Chapitre 4
Dans l’appartement minuscule de Vincent, la jeune femme se tenait près de la fenêtre, scrutant la rue comme une sentinelle. La lumière blafarde de la lampe de chevet éclairait son visage tendu. Vincent, assis sur une chaise bancale, ouvrit deux bières tièdes et lui tendit une canette.
— Tu sais, c’est pas exactement la cabane de luxe où s’organisent les révolutions, dit-il en souriant.
Elle ignora sa tentative d’humour et prit la bière, la tenant sans y toucher.
— Vous êtes sûr de vouloir faire ça ? demanda-t-elle finalement.
Vincent haussa les épaules.
— Sûr ? Pas vraiment. Mais si ce Jano menace ton fils, ça suffit comme raison.
Elle baissa les yeux, triturant l’anneau de la canette.
— Je m’appelle Elsa, murmura-t-elle.
— Elsa. Enchanté. Moi, c’est Vincent.
Elle releva la tête et le fixa avec une intensité presque douloureuse.
— Si vous vous faites attraper, ce type vous détruira.
— Alors il faudra pas qu’on se fasse attraper.
Elsa secoua la tête, comme si elle n’arrivait pas à croire qu’il puisse être si insouciant.
— Ce n’est pas juste lui. Il a des gars partout. Ils gèrent... des trucs. De l’argent, des marchandises volées, et...
Elle s’interrompit, hésitante.
— Et ?
— Et... de la drogue. J’ai transporté quelques trucs pour eux. C’était censé être une fois, puis une autre. Et encore. Maintenant, je leur dois de l’argent. Beaucoup d’argent.
Vincent soupira profondément.
— Et ils comptent te faire payer comment ?
Elle ne répondit pas, mais son silence parlait pour elle.
Le plan commença à se dessiner tard dans la nuit, après plusieurs heures d’échanges. Elsa connaissait vaguement les allées et venues de Jano et de ses hommes. Ils utilisaient un entrepôt abandonné près des quais pour stocker leurs marchandises avant de les redistribuer.
— C’est là qu’ils gardent tout, dit-elle en traçant sur une feuille de papier froissée. Argent liquide, bijoux volés, peut-être même des trucs compromettants pour eux.
— Tu penses à quoi ? demanda Vincent.
— À des papiers. Des carnets. Des trucs qui prouvent leurs affaires. Si on les trouve et qu’on menace de les balancer...
— On peut les faire reculer, compléta Vincent.
Elle hocha la tête, mais son visage restait marqué par l’inquiétude.
— C’est risqué.
— Tout l’est, répondit-il. Mais si on ne fait rien, ils continueront à te traquer.
Quelques heures plus tard, ils étaient dans la voiture de Vincent, une vieille épave qui hoquetait à chaque virage. La neige s’était remise à tomber, rendant les routes glissantes et traîtres. Elsa donnait des indications à voix basse, ses mains crispées sur ses genoux.
Ils s’arrêtèrent à plusieurs dizaines de mètres de l’entrepôt. La zone était sombre, silencieuse, et les lampadaires autour des quais étaient éteints depuis des années.
— T’es sûre qu’il n’y a pas de caméras ? demanda Vincent.
— Pas ici, répondit Elsa. Mais il y aura sûrement un ou deux gars à l’intérieur.
— Génial, marmonna-t-il.
Ils sortirent de la voiture, avançant prudemment sur le terrain enneigé. Chaque craquement sous leurs pas résonnait comme un avertissement. Vincent sentit son cœur s’emballer. Ce n’était pas le genre de vie qu’il avait choisi, mais il était trop tard pour reculer.
Ils atteignirent une porte latérale rouillée, que Vincent força avec une barre de métal trouvée dans son coffre. L’intérieur était glacial et sentait le béton humide. Des caisses empilées formaient des ombres inquiétantes, et au loin, une lumière vacillante laissait deviner une présence humaine.
— Là-bas, murmura Elsa en désignant une petite pièce au fond. C’est sûrement là qu’ils gardent leurs trucs.
Vincent hocha la tête.
— Reste derrière moi.
Ils avancèrent lentement, leurs respirations visibles dans l’air froid. Soudain, des voix s’élevèrent, venant d’une porte entrouverte à leur gauche. Deux hommes discutaient, leurs tons bourrus portés par l’écho.
— On doit faire vite, souffla Vincent.
Ils se glissèrent dans la pièce qu’Elsa avait indiquée. À l’intérieur, des piles de dossiers, des enveloppes épaisses, et une mallette entrouverte pleine de billets.
— Bingo, murmura Vincent.
Elsa commença à fouiller frénétiquement.
— Cherche quelque chose avec des noms, des transactions, dit-elle.
Mais avant qu’ils ne trouvent quoi que ce soit, une voix retentit derrière eux.
— Et vous, vous cherchez quoi, exactement ?
Vincent se figea. Un homme massif se tenait dans l’encadrement de la porte, un sourire mauvais sur le visage, une arme à la main.
— Merde, murmura Elsa.
Vincent leva les mains lentement.
— On est juste perdus...
L’homme éclata de rire.
— Bien essayé. Mais je crois que vous allez devoir rester un moment.
Il fit un pas en avant, et Vincent sentit le poids du désespoir s’abattre sur lui.
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