Les meilleures glaces de Springton
Nous roulons depuis encore une quinzaine de minutes. La brise tiède dans nos cheveux, fait danser mes mèches rebelles autour de mon visage. Lia connaît chaque coin et recoin de Springton, je la regarde en admiration tandis qu'elle me guide à travers sa ville natale. Elle pointe du doigt chaque lieu avec une affection évidente.
— Regarde par là, dit-elle en ralentissant un peu, me permettant de contempler une église gothique dont les hautes flèches s'élèvent majestueusement vers le ciel.
Ses vitraux colorés qui scintillent à la lumière du soleil couchant, offrent un spectacle hypnotique.
— C'est l'église Saint-Jude. Elle a plus d'un siècle. Les gens d'ici disent qu'elle est hantée, mais j'aime y aller parfois, juste pour ressentir la tranquillité qu'elle offre.
Avant que je puisse poser la moindre question sur ces histoires de fantômes, elle accélère, puis m'amène devant un vieux cinéma dont l'architecture rappelle les années 50. La façade, ornée d'enseignes au néon, présente des affiches de films tels que « Casablanca » et « La fureur de vivre ».
— Ah, ce cinéma... C'est là que j'ai vu mon premier film avec mes grands-parents. Ils ont gardé les affiches rétro pour conserver le charme d'antan. Ils organisent souvent des soirées thématiques où tout le monde s'habille comme dans les années 50. C'est assez amusant, tu verras.
Un sourire nostalgique se dessine sur son visage. Je devine combien ce lieu lui tient à cœur. Nous continuons notre trajet. Bientôt, le paysage urbain s'ouvre sur un grand parc. En son centre, une grande fontaine jaillit en éclaboussant joyeusement les personnes autour. Des bancs de parc entourent le point d'eau, occupés par des couples, ou par des familles avec des enfants qui jouent autour.
— Et voici le parc central, dit Lia en faisant un large geste avec sa main. L'endroit idéal pour se détendre après une longue journée, lire un livre, ou simplement s'asseoir et regarder les gens passer.
Je m'imprègne de la scène. Je capture mentalement chaque détail. Tout ici respire la sérénité, la simplicité. Springton déborde de charme, de caractère. chaque lieu que Lia me montre renforce mon sentiment que nous avons finalement fait le bon choix en venant ici.
— Cette ville est magnifique, dis-je totalement sous le charme.
Tout en avançant lentement dans une ruelle pavée, le centre-ville dévoile une vie commerçante animée avec son enchevêtrement d'enseignes et de devantures originales. Chacunes d'elles, minutieusement sculptée ou peinte, raconte l'histoire de l'entreprise qu'elle représente. Ornées de lettres dorées vieillies par le temps ou plus modernes, avec une typographie élégante en relief. À ma droite, une boutique de chapeaux Madame Bellerose, avec sa vitrine boisée peinte en rose millénaire, expose de magnifiques chapeaux vintage dans sa vitrine. Plus loin, un petit café nommé Le Petit Espresso chez Camille dévoile un écriteau en fer forgé avec des motifs de café. Les tables en terrasse sont déjà occupées par des habitués qui dégustent leurs bières tout en papotant de tout et de rien.
Mais c'est Sally's Ice Cream qui retient mon attention de façon particulière. Le devant du petit commerce d'un bleu marine délicat me donne envie d'acheter une glace tout de suite. L'enseigne en néon oscille entre bleu ciel et rose bonbon. Elle est si lumineuse qu'elle brille même en plein jour. À travers la grande vitrine, j'aperçoit les pots de crème glacée alignés, dans toutes les couleurs imaginables, et derrière le comptoir, une machine à gaufres dégage cette agréable odeur sucrée qui flotte dans l'air. Sous les fenêtres de la boutique, une jardinière est remplie à ras bord de fleurs aux couleurs vives. Les roses, les pétunias, les marguerites, la lavande... toutes se mélangent, libèrent un parfum enivrant. Une symphonie olfactive qui enchante les sens. À ma grande surprise, Lia gare sa Jeep devant le glacier, et avant que je ne m'en rende compte, nous sommes déjà à l'intérieur, attirées par la grande variété de parfums de glace. Que choisir ?
— Tu aimes la glace, Virgie ? me demande Lia avec un sourire taquin.
— Pff ! Qui pourrait bien dire non à de la glace ? je réponds avec enthousiasme.
On se glisse rapidement dans la file d'attente pour attendre notre tour de commande, lorsque soudain, je repère une jeune fille aux cheveux noirs corbeau, coupés au carré, aux nombreux piercings et tatouages, qui me dévisage copieusement. Ses yeux d'un vert intense me détaillent de haut en bas ; il ne semble pas curieux, mais plutôt prudent. Elle porte un tablier sur lequel est brodé "Sally's", ce qui me fait comprendre qu'elle est employée ici. Probablement comme serveuse ou à un autre poste en restauration.
