Chapitre 6

10 minutes de lecture

Les adieux furent difficiles pour les deux fées, des liens inaltérables ayant été noués.

— Reste, demanda Nalaïs, tu seras heureuse dans mon monde !
— J’aurais bien aimé, vraiment. Mais l’Ancien a raison, je dois vivre mon destin. Je ne t’oublierai jamais mon amie.

La petite fée la prit dans ses bras, l’embrassa et partit sans se retourner, le petit sac de provision sur son dos.

Elle pouvait voir, au loin, les cimes enneigées et pressentait qu’elle devrait les traverser même si cela signifiait d’affronter le froid glacial dont Nalaïs lui avait parlé : paralysant chacun de ses mouvements, affectant chacun de ses sens.
Elle respira profondément et se dirigea droit vers les montagnes, acceptant les nouvelles épreuves sur sa route comme une manière de se dépasser, d’être plus forte.

Les premiers flocons de neige tombèrent de la voûte céleste d’où jaillissaient des lumières vertes et violettes qui dansaient au coucher du soleil.
La jeune fille sortit de son sac une cape chaude, don de Nalaïs, qu’elle fixa à ses épaules puis trouva un abri pour la nuit dans une petite grotte creusée dans un grand rocher. Un petit animal y avait aussi élu domicile temporairement mais trembla à la vue de la fée.

— N’aie pas peur, petite créature, chuchota la petite fée en souriant, je suis ton amie. L’animal se détendit.

— Je suis Lala, une marmotte. J’ai été séparée de ma famille pendant la dernière tempête de neige, se lamenta-t-elle.
— Oh, tu es perdue comme moi alors. Je suis justement en route pour rejoindre mon peuple loin derrière ces montagnes. Accompagne-moi donc, nous tâcherons de retrouver les tiens aussi.

La marmotte acquiesça, enthousiaste, et se blottit contre sa nouvelle amie. Sa fourrure était chaude et douce. C’était si réconfortant que la petite fée fut, encore une fois, pleine de gratitude envers la vie.

Au petit matin, le ciel s’illuminait d’un bleu intense sans nuages ni neige, mais le sol étaitrecouvert d’un épais tapis blanc. Les petites ballerines de la fée étaient usées pourtant elle supporta la morsure du froid sans se plaindre une seule fois. En revanche, Lala ne cessait de parler, de tout et de rien, mais son innocence émouvait la petite fée. Elle qui, hier encore, se sentait aussi ingénue qu’elle. A présent, elle avait changé, mûrit et le reconnaissait.

— Sais-tu où on va exactement au moins ? J’ai l’impression que tu te diriges complètement au hasard ! Soupçonna Lala, dubitative.
— C’est exact, confirma la fée, sûre d’elle. Mais tu sais, petite marmotte, le hasard n’existe passi tu apprends à te diriger avec ton cœur et dans la foi que tout arrive dans ta vie pour une raison que tu dois comprendre pour avancer. Il n’y a pas de hasard, seulement des opportunités.

Lala semblait réfléchir intensément et conclut qu’elle n’était pas certaine d’avoir compris lemessage que la petite fée essayait de lui transmettre. Mais elle décida de continuer à la suivrecar elle avait l’air convaincu de ses paroles.

Elles atteignirent les portes des monts de glace. Ces derniers étaient si hauts que la petite fée eut à nouveau quelques secondes de doutes sur sa capacité à les traverser. Mais, se remémorant les embûches de son chemin déjà effectué, elle se dit que c’était seulement encore une de plus à franchir et pensa à ce qui l’attendait au bout de son périple : elle-même.

En grimpant l’étroit sentier menant vers les sommets, le froid devint plus intense et gelait les

membres délicats de la petite fée. Sa propre cape se raidissait sous l’air glacé. Son courage s’amenuisait au fur et à mesure que ses pas la portaient ; de plus en plus difficilement. Plus elles avançaient, plus le chemin semblait les éloigner de leur but. Comment était-ce possible ? Epuisées et frigorifiées, les deux amies s’appuyèrent quelques instants contre la paroi rocheuse et ... la petite fée passa à travers elle comme si elle n’avait jamais existé.

Elle glissa le long d’un tunnel de glace qui paraissait interminable tout en criant « LALA » qui, elle, était restée sur le sentier. Quand sa descente cessa, elle contempla les lieux.

De magnifiques et grands cristaux lumineux et un bassin à l’eau dorée, duquel s’élevaient des volutes de fumée parsemée de lumière, s’offraient à ses yeux. Quel enchantement !
La jeune fée n’hésita pas : elle réchauffa son corps meurtri dans cette eau merveilleuse. Revigorée, elle visita la caverne ne sachant pas comment remonter chercher son amie. Elle suivit la source d’eau de lumière et, bientôt, découvrit une autre grotte.

Un gigantesque cristal bleu trônait au centre de la salle, lévitant dans les airs et soutenant de magnifiques et longs tubes de cristal transparent. Juste dessous, au sol, le cours d’eau s’enroulait telle une spirale et disparaissait dans la roche.

