Chapitre 4

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La petite fée fixait l'océan, qui s'étendait devant ses yeux tout neufs, avec émerveillement. Jamais elle n'aurait pu imaginer pareille beauté, elle qui n'avait connu que les ténèbres sa vie durant.
Emue, elle tomba à genoux sur le sol. La brise lui caressait tendrement le visage et semblait l'entourer dans des bras vaporeux comme une mère réconforte son enfant. Dans ce silence intérieur et l’espace d’un bref instant, la petite fée eut un éclair de compréhension sur ce que son ami l'Arbre lui avait révélé : nous ne sommes jamais seuls.

Une fois l'émotion de la découverte passée, la petite fée s'interrogea sur la façon de traverser cette étendue d'eau qui semblait infinie. Voler ? Non, elle ne maîtrisait pas encore les battements de ses ailes. Nager ? Mais personne ne lui avait appris comment faire.

Grâce à son dernier morceau de cœur, elle décida d'avoir confiance ; elle fit silence en elle et demanda à recevoir un signe pour la guider. Au bout de quelques minutes, une idée germa au fond d’elle. Cela commença comme un murmure très lointain qui enfla jusqu'à devenir un son puis une mélopée lancinante. Quand elle ouvrit les yeux, elle avait un chant en tête. Ce chant, elle le donna à l'océan comme une offrande ; un appel pur venant du cœur.

Océan, océan, ouvre-moi tes eaux profondes

Dévoile-moi le secret qui te rend si majestueux

Mon âme chante la beauté d'un Monde

Caché aux yeux de tous, si mystérieux

Océan, océan, accepte-moi en ton sein

Sonde mon cœur et relie-le au tien

Car je suis Toi et tu es Moi
Dans l'Amour et dans la Joie

Aussitôt son chant terminé, elle entendit son écho dans l'horizon accompagné d'une vague immense et parsemée de lumière dorée qui fonçait droit sur la plage.

L'Esprit de l'Eau avait perçu le chant de la petite fée et sa pureté l'avait réveillé ainsi que maints esprits qui voulurent découvrir l'être qui s'était offert à l'océan. Mais il décida de la mettre à l'épreuve pour voir si elle était vraiment digne de son aide.

Avait-elle provoqué l'Esprit de l'Océan avec son offrande ? Son cœur, peut-être, était-il trop impur par son acte passé, dans les souterrains ?
La petite fée n'eut guère le temps de réfléchir plus longtemps que la vague l'emporta loin du désert, loin de son monde d'adoption, loin de tout ce qu'elle connaissait.

Elle tenta de remonter à la surface, donnant des coups d'ailes et de pieds, agitant ses petits bras mais plus elle se débattait, plus elle s'épuisait et plus elle sombrait.

Alors la petite fée cessa de lutter contre l'élément liquide et accepta son destin, dans la paix.

Elle souriait, baignant dans une aura de lumière. Nantie d'une force qu'elle n'avait jamais crue possible, elle tendit une main vers la lumière du Soleil qui perçait la surface de l'eau redevenue calme et songea avec reconnaissance aux êtres qui l’avait soutenue, avant de perdre connaissance.

L'Esprit de l'Eau, attendri et plutôt impressionné par son lâcher-prise, créa une bulle d'air autour du corps de la petite fée et l'emmena dans les profondeurs, au sein de son Royaume.

Quand la petite fée ouvrit les yeux, elle était étendue sur un lit composé d'algues multicolores. Une coque transparente et palpable l'enveloppait, lui fournissant l'oxygène dont elle avait besoin. Elle n'avait aucune idée où elle se trouvait ni comment elle avait pu arriver ici.
« Peut-être suis-je morte ? » Songea-t-elle.

— Non, tu es bien vivante, jolie demoiselle !

Cette voix avait surgi dans l'esprit de la petite fée. Pourtant elle était bien seule dans cette pièce circulaire, entièrement réalisée d'eau, d'algues, de coraux et de coquillages.

— Je suis là, derrière toi, ajouta la voix.

Effectivement, derrière elle nageait un drôle de petit être.
La protection autour de la petite fée lui permettait d'articuler des sons et des mots, alors elle questionna ce petit être :

— Pourquoi est-ce que je t'entends dans ma tête ? Qui es-tu ? Et où suis-je ?

— Je te parle grâce à mon esprit, c'est fréquent sous l'eau, à part certaines créatures qui ont leur propre langage comme les baleines, les dauphins, certaines fées de l'eau et ...

— Des fées de l'eau ? Appartiennent-elles à ma famille ? Interrompit la petite fée, tout excitée à l'idée d'être parvenue enfin au bout de son chemin.

— Ah non, les fées de l'eau n'ont pas d'ailes dans leur dos.

Le sourire de la petite fée mourut sur ses lèvres.

— Désolé, je ne voulais pas te rendre triste. Je m'appelle Hipo. Je suis un hippocampe et ici, c'est le Royaume de l'Esprit de l'Eau. Il t'a sauvé de la noyade, c'est plutôt rare de sa part. Tu dois être particulière et ...

Mais il ne put continuer sa phrase car un brouhaha se fit entendre derrière les murs liquides. Un cortège, de créatures diverses et variées, s'était rassemblé devant le refuge de la petite fée. Toutes avaient entendu son chant en offrande à l'océan et toutes avaient applaudi son courage face à une mort certaine.

— Quel genre de fée es-tu ? Cria l'un.
— Comment as-tu réussi à attirer l'attention de L'esprit de l'Eau ? Rajouta un autre
— Que vas-tu faire maintenant ? Continua un esprit qui ne cessait de changer de couleur.

— Pourquoi es-tu ici ?

