce qu’il devine son horreur. Je risque aussi de le casser.
— Je suis perdu.
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