Chapitre 23 - ALEXY
le 2/03/2022 et le 03/03/2022
Alors que je m’attendais à rencontrer une surface dure, mon pied s’enfonce de quelques centimètres qui suffisent à me déstabiliser… en plein milieu d’une flaque d’eau.
La semelle se mouille avant que j’ai eu le temps de retirer ma chaussure, s’infiltrant aussi dans ma chaussette et finalement sur ma peau. Je jure abondamment, me promettant de profiter de notre nouvelle situation pour m’en acheter de bien meilleures, plus résistantes et qui ne sont pas inondées par la moindre petite goutte d’eau. Sacha ne manque pas de se moquer de mon énervement, ses épaules tressautant dans l’obscurité.
L’envie me prend, qui me choque moi-même, de lui donner une petite tape en représailles.
Mais tous ces projets ne compteront que si nous réussissons à rentrer dans Paris et rejoindre l’ami dont nous a parlé Allen, celui qui nous hébergera le temps de retrouver son contact de l’Organisation. Tant de personnes, potentiellement de futurs traîtres, qui connaîtront mon identité. A cette pensée, mon angoisse remonte en flèche, et je me concentre sur le dos de Sacha, soulevé par sa respiration calme devant moi, pour me calmer et faire redescendre mon propre rythme cardiaque.
Je ne suis pas claustrophobe, et je m’en estime d’ailleurs loin, et ce n’est donc pas l’espace réduit qui provoque ma panique, c’est simplement la proximité forcée avec mes compagnons qui l’accompagne.
Evidemment, il a fallu que le moyen d’Allen pour entrer dans Paris sans se faire remarquer soit… ma main entre en contact avec une substance visqueuse sur le mur, dont je la dégage rapidement, horrifiée à l’idée que j’ai peut-être touché un cadavre en décomposition. Non, je pars bien trop loin.
Ce ne sont que des catacombes.
Un réseau secret de souterrains sous Paris, dont les Forces de Prévention connaissent bien sûr l’existence, mais qui restent trop vaste pour en surveiller les moindres entrées. Heureusement, Allen les as déjà explorées, et affirme pouvoir nous guider jusqu’à une sortie dérobée dans les quartiers pauvres du nord de Paris.
Nous ne sommes guidés dans le noir qu’à l’aide d’une petite lampe à suspension que Sacha, au milieu de notre petit groupe, essaye de maintenir le plus haut possible. Allen ouvre la marche pour montrer la voie et nous défendre au cas où, quant à moi, j’ai catégoriquement refusé d’être à la place de Sacha, jugeant bien sûr sans leur dire que je ne supporterais pas de me sentir si encerclée. La dernière position est peut-être objectivement pire, car je m’imagine toutes sortes de créatures émergeant du néant qui se referme derrière moi, pour m’attraper de leurs mains osseuses et m’emmener dans les ténèbres avec elles. Mais je préfère encore ces sensations fantômes, hallucinations irraisonnées,à la perte de tous mes moyens par peur de Sacha ou Allen.
Ils ne doivent jamais apprendre comment je me sens réellement auprès d’eux, même si malgré tous mes efforts, Sacha doit sûrement l’avoir deviné ; il a toujours mis un point d’honneur à respecter ma bulle protectrice, sauf dans les cas extrême comme pour mon premier cauchemar. Au début, je me suis même demandé s’il n’avait pas le même problème que moi, mais il ne se comporte jamais ainsi avec Allen et cela ne peut pas avoir quelque chose à voir avec ma condition de femme… femme-robot plus exactement.
Ma chaussure détrempée produit un son peu engageant à chacun de mes pas, m’agaçant au plus haut point. Si ce n’était pour le sol boueux plus que douteux, je l’aurais déjà retirée.