Les questions fusèrent et la petite fée se figea. Elle ne se rappelait que trop bien de la dernière fois quand elle s'était sentie harcelée, même si dans ce cas présent, les créatures ne lui voulaient aucun mal. Néanmoins, elle fut prise de panique et demanda à Hipo de l'emmener loin de là.

Alors Hipo, sentant sa peur, la prit sur son dos, passa l'ouverture à travers le mur d'eau et ils s'éloignèrent à toute vitesse malgré les esprits qui tentèrent de les rejoindre.

Ils trouvèrent abri dans une grotte connue de l'hippocampe, qui aimait y dormir tranquille.

— Merci, ne put que chuchoter la petite fée, encore remuée par le souvenir remonté à la surface.

Hipo, qui aimait bavarder ne trouva rien à répondre car il savait quand se taire. Il partit un instant chercher de quoi sustenter son amie.

Peu après son départ, un chant doux et feutré résonna dans la cavité et la petite fée ressentit le calme et la paix s'insinuer en elle. Alors une fée de l'eau osa s'approcher d'elle. Elle était très grande et magnifique avec ses cheveux verts, sa peau bleutée, ses grands yeux émeraude et sa... queue de poisson dorée. Si différente de la petite fée.

— Bonjour ma sœur, je m'appelle Perla, je suis une sirène. Se présenta-t-elle en souriant. Tant de douceur émanait d'elle que la petite fée l'apprécia immédiatement. Elle lui répondit :

— Malheureusement, je ne suis pas vraiment ta sœur. J'ignore mon nom et quel genre de fée je suis. Mais je te remercie pour ton chant qui m'a rassurée et apaisée. Tu as un grand pouvoir.

— Nous, les Sirènes, sommes détentrices de chants de pouvoir agissant sur les émotions. Tu es différente de moi c’est certain mais tu es tout de même une fée et donc, ma sœur. Viens avec moi, je vais t'emmener voir mon peuple.

— Mais Je n'ai pas dit au revoir à Hipo !
— Ne t'inquiète pas pour lui, tu le reverras plus tard !

Et Perla prit la petite fée délicatement au creux de ses mains et nagea un moment avant de s'arrêter.
La petite fée fut émerveillée : un palais d'eau cristallisée, de coquillages et d'algues se dressait devant ses yeux. Une mélopée enchantée s'éleva du palais et des sirènes dansaient dans les courants, si gracieuses ; leurs cheveux ondulant autour d'elles et leurs queues scintillantes.
« Oh, j'aimerais tant faire partie de leur peuple » pensa la petite fée, être si belle, si envoûtante.

— Mais tu es si belle aussi petite sœur. Reste avec nous ici, nous te traiterons bien et tu seras heureuse je t'assure ! Lui affirma Perla qui avait lu ses pensées. Viens, c'est un jour particulier, tu vas assister à une cérémonie très spéciale.

Elle l'emmena alors devant une immense colonne de cristal bleu autour de laquelle était rassemblée une foule de sirènes venant assister à l'évènement.
Elles unirent alors leur chant harmonieusement pendant de longues minutes et le cristal se mit à luire puis à briller de mille feux envoyant vers le ciel puis, en ondes concentriques dans l'océan, des rayons de lumière.

— L'union du Son, du Cristal et de la Lumière, lui expliqua alors Perla. Le monde de la Surface est en train de changer et l'Esprit de l'Eau doit transférer un éclat de lui-même dans une sirène qui le représentera dans la matière comme sa guerrière, tout comme chacun des Grands Esprits. Cette cérémonie va déterminer l’élue. Regarde !

La petite fée observa attentivement le rituel, sans bien saisir ce dont Perla parlait, et remarqua une sirène en particulier entourée par une bulle de lumière. Elle fut transportée à l’intérieur du grand cristal par une magie inconnue de la petite fée. La lumière devint si intense que la petite fée ne put la soutenir du regard.

Le chant des sirènes stoppa enfin, la lumière se résorba et il ne resta plus que le grand cristal bleu et la sirène choisie à ses côtés. Son aura était devenue d’un bleu lumineux et déployée tout autour d’elle. Elle semblait majestueuse, forte, royale. Couronnée de beauté.

— Mélaria ! Mélaria ! Guerrière de l’Esprit de l’Eau et Gardienne du Saphir ! Clamait la foule, exaltée mais respectueuse.

La petite fée était ébahie par tant de magie et aurait aimé rester sous l’océan puisqu’elle y était enfin acceptée. Pourtant, malgré l’amitié naissante avec Perla et l’émerveillement qu’elle ressentait pour ce peuple, la petite créature ailée sentait bien que sa place n’était toujours pas ici : sa tête lui suggérait de rester mais son cœur la poussait à partir.

Et ce combat qui apparemment attendait ce monde n’était pas le sien. Alors, jetant un dernier regard en arrière vers Perla, qui s’était détournée d’elle pour acclamer l’élue, la petite fée la remercia en pensée et nagea pour s’éloigner.

Elle entonna à nouveau un chant pour appeler de l’aide et un dauphin blanc apparut devant elle. Elle lui demanda humblement de la conduire vers la terre la plus proche. Il accepta. Lorsque son corps perça la surface de l’eau, sa protection aquatique disparut. Le dauphin l’approcha le plus possible de la terre ferme puis la laissa et elle marcha jusqu’au rivage.

Elle regarda une dernière fois l’océan et, ramenant son regard sur la plage, aperçut un coquillage d’un rose étincelant qui pulsait. Elle le prit dans ses petites mains, le colla à son oreille et, par le son mélodieux qui en sortit, retrouva le quatrième morceau de son cœur qui lui permettait d’éprouver une reconnaissance profonde envers les êtres, le monde et toutes les situations qu’elle vivait. C’est ainsi qu’elle connut la GRATITUDE.

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