Chapitre 1

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Le brouhaha de l’aéroport bourdonnait dans les oreilles de la jolie hôtesse de l’air. Elle n’entendait presque plus les cris de Nick, son supérieur, qui lui ordonnait de ranger les couvertures pour les nouveaux passagers.

Aujourd’hui, Émilie partait au Canada, Montréal pour être plus précis. Ce n’était pas la première fois qu’elle volait vers cette ville mais chaque nouveau départ lui donnait le tournis. Cela faisait tellement longtemps qu’elle craignait presque le long trajet de huit heures qui l’attendait. Il faut dire que son travail n’était pas des plus faciles. Mais pour le moment, le décollage n’était pas prévu avant quelques heures. Il fallait avant tout préparer le vol: les plateaux repas, les casques et écouteurs, vérifier que les télévisions fonctionnaient correctement. Elle suivit Marie, sa collègue à travers les ruelles de l’aéroport Charles de Gaulle en direction de la plateforme de décollage.

« C’est la première fois que je vais à Montréal ! » s’exclama Marie qui était nouvellement arrivée dans l’équipe.

« Tu verras c’est une ville magnifique. »

Mais Emilie avait perdu l’enthousiasme d’antan . Pour elle toutes les villes étaient identiques: Nick ne les laissait même pas le temps de visiter les quartiers touristiques.

« Merde on va être en retard pour la réunion ! » s’écria Emilie en trainant Marie par la main. Les deux hôtesses se précipitèrent entre les voyageurs qui tiraient derrières eux leurs valises. Elles faillirent renverser un jeune garçon qui se dirigeait vers la longue queue devant le guichet en direction de Montréal.

« Excusez nous, désolé,… » s’écrièrent les deux jeunes femmes en continuant leur course effrénée. Derrière le guichet, Alexander vérifiait les passeports des passagers qui s’impatientaient.

Émilie et Marie passèrent derrière lui en soufflant et entrèrent par une porte dérobée « accès privé ». Nick, Sofia et Raph, les attendaient autours d’une petite table. La pièce carrée était sombre car seule une lampe posée sur une petite commode était allumée. Il n’y avait aucune fenêtre et le seul accès était la petite porte par laquelle étaient rentrée les deux femmes.

« Enfin vous voilà ! » s’écria Nick en les regardant droit dans les yeux. « On vous attend depuis vingts minutes, qu’est ce que vous faisiez encore ? »

« Désolé Nick, je préparais les couvertures… » s’excusa Emilie. Marie, derrière son aînée, acquiesça en silence.

« Bon on ne va pas s’attarder dessus plus longtemps. Commençons la réunion. Aujourd’hui, dans le vol de 12h15 en direction de l’aéroport de Montréal, il y aura 230 passagers dont 30 personnes âgées à mobilité réduite qui pourraient avoir besoin d’aide pour se déplacer dans l’aéroport. Une dizaine de bébé donc il faudra se montrer patient. Le reste, des adultes et des enfants. Pas d’handicapés moteur ou de malade cardiaque.

Marie tu nous écoutes ? » s’interrompît Nick en s’adressant à la petite hôtesse.

« Oui oui bien sur ! » répondit-elle en sortant de ses pensées.

Émilie savait que la jeune femme commençait à être inquiète. C’était son premier long vol car Marie n’avait auparavant réalisé que des vols autour de l’Europe. Elle devait être un peu stressée à l’idée de s’occuper d’autant de passagers pendant un si long moment.

« Marie ça va ? » chuchota Emilie à son amie.

Cette dernière acquiesça timidement et se replongea dans les paroles de Nick.

Émilie essuya une goutte de sueur qui perlait sur son front. Le vol s’avérait plus difficile que prévu. Et pourtant cela faisait 10 ans qu’elle était dans le métier. Elle aurait du s’y être habituée. Mais à chaque fois c’était différent. Un nouveau départ, de nouvelles personnes et toujours plus de travail pour moi, pensa t’elle en poussant le chariot de boissons dans l’allée.

Devant elle, Marie avec le chariot des repas s’était arrêtée pour discuter avec un passager qui ne voulait pas du repas végétarien.

