S19

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— Je suis de plus en plus perdu. J’ai perdu toute confiance. J’ai osé demander à Antoine des « preuves » de ses versements à Samuel. Il m’a avoué qu’il l’avait aidé quelquefois, mais qu’il avait exagéré en disant lui verser une pension. Là, il m’a montré les relevés.

— Samuel a fini par me dire qu’il avait reçu de l’argent d’Antoine. Il en avait honte. Finalement, je me rends compte que je n’ai jamais vraiment su leur relation. Après la mort d’Aurélie, qu’ont-ils fait tous les deux ? Qui a consolé l’autre ? Se sont-ils seulement parlé ? Antoine a eu son bac, pas Samuel, comme me l’avait d’abord dit Antoine.

— Tout est faux. Enfin, beaucoup. Les deux ont menti ! Qu’est-ce qui est vrai ?

— Cette suspicion me ronge. Je doute de tout. Même de mes souvenirs. Ils étaient enfouis au plus profond. Je n’y ai jamais pensé. Je n’ai pas pu les réécrire dans ma mémoire en me les rappelant. Ils étaient comme des peintures préhistoriques, protégés, inviolables. Et pourtant…

— J’ai voulu tester un autre point, la différence de souvenirs entre Samuel et moi sur cet été en vadrouille. J’ai demandé à Antoine s’il s’en souvenait. Je l’ai laissé réfléchir, sans lui en donner la raison.

— Il est revenu avec des photos ! C’était très émouvant. Nous avons parlé de ce voyage. C’est lui et Gaspard qui avaient fait l’itinéraire. Quand je lui ai demandé comment nous dormions, il m’a parlé des tentes et du choix de Samuel d’en partager une avec moi. Il a eu un petit sourire, en disant qu’ils avaient tout entendu.

— Vous imaginez mon malaise ! Mais j’avais besoin d’informations plus précises : une fois ou tous les jours ? J’ai joué l’innocent, celui qui s’était détaché de cet épisode. Ce n’est pas ce qui s’est passé qui m’a effondré, mais m’a perception. Pour Antoine, dans la journée, nous avions des gestes « normaux », Samuel et moi. Impossible de lui faire préciser. Mais à la fin du séjour. Et les dernières nuits, ils nous entendaient gémir.

— Je suis absolument sûr que nos échanges sont restés superficiels, juste des attouchements réciproques. Mais que ce n’ait pas été une seule fois, je ne comprenais plus. Pour Antoine, nous nous étions amusés entre amis. Lui-même avait participé, une fois ou deux, à des soirées chaudes entre mecs, sans conséquences. Il assurait que Samuel n’était pas gay, jugeant inutile de préciser mon cas.

— Ce n’est que son témoignage, mais comment ne pas douter de mes propres souvenirs ?

— Les photos montrent trois jeunes, gais, heureux. Nous étions amis. Apparemment. Mais qu’est-ce que ça veut dire ? Qu’est-ce que ça voulait dire ? Tout est flou, inconsistant.

— Pourtant, au fond de moi, je ressens encore cet élan amical d’antan. Il a existé.

— C’est dur. Quand je pense que nous sommes allés raconter n’importe quoi à un mec, que nous avons sans doute détruit sa famille, ou plusieurs… Comment ai-je pu faire ça ? C’est moi qui ai relancé tout ça !

— Si je n’étais pas venu étaler ça ici, il ne se serait rien passé.

— De toute façon, c’est fini. Je veux tout effacer. Je ne peux pas vous dire merci de m’avoir écouté.

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