Silvio rend son rapport
Silvio délaisse les axes fréquentés et leur préfère les rues étroites et désertes de Venise. Il a grandi ici, il ne se perd jamais et se dirige sans faillir vers le commissariat.
Il réfléchit, chemin faisant, au rapport qu’il devra présenter à son supérieur. Il s’arrête deux minutes pour composer un SMS à destination de l’inspecteur-chef : « Logement JF localisé. Retour agent imminent. » Puis reprend sa marche.
***
Lorsque le carillon annonce l’arrivée d’un message, Severe Scalarino lève un sourcil, mais reste concentré sur le travail en cours. Il termine la consultation des comptes-rendus de la veille, bientôt, il devra en rédiger une synthèse à destination du commissaire. Ces tâches administratives, bien que l’inspecteur les juge nécessaires, lui prennent tout son temps et l’immergent dans un océan de lassitude.
Arrivé à la fin de sa lecture, il se tourne vers son téléphone, lit le SMS de l’agent Lavoretti puis retourne à sa pile de dossiers. Son esprit n’arrive pas à se focaliser sur la logistique de la brigade, et son regard tombe sur le télécopieur poussiéreux qui encombre un coin de son bureau. Il a dû le chercher pendant plus d’une heure dans le désordre des réserves, mais ses interlocuteurs s’étaient montrés très clairs : communication par fax, aucun document stocké sur un quelconque ordinateur. Le numéro avec lequel on l’a appelé n’existe pas, il est certain que le plus grand secret entoure cette histoire. « Cette affaire sent les services secrets à plein nez ! »
Il regarde à nouveau les photos du dossier, analyse les détails, mais ne trouve aucun indice. Qu’est-ce que cette petite jeune femme peut bien avoir de particulier pour qu’une mystérieuse agence gouvernementale demande un rapport sur elle ?
***
Silvio cogite, cette Hélène Schiaparelli l’intrigue. Elle ressemble à n’importe quelle touriste, pourtant un détail l’interpelle. Il ne parvient pas à mettre le doigt dessus.
En général, quand une question le taraude, il sait l’abandonner, c’est un des enseignements qu’il a tirés de l’aïkido : laisser son esprit résoudre les problèmes, sans y réfléchir. Dans le cas présent, il n’arrive pas à écarter cette histoire, comme si elle était l’écho de quelque chose de plus profond, de plus ancien.
Au poste, il passe aux vestiaires et enfile son uniforme, il se sent plus légitime ainsi.
***
Silvio frappe à la porte. « Entrez », répond la voix autoritaire de Scalarino. Il entre dans le bureau de son chef, salue et tend la feuille imprimée dans une attitude crispée, militaire.
« Résumé de mission ? En termes brefs et concis, je vous prie, entame l’inspecteur-chef en levant les yeux vers lui.
— J’ai suivi la jeune femme, identifié la pension dans laquelle elle loge, tout est noté dans le rapport : lieux, moyens de transport, personnes qu’elle a rencontrées.
— Bien ! Avez-vous été discret ? » Silvio contrôle son expression et essaye de rester impassible. Après quelques secondes, il répond d’un ton mesuré et calme, il choisit soigneusement ses mots.
« Les frères Brunesco ont essayé de la dévaliser et j’ai dû intervenir.
— Donc, vous êtes grillé !
— Je ne pense pas qu’elle se soit aperçue que je la suivais, une fois débarquée, elle m’a même demandé son chemin.
— Soit ! Effacez votre rapport, oubliez cette affaire, votre mission se termine ici. Sommes-nous d’accord ?
— Mais, Monsieur ?
— Cet après-midi, vous retournez en patrouille avec Roccelli. Si vous croisez les Brunesco, essayez de les prendre la main dans le sac. »
Les yeux de Scalarino se posent sur le rapport de Silvio, s’en écartent pour se porter sur la pile de papiers qu’il doit encore traiter aujourd’hui. Il soupire et se saisit du premier dossier du tas, il ne prête plus aucune attention au jeune agent. Silvio salue et quitte le bureau, non sans remarquer avec un étrange serrement de cœur les photos d’Hélène Schiaparelli qui traînent à côté du fax.
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