Repos forcé

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Chapitre 5-Repos forcé

À partir de l'annonce de sa maladie, Râleuse suivit scrupuleusement les conseils du docteur Bésicles et ne bougea plus de sa couche. Déterminée et sans autre choix, elle lutta durant les longues heures d'alitement obligatoires pour ne pas s'énerver et accepter sa pauvre condition. Cela n'était pas chose aisée pour celle qui, depuis sa première respiration, n'avait jamais eu le cœur en paix. La bataille était féroce. Allongée dans son lit, Râleuse combattait les mille pensées nocives qui occupaient sa cervelle et ne voulaient pas en déloger.

— Pourquoi, personne ne vient me voir ? rageait-elle en chassant aussitôt l'agacement.

— Pourquoi, personne ne se soucie de moi ? bougonnait-elle en rejetant illico la rancœur.

Chaque semaine, le docteur Bésicles revenait voir sa malade et l'instruisait sur son état. À la première visite, Râleuse n'avait pu se retenir.

— Voyez vous-même, docteur Bésicles... avait-elle sangloté. Si peu de gens s'inquiètent de ma santé et se rendent à mon chevet... C'est on ne peut plus clair. Personne ne m'aime et puis voilà... Oh, comme je suis malheureuse... Si malheureuse...

— Hum... Hum... s'était contenté de répondre le médecin, l'air grave et les sourcils froncés. Chère princesse, je ne vois là aucune amélioration de votre maladie. Avez-vous bien conservé le lit ainsi que votre calme, tel que cela fut prescrit ?

— J'ai essayé docteur... reniflait Râleuse en se mouchant. J'ai essayé... J'ai tâché de faire du mieux possible... seulement me voilà bien éprouvée. J'ai une santé si peu enviable et pourtant, voyez on me délaisse et combien on me néglige... Comprenez, docteur Bésicles. Comprenez que, forcément, cela génère en moi de la colère qu'il m'est difficile... très difficile de réprimer.

— Hum... Hum... De la colère, dites-vous ?

— Eh bien, oui ! La colère n'est-elle pas une réaction normale, lorsqu'on est à l'article de la mort et que le monde entier se désintéresse de votre pauvre état ? !!

— Hum... Hum... J'entends vos arguments chère enfant, mais malheureusement le temps est contre nous. Il n'est plus temps de récriminer les autres et de rejeter la faute sur eux... Il vous faut de toute urgence, anéantir ces sentiments nocifs qui vous empoisonnent et vous tuent à petit feu. Il faut vous battre et remporter la victoire sur cette terrible maladie... 

— Docteur... c'est tellement dur... Je crains de ne pouvoir y arriver...

— Allons ! Allons ! Vous n'allez tout de même pas baisser les bras ! Tout reste encore possible si vous gardez à l'esprit que VOTRE guérison dépend de VOTRE SEULE volonté !

Avant de partir, le médecin encouragea Râleuse à poursuivre ses efforts, puis l'informa qu'il reviendrait dans une huitaine. Seule dans sa chambre et face à elle-même, la demoiselle comprit qu'il lui faudrait rapidement penser autrement que mal... et cela, afin d'obtenir et de maintenir un cœur en paix. 

Penser était de toute façon sa principale et quasiment... seule activité, puisqu'à l'exception de la femme de chambre qui s'occupait de ses vases de propreté, du roi et de la reine, ses parents, qui la saluaient de temps à autre sans jamais s'éterniser, et de ses frères et sœurs qui à l'occasion, passaient la voir en coup de vent, Râleuse ne recevait pas d'autres visites, avait fort peu d'occupations hormis quelques lectures, et s'ennuyait ferme. 


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