La petite fée imagina Lala s’extasiant devant tant de beauté et se demanda si tout allait bien pour elle. Puis elle repensa à la cérémonie des sirènes dans le Royaume des Océans. La pierre précieuse était du même genre et, si le son l’avait activée, peut-être en serait-il de même pour ce cristal. Alors elle se concentra sur son cœur et un chant pur s’éleva de sa bouche. Le cristal se mit soudain à pulser des rayons bleus qui se diffusèrent le long des tubes de lumière. Et dès cet instant, une musique surnaturelle et cristalline accompagna le chant de la petite fée. En transe, cette dernière ne fit pas attention qu’une autre voix se superposait à la sienne et intensifiait le pouvoir du cristal. L’eau de lumière jaillit alors de la roche et parcourut le chemin en spirale jusque dans la caverne du lac.

— Tu as reçu le don de Création. J’aimerais t’enseigner ce que je sais et faire de toi une Gardienne des Eaux Sacrées, prononça une voix mélodieuse et puissante derrière la petite fée.

Cette dernière stoppa son chant et se retourna brusquement. Une femme, grande et divine, sans âge, vêtue d’une robe fluide bleue et blanche et couronnée d’étoiles lui faisait face. Ne ressentait-elle pas le froid ?

— Pardon Madame, je suis simplement de passage et cherche à traverser ces montagnes, mais je suis tombée malencontreusement dans ces grottes en laissant mon amie toute seule dehors, expliqua la petite fée.

La Gardienne des lieux lui sourit tendrement.

— Ne t’excuse pas, tu n’es pas venue ici par hasard. Le cristal t’a appelée, ou sinon tu n’aurais jamais pu le trouver. Pour ton amie, ne t’en fais pas j’enverrai quelqu’un la chercher. Mais ma proposition est sérieuse. Sois mon élève, je t’apprendrai à matérialiser la lumière liquide, cette Eau Sacrée qui guérit absolument tout et prolonge la vie, et tout ce que tu désires grâce au chant et à ce carillon de cristal. En échange, tu deviendras la prochaine gardienne de ces lieux.

La petite fée fut touchée par sa demande car, ici, elle savait qu’elle serait utile. Elle aimait le pouvoir qui émanait d’elle lorsqu’elle chantait ; la communion qu’elle ressentait alors avec le tout. Pourtant, elle se devait de poursuivre son chemin. Plus tard, elle pourrait toujours faire le choix de revenir ici.

La Gardienne avait capté ses pensées et comprit que la petite fée ne resterait pas. Elle la prévint quand même :

— Je ne peux m’opposer à ton choix mais, si tu pars d’ici maintenant ce n’est pas certain que turetrouves cet endroit un jour. Es-tu certaine de toi ? Est-ce si important de savoir qui tu es etd’où tu viens ?

— Oui. Mon cœur est incomplet à l’heure actuelle et je dois continuer d’en retrouver les morceaux. Je ne sais ce que l’avenir me réserve mais j’avancerai avec la foi que tout s’éclairera devant moi quand il le faudra. Si mon destin me ramène ici alors j’accepterai avec plaisir d’être

enseignée par vous, ô Gardienne.
— Alors ainsi soit-il, conclut la Gardienne.

Celle-ci la conduisit à l’extérieur de la montagne par téléportation, ou ce qui s’en rapprochait, etla petite fée réalisa qu’elle se trouvait près du sommet, au bord d’un précipice. Lala n’était pasici mais elle se promit de la récupérer plus tard.

— Tu te trouves ici dans le Royaume des glaces. Fais attention, les fées d’ici peuvent être agressives si tu les contraries. Elles aiment leur solitude.

La Gardienne disparut dans un nuage de vapeur, laissant la petite fée seule. Elle reprit son périple, tout en pensant à Lala, elle qui lui avait promis de l’aider à retrouver sa famille. Elle se sentait honteuse. Toute à ses pensées, elle percuta une masse glaciale, à moitié transparente, et tomba dans la neige. Elle leva la tête vers ce qui avait provoqué cette chute.

Un être portant une robe de blanc et d’argent scintillant, au visage de glace la fixait de façon hautaine et mécontente. Ses longues ailes étaient totalement gelées. Une beauté magnifiquement froide.

— Oh désolée, je ne t’avais pas vu dans toute cette blancheur immaculée, s’excusa la petite fée, en se rappelant la mise en garde de la Gardienne.

— Comment as-tu osé me toucher ? Vociféra la fée des glaces. Tu n’as rien à faire ici ! Va-t’en ! Mon peuple ne veut pas de toi sur cette terre. C’est la nôtre !

— Je vous demande de me pardonner de vous avoir bousculée mais c’est le seul chemin que je peux emprunter pour rentrer chez moi, ne sachant pas me servir de mes ailes. Je vous promets de ne pas vous importuner plus longtemps. Je vous laisse, adieu.

