35.Scalarino

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L’inspecteur-chef se soumet à son rituel dominical. Agenouillé au milieu de son modeste salon, il porte son kimono et son hakama. Passé dans son obi, son sabre d’entraînement attend que l’homme passe à l’action. Les yeux fermés, Scalarino se concentre, visualise chacun des gestes qu’il va bientôt accomplir.

Depuis un fauteuil placé près de la fenêtre, Julia, son chat, le regarde. Mi-intéressée, mi-indifférente à la curieuse habitude de son humain, elle ne perd cependant jamais une miette de ses exercices.

Scalarino ouvre les yeux. D’un même mouvement, il se lève, dégaine son sabre. La pointe de sa lame désormais au niveau du visage, les bras tendus, les mains serrant souplement la poignée du Katana, son corps ne fait qu’un avec lui. Son pied droit avance légèrement…

La sonnerie de son smartphone retentit depuis la table, Severe Scalarino pousse son arme vers l’avant, il ne perçoit que son souffle et les battements réguliers de son cœur. Certes, il entend les autres sons, mais ils ne parviennent pas à franchir la muraille de sa concentration.

Le téléphone sonne à nouveau alors qu’il range son katana dans son fourreau. Il se remet à genoux, soupire puis pose le sabre sur son support, non sans l’avoir respectueusement salué.

L’homme se lève, se reconnecte lentement avec le monde. Les bruits de la rue pénètrent enfin sa conscience. Son smartphone recommence à hurler.

« Scalarino, j’écoute. »

L’inspecteur écoute son interlocuteur, au fur et à mesure de la conversation, ses sourcils se froncent, son visage généralement impassible affiche des signes de colère, mais semble plongé dans une intense réflexion.

« Écoutez Lavoretti ! Vous et Zafieri, vous vous chargez de la protection des deux vieux, amenez-les au commissariat pour prendre leurs dépositions. Je vous rejoins dans deux heures, en cas de problème appelez-moi ! »

Severe Scalarino pose son téléphone sur la table, réfléchit aux solutions à mettre en œuvre, puis rentre dans sa salle d’eau, prend une douche rapide avant de s’habiller.

Devant sa penderie, il s’arrête un instant en contemplant ses costumes, tous noirs ou gris très foncé, puis opte pour un pantalon beige et une chemise blanche.

L’inspecteur décroche un blouson, hésite à nouveau, se résout à l’évidence, ouvre le coffre-fort dans lequel il conserve son pistolet de service, vérifie qu’il est chargé et accroche l’holster à sa hanche.

***

Severe descend à sa voiture, y entre et se souvient que lors de leur unique et laconique entretien, son mystérieux interlocuteur lui avait déclaré de sa voix filtrée électroniquement : « voici la procédure à suivre dans le cas où des événements étranges surviendrait ou en cas de danger imminent. Écoutez bien, car je ne le répéterai pas. »

L’inspecteur-chef démarre et prend la Via della libertà, ce pont sur la lagune, seul accès routier vers la sérénissime. Il avait plus que jamais l’impression de changer de monde, de pénétrer dans un territoire étrange et empli de périls. Si jamais ses jeunes collaborateurs couraient un danger, il devait leur venir en aide. S’il n’agissait pas, il ne se pardonnerait pas de les avoir plongés dans une affaire dont lui-même ignorait tout, mais qui s’avérait beaucoup plus périlleuse que prévu.

Une fois garé Piazzale Roma, il prend le vaporetto au milieu des touristes, et après une demi-heure de trajet, débarque sur l’île de San Giorgio Maggiore. La grande esplanade blanche s’ouvre devant ses yeux. Les cheveux chahutés par le vent, l’inspecteur parcourt le dallage aux motifs géométriques, et se rend à l’entrée de l’église, ébloui par la blancheur des pierres.

Scalarino entre dans la basilique et, conformément à ses instructions, s’assied au dernier rang en se demandant quand il a assisté à un office religieux pour la dernière fois. Cela remontait à des années, lorsqu’il avait été invité à un mariage. Depuis, il n’avait jamais eu affaire avec la religion qu’il tenait en piètre opinion, siège de corruption et de vices hypocrites. Il prend son carnet, écrit un mot sur une feuille qu’il arrache et jette négligemment sur le sol, puis se lève et quitte le temple.

À la fin de l’office, un homme âgé et voûté, vêtu d’une longue soutane noire, passe le balai et ramasse les poussières sous le dernier rang de bancs. Son travail terminé, il se rend dans une pièce réservée au service d’entretien de l’église, ouvre son sac plastique et trie les déchets. Le vieillard sépare la boulette de papier du reste des débris et lit le massage de l’inspecteur. Perplexe, il décroche un vieux téléphone du mur attenant, compose un numéro sur le cadran rotatif d’un autre siècle.

« Monseigneur ? Votre commande est arrivée, douze caisses. »

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