Soudain, Sacha pile et je devine qu’Allen a dû s’arrêter tout devant. Grâce à la petite lampe, j’entrevois un embranchement. Le dixième, le vingtième, je ne sais pas vraiment, car j’ai arrêté de compter au bout d’un moment. Je dois avouer que je commence à fatiguer un peu – cela fait maintenant presque une heure que nous progressons sans aucun signe d’une sortie – car cette marche requiert toute mon attention, pour ne jamais ni trop m’éloigner ni trop m’approcher de mon voisin de devant. De plus, le sol est jonché de nombreux obstacles qui manquent à chaque fois de me faire trébucher, et dont je ne préfère pas connaître la nature. Le noir désoriente mes perceptions, m’empêchant de me raccrocher à quoi que ce soit et me donnant encore plus l’impression d’être irréelle, ce qui n’est pas pour me ravir. Pour l’instant, je me contiens, mais c’est une véritable torture, et je ne sais pas combien de temps je pourrai vraiment tenir.
Allen nous as recommandé de ne jamais parler, sauf en cas d’urgence ou si nous sommes repérés, mais je brûle de lui demander pourquoi il met si longtemps. D’habitude, il hésite quelques secondes avant de repartir, une assurance qui m’incite à me poser la question : depuis combien de temps fréquente-t-il ce genre d’endroit pour le connaître sur le bout des doigts ? Je ne m’inquiétais donc pas outre mesure qu’il puisse nous avoir perdu, mais maintenant mes certitudes commencent un peu à vaciller.
Si je pouvais, j’appellerais Sacha en le touchant, pour qu’il transmette à son tour à Allen et que celui-ci nous explique, sauf que j’en suis toujours aussi incapable. Je savais que mes blocages finiraient un jour par se révéler plus handicapant que lorsque nous étions encore en cavale, dans la forêt, où le contact physique n’était pas vraiment nécessaire dans notre vie plutôt paisible. Et encore, pour l’instant, ce n’est rien. Le jour où cela se révélera une question de vie ou de mort, que choisirai-je ?
Tout ceci est réel.
Je me répète la promesse tacite de Sacha, qui me rappelle pourquoi je consens à tous ces sacrifices. Parce que je ne sais pas ce qui m’attend au bout du chemin. Et qu’il s’agit peut-être de quelque chose de merveilleux.
Tu peux lui faire confiance, souffle la petite Alexy.
J’ai envie de lui répondre qu’elle est trop naïve, qu’elle ne connaît rien à la vie, sauf qu’elle a vécu les mêmes choses que moi et que mon cœur me dicte la même chose.
Fais-lui confiance.
C’est ce que je fais déjà… à ma mesure.
Allen se remet en mouvement, plus lentement, et notre longue progression reprend, ponctuée par les échos spongieux de ma chaussure et ceux de nos pas entre ces murs de pierre si anciens.
- Je crois que nous sommes arrivés.
Je mets un moment à comprendre que cette voix appartient à Allen, et pas un ennemi venu nous attaquer par surprise. En même temps, avec sa stupide règle de ne pas parler, j’ai failli quitter pour de bon cette réalité en m’abandonnant à la monotonie de notre marche.
- Tu crois ? grince Sacha.
Sarcastique, avec un brin d’ironie et de méchanceté. Au moins, lui ne change pas dans notre environnement si déstabilisant. Sa voix familière me permet de ne pas trop regretter le rover, et la plupart de nos affaires, que nous avons abandonnés en bordure de Paris, à l’entrée des catacombes la plus proche que nous ayons trouvée, tout en restant en sécurité.
En personne mature, Allen ne relève pas.
Mais je ne suis pas sûre d’avoir envie qu’il confirme. La deuxième partie du plan, qu’il m’a exposée sur le trajet jusqu’à la capitale en même temps qu’à Sacha, n’est pas vraiment pour me plaire, même si elle est nécessaire.
Cependant, un bruit sourd m’indique qu’Allen vient de cogner contre une structure en métal, probablement une échelle qui remonte vers une plaque d’égout. C’est le moment de vérité, car s’ils débouchent devant des troupes des Forces de Prévention, ou même dans un quartier fréquenté, tout tombera à l’eau avant même d’avoir commencé.
Si ils débouchent.
Je ne fais pas partie du groupe.
