Chapitre 3
Traversant l'arche de lumière elle ouvrit les yeux péniblement, n’ayant jamais était habituée à tant de clarté, vers un monde inconnu dans lequel il n'y avait ... rien. Rien, sauf un paysage de terre beige et légère à perte de vue, formant des petites collines et quelques rares arbustes et arbres comme son ami (qu'il était haut comparé à elle, et majestueux !). Déçue, elle leva les yeux et sonda l'immensité du ciel bleu dont elle n'avait aucune notion. La chaleur agréable qui avait réchauffé son petit corps, trop longtemps éprouvé par le froid, devenait de plus en plus intense et brûlante.
— C'est sûrement dû à cette étoile jaune dont a parlé mon ami, pensa-t-elle en tournant son regard vers l'astre, roi du jour.
Hélas, son ignorance lui causa bien du malheur. En effet, tout le monde est censé savoir que le soleil garde ses mystères et n'autorise personne à les pénétrer au prix d'un grand sacrifice. Mais la petite fée l'ignorait et, ayant vécu toute sa vie dans les ténèbres, la lumière devint très vite intolérable et blessante. Ainsi donc devint-elle aveugle et se retrouva, à nouveau, dans le noir total.
Et la petite fée, malgré l'espoir et son courage naissants, se mit à pleurer et cria à qui voulait bien l'entendre :
— Est-ce là ma punition d'avoir causé tant de tort aux êtres qui m'ont blessée ? Est-ce là ma voie que de sortir des ténèbres pour être aveuglée par la lumière et revenir ainsi à mon point de départ ? J'aurais voulu ne jamais exister !!
Puis, après avoir lâché tout ce qu'elle avait sur le cœur, même en morceaux, elle creusa une cachette dans le sol pour se protéger des rayons de feu de l'étoile jaune et murmura dans un dernier soupir : « aidez-moi, s'il vous plaît » avant de s'effondrer dans un sommeil sans rêves.
Cette fois, sa supplique fut entendue par l'Esprit du Feu Solaire. Pauvre petite, si loin de sa destination et brûlée par mes rayons à cause de son ignorance, pensa-t-il. Alors, pris de compassion, il décida de se matérialiser à ses côtés sous la forme d'un serpent, un de ses messagers sur Terre.
Lorsque la nuit tomba, la fraîcheur soudaine réveilla la petite fée. Pendant quelques secondes elle oublia sa cécité puis, tout lui revint en mémoire. Alors elle paniqua, ne sachant où aller et courut à perdre haleine dans cette immensité désertique jusqu’à buter contre quelque chose.
— Où cours-tu ainsi mademoiselle ?
— Qui est là ? Je ne vois rien !!
La petite fée sentit un mouvement le long de ses jambes. Quelque chose s'enroulait autourd'elle. Ses deux petits morceaux de cœur menaçaient de se briser à nouveau tellement elle avait peur.
— Sssss on me nomme le ssserpent du désert, je vis ici dans le sssssable et ne sssors qu’aucrépuscule. Mais toi, tu es bien loin de chez toi car je n'ai jamais vu de fées comme toi ici.
Intriguée la petite fée tiqua.
— Une fée ? C'est ce que je suis ?
— Minuscule, des ailes brillantes, une aura de lumière quoique bien terne actuellement, pas de doute tu fais partie de ce peuple, énonça le serpent. Mais comment peux-tu ne pas le
sssavoir ?
Cette question fit remonter une tristesse passée enfouie au fond de son âme. Elle n'avait aucune idée de sa présence dans les sombres souterrains, de sa naissance ou de sa famille. Un jour elle était apparue comme par magie. Elle avait vu naître des gnomes, les avait vu grandir. Mais elle, elle avait toujours eu sa taille actuelle. Elle n'avait jamais été un bébé. Elle se souvenait simplement d'un éclat de lumière, de chaleur et puis ensuite tout ce noir, ce froid, ces créatures si différentes...
La petite fée ne sut que répondre au serpent car il n'y avait rien à dire.
Par son silence, qui pourtant en disait long, l'Esprit du Feu Solaire dans sa forme terrestre, accéda à tous les souvenirs de la petite fée et au destin qui l'attendait car Passé, Présent et Futurs n'avaient aucun secret pour ceux qui savaient pénétrer les mystères du Temps et de l'Espace.
— Pour cette nuit, je t'autorise à grimper sur mon dos. Je te rapprocherai des portes du désert car au-delà t'attend ta destinée.
La petite fée ignorait ce que pouvait bien être la destinée dont il parlait mais elle se contenta d’accepter sa proposition, reconnaissante.
Au bout de plusieurs heures, l'astre du jour commença à renaître à l'horizon et le serpent sut qu'il devait laisser la petite fée dans l'oasis la plus proche.
— Pourquoi t'arrêtes-tu ?
— Le jour va se lever. Ma route sss’arrête ici mais j'ai trouvé une oasis où tu pourras être à l'abri de la fournaise.
— Mais... Je ne vois plus rien, comment ferai-je toute seule ?
— Sur ton chemin apparaîtra toujours de l'aide et des sssignes pour te guider. Apprends à les reconnaître. Tu n'es pas ssseule, il y a bien du monde qui t'écoute : le vent, la terre, le soleil etc...
— Merci, tu es un véritable ami. Je ne t'oublierai pas.
Le serpent s'éloigna tout en lui faisant parvenir un dernier conseil grâce au vent :
— Les êtres ont peur de moi car je sssuis venimeux et que je me déplace d‘une façon différente. Ne conçois pas la perte de tes yeux comme une malédiction car sache qu’on juge bien trop vite les choses par leur apparence. Vois toujours avec ton cœur et tu verras alors la vérité dans le propre cœur des êtres.