« C’est tout ce qu’il nous reste, je suis désolée. » s’excusa Marie en essayant de s’éclipser pour servir les allée 37 et 38. Mais le monsieur qui devait avoir dans la cinquantaine, le crâne déjà dégarni et les sourcils broussailleux, était bien décidé à affirmer son opinion sur le taux grandissant de végétariens et véganes dans le pays.

Émilie souffla et s’appuya sur le rebord du chariot pour se reposer un peu. Depuis qu’elle était hôtesse de l’air pour Air France, elle avait fait plusieurs centaines de vols et l’excitation des premiers envols s’était bien vite évanouie pour ne laisser qu’une vague nostalgie sur sa vie hors de son travail.

« Dur boulot ma petite. » commenta une vielle dame assisse dans l’allée 30 chaise C, celle du côté du couloir.

Émilie qui du haut de sa trentaine était rarement appelée « ma petite » se tourna vers la passagère en haussant les sourcils.

« Non non. C’est un boulot extra ! » répondît-elle en forçant un peu le sourire.

La dame n’insista pas et se replongea dans la résolution de son sudoku en sirotant le thé qu’Emilie venait de lui servir.

En attenant que le chemin se dégage, Émilie pensa à sa fille Anna qui venait de fêter ses 3 ans pendant qu’elle voyageait au dessus de l’océan pacifique. Cette dame a bien raison, soupira-t-elle, pas moyen de concilier famille et travail. Et quelle famille ! Tout partait en ruine. Son mariage, la garde de sa fille, son bel appartement dans le nord de Paris. Tout ça pour un travail qui ne lui posait que des problèmes. Il y avait Marie, bien sur, qui l’aidait à faire face quand tout semblait contre elle. De cinq ans sa cadette, Marie était blonde et portait ses cheveux dans un beau chignon bas typiques des hôtesses de l’air française.

« Ah ça se libère la bas » s’exclama un père de famille tenant son bébé dans ses bras. « Je crois que j’ai besoin d’un café d’urgence ».

Émilie se redressa et continua son chemin à travers les rangées pour servir les thés, café, ou jus de tomates en affichant son sourire digne d’une pub de dentifrice.

Il faudrait qu’elle achète un cadeau pour Anna quand elle arriverait a Montréal, si seulement elle avait le temps de s’arrêtait quelques heures. Nick, son boss, ne les laissait pas vraiment le temps de faire quoi que ce soit avant le prochain décollage. En songeant à son patron, Emilie souffla. Pas le droit de s’arrêter, pas le droit de se reposer, rien à faire avec lui.

« Madame tout va bien ? » demanda un jeune garçon, un livre poser sur ses genoux.

Émilie ne s’était pas rendu compte qu’elle s’était arrêtée en plein milieu du chemin son charriot en travers des sièges.

« Je me suis assoupie je crois, pardonnez moi. »

« Ne vous excusez pas vous devez être fatiguée… »

Fatiguée voilà un mot qu’elle ne connaissait pas. Elle aurait milles fois préféré rester éveillée toute la nuit pour s’occuper de sa fille.

Le vrombissement de l’avion résonnait dans les oreilles d’Emilie. Ce vacarme qu’elle avait entendu bien trop souvent. Et entre le bruit du moteur, la rumeur des murmures. Les passagers qui discutaient, prévoyaient leur voyage ou le retour à la maison. La maison. Qu’est ce qu’une maison après tout ? Pour Emilie Cherrier, une maison c’était un avion. Pour réaliser ses rêves de voyages elle avait tout abandonné. Même sa fille.

Elle ressentit soudainement une envie de vomir et elle se dépêcha de finir sa rangée pour se diriger précipitamment vers les toilettes du personnel. Elle claqua la porte derrière elle et s’aspergea le visage de l’eau du robinet. « Non potable » précisait la pancarte qu’elle avait elle même imprimé plusieurs année auparavant. Dans le miroir, une femme lui souriait, des cernes sous les yeux. Blonde, grande, les yeux clairs et bien maquillés, elle aurait pu passé pour la grande sœur de Marie. Les critères de beauté dans ce métiers ne comptait pas pour du beurre. Toutes les hôtesses étaient des sosies.

Elle prit trois grandes inspirations, pensa à sa fille qui l’attendait et se lança dans le tumulte des passagers.

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