Si je venais directement avec eux, et même si nous ne nous faisions pas voir en sortant au premier abord, je serais rapidement repérée. Voilà donc la seconde partie du plan : je dois rester confinée ici le temps qu’ils aillent m’acheter un des masques synthétiques dont j’avais l’habitude, puis reviennent ici me l’apporter. Et si, entre temps, il leur arrive un problème, je serai livrée à moi-même dans ces galeries dont je ne connais pas le chemin pour ressortir par la où nous sommes entrés, mais sans non plus pouvoir avancer à cause de mes traits trop féminins. Pour l’occasion, j’ai aussi enfilé les vêtements les plus larges que j’ai trouvés, cachant ainsi mon corps et mes formes car j’ai repris un peu de poids ces dernières semaines.
Comme je disais, je n’ai pas peur des espaces confinés. Mais être laissée en arrière pendant peut-être des heures alors qu’ils sont deux, et que s’il leur arrive le moindre problème je suis destinée à souffrir seule, quand ils pourront se soutenir mutuellement ? Oui, la solitude est peut-être ce qui me fait le plus peur. Si au moins Nuit d’encre était avec moi, je ne serais pas si réticente… cependant, à cause de son caractère imprévisible, nous avons dû l’enfermer dans le rover en attendant de pouvoir revenir la chercher demain, une fois installés en sécurité chez l’ami d’Allen.
- Recule toi, m’ordonne Allen.
Quand nous sommes ainsi en danger, un peu comme en mission, il échange son rôle d’ami contre celui de leader et je sais qu’il n’a pas pour but de me contrôler, simplement d’assurer le bon déroulement du plan.
Je m’exécute donc, me reculant dans un coin sombre où je ne serai pas vue immédiatement si quelqu’un descend. Dans la faible lumière de la lampe à suspension, je le vois commencer à grimper à l’échelle, qui s’étire plusieurs mètres plus haut. Ses prises sont assurées, alors qu’à sa place, les chaussures trempées sur les barreaux, j’aurais dérapé depuis longtemps déjà. Sacha le suit sans un regard pour moi, et qu’aucun des deux ne prenne la peine de me souhaiter bonne chance me blesse. Je pensais que nous étions devenus plus proches que de simples compagnons par obligation, au cours de ces semaines. Et si quelque chose de grave arrivait à l’un d’entre nous ? C’est donc le dernier souvenir qu’ils veulent avoir de moi, un visage à peine visible dans la pénombre, pas d’adieux…
- Prends soin de toi, As… Alexy, me coupe Allen dans mes réflexions.
Je constate qu’il est arrivé en haut, et qu’il me fixe maintenant de par-dessus son épaule et la tête de Sacha. Celui-ci me regarde également, et l’intensité dans ses yeux compense les mots qu’il ne prononce pas.
- Je ne te laisserai pas seule ici.
Décidément, que de promesses ces derniers jours. Ne reste plus qu’à voir s’ils les tiendront vraiment, autant l’un que l’autre.
Je hoche la tête, incapable de prononcer un mot, puis me rappelle ce que j’ai pensé d’eux il y a quelques instants à peine. A ce rythme, je ne vaux pas mieux.
- Je vous attendrai, et chaque syllabe m’arrache la gorge comme du papier de verre.
Mais je me force à formuler cette phrase. Je ne veux pas non plus que mon silence serve à conclure notre dernière conversation.
Pourquoi être si fataliste ? me demande la petite voix de ma conscience, comme d’habitude, se mêlant de la situation aux moments précis où je n’ai vraiment pas besoin de nouvelles questions à ajouter aux autres.
La trappe se soulève, m’incitant à me presser un peu plus fort contre le mur. Contrairement au précédent, celui-ci est totalement sec, sûrement parce qu’à l’entrée, il bénéficie encore de quelques courants d’airs, alors que plus on s’enfonce et plus l’atmosphère devient lourde et étouffante.
Allen passe la tête, s’accrochant d’une main au dernier barrant et agrippant un pistolet de l’autre. Il ne doit pas y avoir de danger en vue, car il continue de se hisser, jusqu’à émerger complètement sur le trottoir. Puis il aide Sacha à grimper à son tour le plus vite possible, faisant pour une fois abstraction de son animosité. Quand la plaque d’égout se recolle au-dessus de ma tête avec un écho sinistre, je me rends compte que, faiblement couverte, je frissonne de froid.
