S21

2 minutes de lecture

— J’ai repris contact avec Antoine et Samuel. Nous nous sommes retrouvés tous les trois. Je leur ai tout déballé, surtout mon incompréhension de leurs demi-vérités.

— C’est consternant. Mais tellement humain. Ils n’ont pas vraiment menti, juste arrangé la réalité et leurs souvenirs, pas forcément consciemment ou volontairement. Juste pour correspondre à leur morale.

— Et puis, par regret. De ce que nous avons vécu. Plus exactement, regret de notre passé, quand tout était beau, facile, plein d’espoir, d’énergie. Ces années avant Aurélie. Avec l’espoir de revivre ces instants, refondre dans cette relation si évidente.

— Nous en étions déjà là : des vieux à regretter leur jeunesse…

— Comment leur en vouloir ?

— J’ai pris un sacré coup de blues.

— Et puis la gueule de mes garçons m’est apparue ! J’ai encore des choses à vivre. Le passé, il est en moi, dans ma structure. C’est comme ça. Il faut avancer.

— Je leur ai parlé alors du coup de fil d’Étienne. Car, quand même, cette histoire nous ronge. On avait eu l’impression que c’était fini, mais, tous les trois, nous avions ressenti que ce n’était pas vrai.

— Il était en train de se passer quelque chose entre nous. Nous nous retrouvions, maintenant. Une complicité, une confiance. J’ai tout foutu en l’air !

— J’ai demandé simplement à Sam s’il était vraiment sûr de ce qu’Aurélie lui avait dit. Il s’est emporté. S’il avait arrangé des « broutilles », il se souvenait parfaitement de ce que lui avait dit Aurélie. C’était son cousin qui l’avait violé. Il est certain de ce mot.

— Nous étions au restaurant, les gens commençaient à nous regarder, car il criait. J’ai mis ma main sur la sienne. Ce fut terrible. Il se rassit, me fixant avec ce regard terrible.

— Vous savez, ce regard qu’on les gens que nous venons de sauver, qui savent que leur vie vient de basculer dans l’horreur et la douleur. Ces regards que vous ne pouvez pas fuir. Un humain vous demande son aide. Vous le fixez en tentant de faire passer ce que vous avez de mieux. Quand vous raccrochez votre uniforme, vous vous apercevez que votre énergie est pompée. L’empathie vous a vidé. Mais vous, vous savez qu’après une bonne nuit, avec un petit cachet, le monde continuera. Pas lui, pas elle. Ça, vous le saviez en le regardant.

— Il était perdu. Il se retrouvait vingt-quatre ans en arrière, à l’annonce de sa mort, à sa culpabilité.

— Après un long silence, il se reprit en disant qu’Etienne était dans la négation absolue. Il avait vécu avec ces gens, après, toute sa jeunesse. Sans doute que Paul-Henri, se sentant coupable, avait essayé de réparer en étant gentil avec lui.

— Comme savoir ? Samuel avait peut-être raison.

— Mais, malgré tout, j’ai été chargé de dire à Étienne qu’il pouvait compter sur nous.

— Cette acmé a libéré quelque chose entre nous. N’avions jamais vraiment parlé d’Aurélie ensemble. C’est curieux, car nous avons exactement le même ressenti. Nous en étions amoureux fous. Mais, en même temps, nous la savions intouchable, inatteignable. On devinait son besoin de secours, sans percevoir ce dont elle souffrait. Il était impossible de l’aider. Nous comptions sur les deux autres pour cela, mais sans jamais nous concerter. La parole semblait interdite.

— Encore une fois, nous étions devant quelque chose qui nous dépassait.

— Et nous nous sommes avoué que cet amour d’Aurélie était toujours présent.

— Samuel a demandé si un premier amour ne pouvait jamais s’éteindre…

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Jérôme Bolt ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0