Pacte avec le diable
Silvio salue et s’exécute. Il sait que Martino peut mal interpréter le moindre geste ou le moindre mot, aussi s’est-il habitué à obéir.
Il retourne vers les vestiaires, remonte l’ancienne allée principale de la salle de spectacle. Le plan légèrement incliné, clos de chaque côté par des cloisons amovibles le mène dans le vieux hall du théâtre, transformé en cafétéria et pièce de repos des agents. De là, il se dirige vers les accès aux balcons dans lesquels se trouvent les bureaux des officiers.
Lorsqu’il grimpe les colimaçons au bois grinçant, Silvio tente d’imaginer l’objet de sa convocation. Son comportement est en général irréprochable, aussi ne s’inquiète-t-il pas trop pour lui-même. Par contre, ses coéquipiers peuvent parfois se monter un peu trop zélés. Gabriela et Agostino participaient aux patrouilles de nuit, peut-être ont-ils encore fait preuve de trop d’empressement à faire respecter la loi.
Silvio frappe à la porte, un oui sec lui répond.
Silvio entre dans le petit bureau de l’inspecteur-chef, un ancien des enquêtes internes, mis au placard à la suite de manœuvres politiques il y a quelques années. « Asseyez-vous ! J’ai à vous parler.»
Lavoretti s’assied, il observe son supérieur, essayant de décrypter son expression. Le beau visage froid de Scalarino ne laisse jamais paraître ses émotions, mise à part une sorte d’agacement permanent.
« Lavoretti, j’ai une mission spéciale à vous confier… »
Fidèle à ses habitudes, l’inspecteur laisse planer un moment de silence. Silvio attend, impassible, que son chef poursuive. Il ne tarde pas à reprendre de sa voix légèrement nasillarde.
« Une agence de Etat, dont je ne peux pas vous communiquer le nom, nous a envoyé une requête particulière. »
Scalarino se tait à la fin de sa phrase, il observe les réactions du jeune agent, il espère que son visage neutre affiche une émotion, un stress ou même une pointe d’intérêt. Mais Silvio connaît la musique, il calque son expression sur celle de son supérieur : impassible et froide.
« Cette agence requiert nos services, pour une mission sortant habituellement de nos attributions, reprend l’inspecteur.
— Oui ?
— Cette jeune femme arrivera dans le train de nuit en provenance de Paris, déclare Scalarino en étalant des photos sur lesquelles figure une petite jeune femme brune avec un sac à dos repoussant son incroyable tignasse sur le dessus de sa tête.
— Et ?
— L’agence dont je vous ai parlé nous demande de collecter quelques renseignements sur elle : l’endroit où elle loge, le signalement des gens qu’elle rencontre, tout ce qui vous paraîtra digne d’intérêt.
— Pourquoi moi ?
— Disons que vous avez les qualités requises pour cette mission. »
Devant l’attitude interrogative de Silvio, Scalarino se sent contraint d’être plus explicite : « vous avez un physique anodin, une fois en civil, personne ne vous remarque, de plus vous avez eu l’occasion d’affiner vos compétences en filature, n’est-ce pas ?
— Oui, mais je…
— Filez vous mettre en civil ! Faites-moi un rapport téléphonique toutes les heures. Vous avez juste le temps de rejoindre la gare avant l’arrivée du train. Exécution ! »
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