— Qu'est-ce qu'il y a ? J'ai un bouton sur le nez ? je lui demande, un peu irritée d'être reluquée de cette façon.
— Pardon, mauvaise habitude. On me dit souvent que j'ai tendance à dévisager les gens plus que de raison. Bref, tu es nouvelle en ville ? demande-t-elle d'une voix douce mais ferme, en passant un chiffon sur le comptoir.
— Exact, je m'appelle Virginia, mais tu peux m'appeller...
— Ouais, peu importe. Écoute, vu que l'autre blondasse est partie choisir vos glaces... je ne veux pas te faire peur ou quoi que ce soit, mais fais attention avec Lia.
Je suis prise de court par ces propos. Mon esprit tente vainement de déchiffrer le sens caché derrière ses paroles.
— Que veux-tu dire par là ?
La jeune vendeuse soupire, jette un regard furtif à Lia, toujours trop occupée à commander nos glaces, avant de répondre :
— Disons simplement que les apparences peuvent être trompeuses. Tout n'est pas aussi rose qu'il n'y paraît à Springton, et certaines personnes cachent bien leur jeu.
Les mots de Jessica résonnent encore dans mes oreilles, quand une ombre familière les interrompt. Lia, portant un plateau avec nos deux glaces, fait une entrée qu'on ne peut ignorer. Les deux filles se défient du regard, un éclair antagonique silencieux traverse l'espace entre elles. Cette hostilité non exprimée pèse sur moi, tel un coussin étouffant sur ma poitrine. J'ai l'impression d'être une souris coincée entre deux prédateurs. La froideur de mes doigts n'est rien comparée à l'atmosphère glaciale qui vient de s'installer. La mine joyeuse de Lia s'évanouit dans l'atmosphère pesante du salon de glace.
— Ah, Jessica, je vois que tu n'as pas perdu de temps pour faire connaissance avec Virginia.
— Pourquoi ne suis-je étonnée, Lia ? Tu attires toujours les nouveaux comme des aimants. Dois-je te rappeler comment on s'est rencontrées ?
— Oh, tu veux parler du passé ? D'accord. Tu as toujours eu cette fâcheuse tendance à te le remémorer, encore et encore. Mais tu vois, je préfère regarder devant, dit-elle en me fixant du regard. Et Virginia, c'est mon futur.
Mon Dieu, le malaise.
— Écoutez les filles, je ne veux pas être prise au milieu de... quoi que ce soit entre vous.
— Tu n'es pas "prise au milieu" de quelque chose. Je te mets simplement en garde. Lia n'est pas qui elle prétend être.
— Oh, Jess, répond Lia, un doux gloussement dans la voix. Toujours aussi drama queen. Ne l'écoute pas, Virgie. Elle a juste du mal à laisser certaines choses derrière elle.
— Certes, mais je sais reconnaître une erreur quand je la vois. Et je ne voudrais pas qu'une autre fille innocente comme Virginia la fasse.
Visiblement vexée par cette dernière remarque, Lia se rapproche de Jessica, puis, croyant probablement que je ne l'entendrai pas, lui lance à voix basse :
— Pourquoi ne pas retourner cirer ton putain de comptoir, Jess ? Avant que tu ne regrettes d'être venue me faire chier moi et ma nouvelle amie.
Jessica se met à sourire froidement. Avec ce rictus aux lèvres, elle me lance un dernier avertissement. Je ne sais quoi en penser.
— Peut-être à une autre fois, Lia. Virginia, prends soin de toi. Certaines amitiés semblent belles à première vue, mais elles cachent parfois des épines. Et elles sont venimeuses.
— Tss. La jalousie te va très bien au teint, Jessica.
— Rappelle-moi cela quand Virginia découvrira qui tu es vraiment. Bonne dégustation !
Sur ces mots, Jessica se retourne et s'éloigne. Je me retrouve à fixer Lia : mon esprit déborde de questions. Mais elle se contente de soupirer :
— Ne t'inquiète pas pour elle, m'assure-t-elle. Elle est toujours comme ça, un peu dramatique. Et si on allait s'asseoir pour manger nos délicieuses glaces ?
— Oui... allons-y ! je réponds, entre enthousiasme et retenue.
Lia et moi choisissons une table au fond, éloignée des autres clients. La salle est propice à l'intimité avec ses lumières tamisées, son ambiance feutrée. Une fois assises, je contemple ma glace un instant. Je cherche le bon moment pour aborder le sujet. Les événements récents m'ont un peu coupé l'appétit.
— Alors..., je commence en jouant nerveusement avec ma cuillère, ça semblait tendu entre toi et Jessica. C'est quoi l'histoire ?
Lia soupire, puis fixe un instant la table avant de me répondre.