Peut-être aussi d’autre chose.
Les minutes s’écoulent, longues, impassibles et cruelles, sans aucun égard pour mon esprit torturé. Les pires scénarios se créent dans ma tête, si bien que j’ai l’impression de vivre un cauchemar dont cette fois je ne peux pas m’échapper, car je suis toujours dans la réalité, bien réveillée.
Bien sûr, je le savais.
Je savais que mes pensées ne manqueraient pas de me jouer des tours alors que je n’ai rien d’autre à faire que d’attendre dans le noir, sans aucune distraction, quand elle me laisse déjà à peine un répit en pleine action. Ca n’en rend pas moins la chose plus facile à supporter.
Mais je supporte patiemment mon supplice, gardant dans un coin de ma tête facilement accessible la promesse de Sacha. Au bout d’un long moment, je me fais la réflexion que ce Tout ceci est réel pourrait bien devenir mon nouvel ancrage, ou plutôt un de plus parmi tant d’autres. Ce qui me pousse à m’interroger sur la nature de mes relations avec Sacha, non pas parce que je doute de notre amitié naissante, bien que je n’en ai jamais expérimenté jusque là, mais justement parce que je ne me serais jamais doutée d’à quel point cela pouvait être fort.
Pour moi, le lien le plus inébranlable qui pousse unir deux personnes est l’amour, car j’ai vécu bercée par l’espoir que par amour on ferait tout l’un pour l’autre. Bercée par l’espoir insensé qu’un jour, je connaîtrais cela moi aussi, même si un jour j’ai fini par comprendre que c’était bel et bien voué à l’échec. Sauf que je comprends à présent qu’il existe un autre type d’amour, l’amour qui lie deux âmes recouvertes de fausses apparences.
Je ne sais pas si je me détacherai un jour de ma peur des hommes, je ne sais pas si je finirai par guérir de mes blessures. Ce que je sais, c’est que Sacha est la première personne à me faire sentir comme si, malgré tout cela, je serais heureuse de pouvoir réellement le toucher. Pour n’importe qui d’autre, ce désir ne m’était jamais venu à l’idée : je suis en quête de normalité, certes, mais le contact physique représentera toujours un danger que je préfère éviter pour mon propre confort. Or maintenant, le confort pourrait justement être de le toucher.
Ces pensées, plutôt apaisantes, me distraient de mes illusions de faux scénarios bien trop réelles à mon goût pendant suffisamment longtemps, mais quand j’en émerge, je me tortille, gagnée par l’impatience. J’ai hâte qu’ils reviennent… non pour être honnête, je ne supporte plus cette attente teintée d’impuissance.
Je dois me résigner à accepter que ma présence ici est absolument indispensable. Que je nous aurais immédiatement trahis en haut. Que, indépendamment de ma condition de femme, je serais peut-être même allée jusqu’à paniquer, ruinant ainsi toute la mission rien que par une crise d’angoisse. Sauf que ce plan a réveillé les instincts sans lesquels j’avais fini par me sentir vide ces derniers jours, et maintenant qu’ils sont remontés à la surface, ils ont faim.
Faim d’exécuter quelque chose de concret contre le Gouvernement, même si les répercussions n’en seront pas immédiates. Je comprends enfin pleinement ce que Sacha m’a dit, l’autre jour : en acceptant de venir ici, je fais plus qu’affronter ma peur, je commence une nouvelle vie qui me mènera à l’Organisation. A la résistance concrète contre le Gouvernement. N’est-ce pas ce que je brûle de réaliser depuis mon évasion ? Me venger, prendre part à cette lutte dont je suis le centre ?
Alors oui, j’ai faim d’être au cœur de l’action, même si cette faim s’accompagne d’un danger que je n’aime pas particulièrement, faim de me sentir vivante à nouveau en effectuant ce pour quoi je suis née.