Et la petite fée continua sa route, espérant que la fée des glaces la laisserait en paix. Mais celle- ci bouillonnait en son for intérieur, car c’était une fée remplie de colère qui ne supportait pas qu’on puisse lui tenir tête. Elle psalmodia donc une incantation qui envoya la petite fée dans les airs, la fit tournoyer violemment et la projeta dans le précipice dit « sans fonds » à cause de sa hauteur démesurée. Certains croyaient même que c’était un portail vers le centre de la Terre, mais personne n’était jamais remonté pour témoigner de la véracité de ces pensées.

La petite fée, prise au dépourvu, paniqua totalement puisqu’elle ne savait toujours pas voler. Des images défilèrent dans sa tête et, parmi elles, une s’imprima particulièrement longtemps dans l’esprit de la petite fée : le souvenir de l’oiseau qui l’avait aidée à gagner l’océan. Qu’avait-il dit déjà ?

« Rien n'est inutile ou impossible, ma petite. Bats tes ailes en les activant très vite. Tu dois sentir devenir Une avec les courants de l’air et non pas lutter contre. »

Pas le temps d’attendre à maîtriser ses ailes. Sa vie en dépendait. Alors elle ferma les yeux, calma sa peur, activa le morceau de son cœur qui lui insufflait la Confiance et ressentit le ventet son courant jusqu’à se fondre avec lui. Là, seulement, elle battit des ailes très rapidement. Elle perçut en elle le chant du vent qui la soutenait. Elle ouvrit les yeux et comprit que sa chute avait stoppé. Elle flottait dans les airs ! Elle entreprit alors de remonter le long de la montagne en volant, savourant un instant sa réussite et sa liberté.

Elle hésita à faire de nouveau face à la fée des glaces qui avait voulu la blesser mais elle ne pouvait pas renoncer maintenant à sa voie. Et celle-ci passait forcément devant cette ennemie mais pourtant sœur. N’étaient-elles pas toutes les deux des fées, même si différentes ?

Elle la vit au loin dans la neige, se déplaçant en frôlant à peine la glace. Elle s’approcha discrètement de son dos et l’entoura de ses bras, fermement. La fée d’argent se mit à fulminer, mais la petite fée ne la lâcha pas. Au contraire, son esprit s’ouvrit et se connecta à son passé qui lui révéla pourquoi la colère grondait constamment dans sa poitrine et pourquoi elle était seule et préférait rejeter toutes les personnes sur son chemin plutôt que se faire des amis.

Voyant cela, la petite fée murmura un chant doux et enveloppant dans le but de réveiller en sa « sœur » la paix, la joie, l’amour, le pardon. Toutes ces qualités qu’elle avait éteintes en elle quand son peuple, dont sa famille, fut décimé puis les survivants, bannis.

Son chant était comme une graine qui germa dans le cœur de la fée des glaces et le dégela. La glace qui recouvrait son corps fondit bientôt sous la chaleur de la lumière qu’émettait la petite fée, mais aussi sa propre lumière intérieure. Son apparence changea : sa peau prit des couleurs, ses yeux révélèrent des étincelles colorées, ses cheveux devinrent d’un rouxflamboyant et ses ailes reflétaient les rayons dorés du soleil.

Des larmes, trop longtemps enfermées dans son cœur de glace, jaillirent de ses yeux en cascade. La petite fée maintint son étreinte, comme une amie le ferait, jusqu’à ce que sa tristesse se tarisse.

— Je t’ai livré à la mort et non seulement tu as survécu mais en plus tu m’as sauvée au lieu dete venger. Mais qui es-tu donc ? Questionna la jolie fée de feu, car c’était sa nature en réalité.

— Je ne le sais pas, répondit sa sauveuse dans un demi-sourire. Mais ce n’est pas important ici. Mon cœur a été brisé en sept morceaux parce que j’ai commis un acte terrible et j’ai entrepris ce long voyage pour les retrouver un par un. Tout comme toi, je m’étais totalement oubliée. Maintenant que ton Etre est de retour, vis ! Et pardonne !

La fée de feu amena sa sauveuse dans sa demeure de glace et relâcha tous les petits prisonniers qu’elle voulait transformer en esclaves. Parmi eux, la famille de Lala était là ! Alors la petite fée, soulagée, leur expliqua qu’elle avait laissé leur enfant sur le sentier de la montagne et qu’ils pourraient la revoir là-bas.

Lorsque tous eurent disparu, la petite fée voulut prendre congé de sa nouvelle amie mais cette dernière refusa de la laisser partir seule. A présent qu’elle n’était plus possédée par son cœur de glace, elle décida de l’accompagner. La jeune fée accepta de bon cœur et c’est ainsi, qu’elle et Sol, c’était le nom de la fée de feu, quittèrent les monts enneigés.

Mais au moment de passer l’Arche d’Argent, seuil des montagnes, une larme de glace se décrocha du ciel et tomba sur la tête de la petite fée qui prit conscience alors d’avoir reçu lesixième morceau de son cœur, celui qui avait pour nom : COMPASSION

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Mélodie Or ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0