« Alors c’est quoi cette affaire ? Je suis allé sur la place de l’arsenal, j’ai vu deux hommes et une femme dans un bateau garé devant une pension, ils suivaient un couple de retraités avec un chat. On est loin du glamour d’un James Bond, commence Gabriela, assise devant son verre de spritz dans l’ambiance sombre du bar.

 — Je ne sais, c’est louche, d’abord le secret qui l’entoure… répond Silvio, un peu embarrassé.

 — Comme tu l’avais demandé, Pasqualina a consulté les communications sortantes du bureau de Scalarino.

 — Alors ?

 — Un fax est parti ce matin, ce qui est curieux… Gabriela laisse planer un silence.

 — Alors ? insiste son compagnon.

 — Deux points : plus personne n’utilise de fax de nos jours…

 — Ça, je le sais, et le second ?

 — Ne t’impatiente pas, répond Gabriela en prenant le temps de s’offrir une gorgée, elle sourit en observant l’impatience de Silvio du coin de l’œil. »

 Silvio reconnaît le piège, il ne se laisse pas berner. Il saisit son verre et goûte la boisson douce amère qu’il contient. Son regard erre sur les autres clients du bistrot, il sait qu’il risque de perdre au jeu du plus patient, mais ne peut s’empêcher de lutter. Loin de lâcher du terrain, Gabriela le rejoint dans sa contemplation des convives.

 « Bon alors ? Finit par demander Silvio, agacé.

 — Pasqualina a vérifié le numéro…

 — Et ?

 — C’est un numéro dont l’indicatif correspond à Rome, Gabriela laisse planer un moment de suspense, elle attend la relance de Silvio pour dévoiler la suite.

 — Oui, et ?

 — Il n’est pas attribué, il n’existe officiellement pas, par contre le fax de Scalarino est bien passé, donc la ligne a été coupée après.

 — Une erreur technique sans doute, répond Silvio, bougon suite à ce faux scoop.

 — Ou alors, cette mystérieuse agence dont t’a parlé Scalarino dispose de numéros jetables.

 — ça ne nous dit pas ce qu’on fait

 — Qu’en penses-tu ?

 — On continue de suivre la fille, et on voit s’il y a des raisons de s’en faire, mais il serait préférable...

 — Préférable de quoi ?

 — Je suis complètement grillé, elle m’a vu au moins trois fois hier, ce serait mieux que ce soit toi qui la suives.

 — Parce que tu es grillé ou parce qu’elle te rappelle ton premier amour ? »