La trappe se soulève sans la douceur qu’Allen y avait mise la première fois. Mes sens se réveillent, j’émerge de mon monde intérieur aussi facilement que si l’adrénaline avait le pouvoir d’effacer mes plus gros problèmes. La silhouette qui se jette à l’intérieur ne prend pas la peine de descendre proprement les barreaux de l’échelle, dégringolant dans un puits de lumière, et je reconnais la tenue d’Allen ainsi que sa manière de tenir son arme. De plus, des soldats de la DFAO ne seraient pas aussi frénétiques, ce qui signifie d’ailleurs que leur partie du plan ne s’est pas non plus déroulée à merveille.
Comme il vient en dernier, Sacha doit prendre plus de temps pour refermer au passage la plaque au-dessus de notre tête, même si je vois immédiatement à sa nervosité qu’il aurait aimé pouvoir emprunter la méthode d’Allen. J’assemble le puzzle dans ma tête et en déduit qu’ils ont probablement été repérés et poursuivis, mais avec suffisamment d’avance pour se cacher ici sans nous mettre en danger par leur retour. Cependant, avec aussi assez de risques pour inspirer de la peur même à Allen.
Une fois sa mission accomplie, Sacha saute à bas de l’échelle, mais se rétablit beaucoup moins bien qu’Allen, trébuchant et basculant en avant. Et comme je m’étais avancée, par inquiétude pour eux autant que pour m’enquérir de la situation… nous nous bousculons, lui vacillant contre moi le temps de reprendre son équilibre et moi totalement pétrifiée car je n’avais vraiment pas vu la chose arriver.
C’est sûrement pourquoi je ne produis pas le moindre geste, dépouillée de mes moyens, exactement tel que j’avais prédit que cela finirait par m’arriver.
Tout ce à quoi je peux penser, ce sont les mains de Sacha qui agrippent ma taille à travers ma veste plutôt fine.
Son souffle contre mon oreille, car il fait juste la bonne taille pour sa bouche effleure mon lobe.
Une mèche de ses cheveux trempés de sueur contre mon cou, gouttant… gouttant... gouttant… et au moment où il voudrait enfin se dégager, gémissant de douleur – j’imagine qu’il a dû se faire mal dans sa chute mal réceptionnée -, Allen nous siffle :
- Ne bougez surtout pas. L’écho, ajoute-t-il, utilisant le moins de mots possible.
Je comprends pourquoi sans avoir vraiment besoin de me concentrer dessus, car les pas rapides et lourds d’une dizaine de personnes au-dessus de nos têtes sont plutôt durs à rater. Et puis, toute mon attention est tournée vers un tout autre type de problème, qui s’illustre en une seule phrase : ses mains descendent. Ou plutôt, elles glissent, et je tente de me convaincre que c’est parce que la douleur me submerge.
Pour une fois, je voudrais ne pas posséder mes capacités, celles qui me hurlent qu’à travers son langage corporel, Sacha traduit certes un peu de douleur, mais du genre largement supportable. Pas assez pour perdre l’énergie de maintenir ses mains en haut. Un langage corporel sur lequel je serais bien incapable de me montrer au vu de notre proximité.
Dans notre collision, emportée par son poids, je me suis laissée plaquer contre le mur, dans la même position que tout à l’heure à quelques détails près. Et je ne sais pas si je me concentre sur les faits plutôt que sur mes sentiments pour éviter le trou noir qui menace de m’envahir ou l’autre facette de moi, celle un peu plus compliquée que je ne parviens pas à décrypter… que je ne parviens pas à analyser pour en déterminer la nature.
Ses mains s’arrêtent enfin dans leur mouvement horriblement lent, horriblement provoquant pour mes émotions plus que désordonnées, sur le haut de mes cuisses. Je suis totalement perdue, en moi-même comme sur celui qui me fait face. Allen a disparu de mes pensées à la seconde où Sacha m’a touchée, à la seconde où il a franchi le seuil de ma bulle protectrice dont je refuse l’accès à quiconque depuis très longtemps, bien avant mon enfermement.
Et aussi choquant que cela puisse me paraître, à moi-même en premier lieu, j’arrive parfaitement à faire la distinction entre ce contact et celui de Willer.
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