Je n'arrive même plus à manger cette maudite salade entourant mes nems tant j'ai l'estomac noué.

À moins que l'étroitesse de ce tailleur n'en soit la cause...

Un coup d'oeil vers Kingsrock et ce sourire mesquin en coin m'agresse une fois de plus. Non, c'est bel et bien la situation qui est dérangeante, et non le tailleur trop juste.

Annabelle me sourit souvent mais se montre autoritaire envers le serveur qui lui emmène une salade trop saucée à son goût. En l'examinant, je me doute bien qu'elle ne doit pas beaucoup consommer de graisse, ni de sucre. Je ne comprends même pas pourquoi déjeuner dans un chinois, pour ne pas toucher à la friture.

Étonnamment, le patron de Dress Code King Entreprise ne mange pas non plus. Il se contente d'une eau pétillante et d'un triste morceau de pain. Cela me surprend. Surtout que dans mon souvenir, cet homme, plus mince à l'époque, mangeait pour quatre et riait à pleines dents. Là, c'est l'inverse. Seuls ses yeux restent inchangés et puent l'érotisme à plein nez.

— Mademoiselle Crossley, vous vous sentez bien  ?

Annabelle tente de me ramener à la réalité voyant que je m'attarde là où il m'est interdit d'aller.

— Oui, Mademoiselle Justo, vous disiez à propos de mon travail...

Kingsrock semble agacé.

Respirant bruyamment, il effectue un mouvement guindé du bras pour constater l'heure et me regarde sans aucune pitié avant de me lancer d'un air autoritaire :

— Mademoiselle Crossley, nous sommes intéressés par votre travail. Si vous avez emmené des pièces avec vous, je vous prie de me les présenter à mon bureau dans la demi-heure.

Quelle autorité !

Annabelle boit ses paroles en lui faisant un petit signe de tête entendu, les yeux brillants d'impatience. J'aimerais ignorer ce détail, mais je pense que mes doutes vont se dissiper d'ici peu. Tous deux s'excusent et m'invitent à terminer mon repas avant de disparaître.

Au bout d'à peine dix minutes et quatre textos plus tard, pour expliquer la situation à Dorothée qui me harcèle, la collaboratrice et le PDG reviennent en toussotant, visiblement mal à l'aise.

Kingsrock, s'essuie plusieurs fois la bouche et Justo réajuste sa jupe avant de s'assoir les joues rougissantes. Je ne suis pas née de la dernière pluie, aussi, je me penche discrètement vers elle :

— Votre bas ma chère...

Paniquée, elle opine en recollant le bas couleur chair, à sa peau lisse.

Mon Dieu, il n'a pas changé d'un pouce.

L'homme viril et arrogant assit devant moi aujourd'hui est le même qu'il y a dix ans avec une entreprise à gérer en plus. Malgré toutes ces années à ressentir de l'affection pour lui suite à notre courte histoire, il venait de tout anéantir en léchant la chatte de cette pétasse alors que je poirote comme une idiote.

Je me revois encore sortant de ses draps encore tièdes suite à une nuit torride avec monsieur le capitaine de l'équipe de Football. Une seule et unique nuit, qui a gâché toutes mes relations à venir jusqu'à Carl...

Et lui, il revient à la charge en m'humiliant.

Lorsque je croise son regard de nouveau, je comprends qu'il ne me reconnait pas.

Et ça me fait mal, Putain !

Essayant de le haïr, je repense à mon parcours chaotique.

À l'époque j'étais extrêmement mince avec des cheveux bruns que je teintais en masse, alors j'admets que ce n'est pas une évidence aujourd'hui que Katherina Hellman la jeune invisible du lycée, soit la Kira Crossley qui se tient devant lui. Mon père avait quitté ma mère entre temps et j'ai préféré changer de nom... Le temps d'un instant j'avais presque oublié cet épisode tragique.

Maintenant j'ai envie de pleurer en regardant Riley me dévisager, ne sachant ce qui m'arrive...

Mais quelle conne  !