La petite fée resta un moment debout à méditer les paroles de son protecteur. Ce ne fut que lorsqu'elle sentit les rayons du Soleil la brûler qu'elle tâtonna à la recherche d'un abri pour la journée. Elle pouvait sentir avec ses doigts la présence de tronc comme celui de son ami l'arbre, et ses pieds s'enfouir dans le sable doux. Soudain elle s'enfonça dans de l'eau et recula. Elle se mit à genoux, toucha la surface du précieux liquide pour boire et réalisa seulement à quel point sa gorge était sèche. Elle en profita aussi pour se laver car elle se sentait sale et poisseuse.
Elle aurait aimé pouvoir se regarder dans l’eau mais, cette fois, elle ne déprima pas ni ne pleura sur son sort. Car elle commençait à entendre sa petite voix intérieure dans le silence de soncœur qui lui soufflait « aie confiance, tu comprendras plus tard »
Alors elle sourit et s'assit sous le feuillage d'un palmier. Elle savait grâce à son intuition toute fraîche qu'une nouvelle aide arriverait sous peu. Le temps passa et la petite fée pensa qu'elle avait un peu faim. L'instant d'après quelque chose tomba à ses côtés et elle le ramassa pour le goûter instinctivement. Et, oh que c'était bon, sucré, juteux, rassasiant.
« Merci » murmura-t-elle dans le vent puis elle ferma les yeux et s'endormit. Un souffle d'air accompagné d'un bruit réveilla la petite fée.
— Tiens, une fée ! Tu t'es perdue ma mignonne ? S'esclaffa une voix stridente.
Méfiante, la petite fée ne dit mot. Comme elle ne pouvait plus se fier à ses yeux, elle se concentra sur son petit bout de cœur pour sonder celui de l'inconnu. Non seulement elle ne ressentit aucun danger venant de lui mais en plus elle sut que c'était l'aide tant attendue. Alors elle osa lui parler.
— Il paraît que je suis une fée oui ! Je cherche à retrouver les miens, pouvez-vous m'aider à traverser ce désert ?
— Je le peux en effet. Je suis un oiseau et j'ai des ailes pour voler dans les cieux. Mais tu en as aussi, pourquoi ne les utilises-tu pas ?
La petite fée fut étonnée et enthousiaste !
— Voler ? C'est donc à cela que servent mes ailes ?! On m’a toujours dit que c’était une difformité ! Je n'ai jamais essayé de m’en servir car je vivais sous terre.
Puis ajouta, amère :
— Mais je suis aveugle et donc peu m'importe au final de voler. Ce serait bien inutile.
Et elle se renfrogna.
— Rien n'est inutile ou impossible, ma petite. Bats tes ailes en les activant très vite. Tu dois sentir devenir Une avec les courants de l’air et non pas lutter contre.
Elle fit ce que son interlocuteur lui suggérait, avec volonté et effort. Mais elle ne put léviter que de quelques centimètres avant de retomber, essoufflée.
— C'est trop dur. Je suis trop lourde !
— Si tu abandonnes déjà, effectivement tu n'y arriveras pas. Je t'ai expliqué comment faire, maintenant c'est à toi de jouer. Je n’ai pas appris en un jour non plus car la maîtrise demande du temps. En attendant, monte sur mon dos et je t'emmènerai jusqu'à l'océan, la demeure del’Esprit de l’Eau.
Frustrée mais confiante, la petite fée s'exécuta sans dire mot tout en se demandant ce qu'était encore que « l'océan » et ce qui l'attendait une fois là-bas.
— Accroche toi mistinguette, ça va secouer !!
En effet, elle ne s'attendait pas à tant de vitesse, d'élan et... de liberté ! Alors c'était cela voler ! Quelle sensation merveilleuse ! Qu'elle avait hâte de pouvoir elle-même s'envoler seule ! Elle ne voyait rien mais ressentait tout : les courants de l'air, les différences de température, ses cheveux tournoyer autour d'elle, le sable dans le vent qui lui piquait le visage et les yeux...
L'oiseau ralentissait enfin son vol quand elle perçut un son : grave, ronronnant et cyclique. Et puis une odeur embauma complètement l’atmosphère : les embruns de l'océan.
Ils se posèrent sur une plage de sable fin et doux.
— Voici la fin de mon voyage, et le début du tien vers la Terre de l’autre côté de l'horizon, là où se trouvent les tiens. Je te souhaite beaucoup de courage petite fée.
Et il repartit avant qu'elle ait put le remercier. Avec ses sens, elle marcha le long de l'eau, se remémorant le chemin parcouru jusqu'à présent ; ses malheurs, les aides précieuses, l'espoir de retrouver les siens, le courage de sortir des sentiers connus. Elle récupérerait chacun des morceaux de son cœur, et même sans ses yeux elle saurait faire face grâce à ses perceptions accrues et sa petite voix précieuse.
L'Esprit du Feu Solaire, qui suivait toujours le périple de la petite fée, fut touché par sa nouvelle force et ses pensées positives. Il décida alors de lui faire un cadeau qu'il avait jusque-là bien peu octroyé ; un de ses rayons irisé toucha la petite fée, au niveau de ses yeux, et l'Esprit lui rendit la vue sachant que, désormais, elle se fierait davantage aux yeux de son cœur.
Alors la petite fée réalisa la grâce qui venait de lui être accordée et distingua, à ses pieds, un grain de sable qui luisait dans le vent. Celui-ci tournoya jusqu'à sa bouche et s'y engouffra. Et lapetite fée reconquit le troisième morceau de son cœur dont le nom était CONFIANCE.
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