— C'est une longue histoire, tu es sûre de vouloir l'entendre ?
Je hoche la tête, curieuse.
— Je sens bien que ça te fait chier, du coup je m'en délecte d'avance ! Je réponds malicieusement en savourant une cuillérée de ma crème glacée.
Lia prend une profonde inspiration, comme si elle se préparait à plonger dans un océan de souvenirs.
— Hmm, tu fais ta petite garce, hein ? J'aime ça ! Bon très bien. Pour te la faire très courte, Jessica et moi, on se connaît depuis toujours. Nos familles étaient super proches. Mais au lycée, les choses ont changé. Il y a eu des histoires de cœur, des rivalités, des secrets... On était les meilleures amies du monde, mais tout a basculé à cause d'une histoire de garçon.
— Sérieusement ? Pour un garçon ?
Lia aquiesçe, l'air triste.
— Ouais. C'était idiot, je sais. Mais à cet âge, les émotions sont intenses. Tout prend des proportions démesurées. On s'est déchirées, elle a raconté des choses sur moi, et moi sur elle. Depuis, on ne s'est jamais vraiment réconciliées.
Les traits fins et délicats de Lia, illuminés par son sourire contagieux, dissimulent une profondeur que je n'avais pas vue venir. Ses yeux, d'ordinaire pétillants d'espièglerie, trahissent à présent une mélancolie subtile, comme des fenêtres ouvertes sur une âme marquée par des épreuves. C'est comme si chaque cicatrice, chaque blessure invisible, chaque rire, chaque plaisanterie, chaque geste insouciant prenait soudain une nouvelle dimension à mes yeux. La complexité de son être se dévoile devant moi.
— On grandit, ai-je murmuré. Les choses changent.
Lia sourit faiblement.
— Oui, elles changent. Mais parfois, les souvenirs persistent.
Lia et moi sommes en train de terminer nos glaces, toujours plongées dans notre discussion. Soudain, j'entends des rires s'élever derrière nous. Je me retourne pour voir un groupe de jeunes s'avancer vers nous, leurs visages rayonnants de joie et d'enthousiasme. Chacun d'entre eux a une présence distincte, un charisme unique.
— Hey, Lia! Tu nous présentes ta nouvelle copine ? demande la mystérieuse blonde enjouée.
La première personne à nous rejoindre était une jeune fille pétillante aux longs cheveux blonds bouclés, aux yeux azur, au grand sourire. Elle est suivie d'une copine, les cheveux lisses ébène tombant en cascade jusqu'à ses épaules. Ses yeux, légèrement en amande, ont une teinte noisette élégante et charismatique. Le dernier, plus réservé, ressemble à un joueur de football avec sa peau sombre. Ses yeux scrutent les moindres détails.
— Virgie, voici mes vrais amis, dit Lia en désignant les nouveaux arrivants d'un signe de la main. Voici Rose, Taylor, Zach et Shaun.
Rose s'assoit à côté de moi. Elle m'accueille chaleureusement.
— Alors comme ça, tu es la nouvelle venue ? Springton peut être un peu soporifique, mais je suis sûre que tu vas t'y habituer.
Taylor, avec son charme indéniable, me lance un clin d'œil.
— T'inquiète pas ma belle, on prendra soin de toi. On va se faire plein de soirées pyjamas !
Zach, quant à lui, me propose de m'initier à ses jeux vidéos préférés, tandis que Shaun, bien que plus silencieux que les autres, semble tout de même amical. Il hoche la tête pour en signe de bienvenue. Il est évident qu'ils sont tous très proches les uns des autres. Leur complicité est palpable, leurs échanges taquins, espiègles. C'est un tableau d'amitié pure, sans jugement ni animosité.
— Alors, qu'est-ce que tu en penses ? murmure Lia à mon oreille, un sourire radieux sur le visage. C'est une sacrée équipe, n'est-ce pas ?
— Oui, vraiment, je réponds, un peu émerveillée.
Je ne peux m'empêcher de penser que peut-être, juste peut-être, tout se passera bien à Springton, malgré l'avertissement inquiétant de Jessica.
Le groupe s'assoit autour de nous, et bientôt, le salon de glace résonne de nos rires, de nos discussions animées. Les blagues foireuses de Rose, les taquineries de Taylor, les commentaires pétillants de Zach , ils sont tous super. Je n'aurais jamais imaginé trouver ma place aussi rapidement parmi des inconnus, mais ici, je me sens bien, comme si j'avais toujours fait partie de ce cercle.
Pourtant, alors que mon regard balaie le groupe, je suis frappée par l'intensité du regard de Shaun. Contrairement aux autres qui sont plongés dans la conversation, il semble perdu dans ses pensées, ses yeux rivés sur moi. Ce regard est différent de celui de Jessica plus tôt ; il est à la fois curieux et distant, avec une pointe d'insaisissable. