Chapitre 81 - L'article
Le lendemain à mon réveil, l'autre partie de mon lit est vide. Jusqu'à lors c'était monnaie courante mais hier soir, j'ai couché avec Simon Bakes qui s'est assoupi à mes côtés. Je n'arrive même pas à me rappeler la dernière fois que cela m'est arrivé car même avec Carl, nous ne dormions que rarement ensemble.
Cette sensation est étrange...
Me traînant avec peine hors de mon lit, je croise le regard amusé de Bakes, sirotant une tasse de café assis sur le divan. Tout en admirant ma quasi-nudité, dissimulée sous un peignoir de soie très fin, la chaleur vient recouvrir mes joues lorsque je nous imagine à peine quelques heures plus tôt sur ce canapé.
— Bien dormi ?
— Compte tenu de la situation... Ça aurait pu être pire, répondis-je la voix perceptiblement éraillée.
Comme à l'accoutumée, Bakes m'offre un doux sourire, mais cette fois, je sais qu'il est vraiment heureux. Lorsque je m'installe à ses côtés, il n'hésite pas à m'embrasser tendrement et me dire à quel point je suis belle. Le maquillage baveux et mes cheveux en vrac, je veux bien te croire !
— Tiens, je voulais que tu lises mon article avant que je ne l'envoie par mail.
Aussitôt, je fronce les sourcils, inquiète.
Il n'a pas trainé, tout de même !
Je ne sais pas vraiment si je me sens prête à me confronter au récit de mon épopée de la veille. Quand bien même, je n'ai à l'évidence pas le choix, puisqu'il me tend un document noirci de sa main, patientant gentiment que j'acquiesce pour le lire devant lui.
« En tout début de soirée s'ouvrait la première vente aux enchères, de la grande Maisy Guivers qui comme chacun sait, possède suffisamment de fortune pour régler toute la misère du monde. Pour autant, la belle et plantureuse femme préfère s'aventurer chaque année sous les feux des projecteurs entourées de ses amis tout aussi fortunés et hypocrites qu'elle, pour un petit jeu de passe-passe. Sous couvert de fabuleux discours sur le devoir de l'entraide et le sacrifice d'offrir son temps précieux envers les défavorisés, cette année ne délogea pas avec la tradition Guivers...
Toutefois, la soirée en sac à main et bijoux à plusieurs milliers de dollars, a fini de se faire voler la vedette par l'annonce d'une nouvelle bouleversante. Une jeune prodige qui se fait appeler Birdy depuis près d'une décennie, a vendu pour environ trois cent soixante mille dollars de tableaux somptueux, qu'elle avait gracieusement offert à l'association au préalable. Mais l'acte généreux de cette jeune artiste ne s'arrêta pas là... »
Je continue à lire sans pouvoir décrocher mes yeux un seul instant du papier, et tremble presque en m'arrêtant sur ces mots qui me tue...
« ... Le pauvre homme s'était fiancé avec la fille de Carvin afin de conserver sa place de leader et empêcher ce requin de continuer à voler les articles de DCK. La jeune collaboratrice a démissionné pour l'exemplarité du modèle qu'elle tente d'incarner au quotidien. Une femme forte, entière, passionnée et passionnante, Mademoiselle Kira Crossley, qui retombe aujourd'hui dans l'anonymat par choix afin de laisser place aux mensonges et aux faux semblant dans ce monde impitoyable...».
Les yeux impatients de Simon trahissent un visage pourtant détendu. Je suis abasourdie par ce que je viens de lire. Tout d'abord, il s'est montré très respectueux de Riley et de son choix concernant le mariage tandis que je m'attendais à ce qu'il le massacre, comme par le passé. Ensuite, il embellit énormément mon personnage de justicière bien que je ne pense pas vraiment l'être. Enfin je dirais, que son cynisme habituel se lit un peu moins dans cet article et j'apprécie son effort.
— Alors ?
Je fais mine d'avoir détesté et prends mes grands airs en lui sortant.
— C'est bien, mais dommage que ce soit faux !
Comme prévu, il s'indigne, ce qui me fait rire instantanément et gâche ma petite blague matinale.
— Non mais, « Une femme, forte, entière passionnée et passionnante » ?
Le sourire presque coquin de Bakes reprend sa place habituelle. Sa bouche s'approche dangereusement de mes lèvres alors qu'il renchérit :
— Tu as raison, j'ai oublié charmante, sexy, adorable...
Je me laisse entraîner dans un tendre baiser en appréciant chacun de ses mots doux.
Même si Riley est toujours présent dans mon esprit, j'avoue sans mal que la présence de Bakes m'apaise et me soulage. Peut-être que finalement, la vie a ses côté ne serait peut-être pas si mal...
Enfin c'est ce que je me dis en lisant ces mots notés en plein milieu de l'article « Le King a su faire preuve de dévotion et de loyauté avant tout pour son entreprise. Nous ne pouvons que nous montrer admiratif et reconnaître qu'il n'est sans doute plus le jeune homme fougueux de ses débuts ».
Simon ne me quitte pas des yeux, en posant sa tasse à café sur la table basse.
Et là, c'est le drame...
— Kira, je suis désolé !
Plus de la moitié du liquide bouillant est en train d'imprégner l'espace entre chaque touche du clavier de mon ordinateur...
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