Silvio arrive à la Santa Lucia cinq minutes avant le train. Il a bien observé les clichés de la femme qu’il doit espionner, il la reconnaîtra sans doute, un gros sac à dos, une chevelure rebelle, un vêtement d’hiver. Il n’a pas bien discerné son visage sur les photos prises au téléobjectif sur un quai de gare, mais il tend à croire qu’elle est jeune et mignonne.

 Il se poste à distance des arrivées. Il choisit un endroit avec un panorama sur le débarquement et sur les personnes susceptibles d’accueillir les passagers, difficile d’établir une stratégie fiable avec le peu d’informations dont il dispose.

 Le vieux train-couchette arrive, avec juste trois minutes de retard. Bientôt, Silvio assistera à la descente d’un flux continu de voyageurs. La plupart passeront une partie de la journée dans les rues de la ville puis dormiront à l’hôtel ou dans une chambre d’hôtes, mais seul un de ces passagers l’intéresse.

 Lorsque les portes du train s’ouvrent, les plus impatients sautent sur la plate-forme. Silvio patiente, son attention se focalise. Il repère un gros sac à dos, une jeune femme grande et blonde le dépose sur le quai, il est aussitôt rejoint par une petite demoiselle aux cheveux hirsutes et en doudoune noire, ce doit être elle.

 Il se demande ce qu’une mystérieuse agence gouvernementale peut bien vouloir à cette jeune fille d’apparence inoffensive. Silvio a déjà été confronté à quelques affaires sans importance qui se sont finalement révélées plus graves qu’au premier abord. Comme aime le répéter l’inspecteur-chef Scalarino, les criminels cachent souvent leurs activités sous des dehors anodins.

 La grande aide la petite à mettre son sac sur ses épaules, il repousse ses cheveux dans la même position que sur la photo. Aucun doute n’est possible pour Silvio, il tient sa cible.

 Occupée à saluer la belle femme, elle ne s’occupe absolument pas de sa présence.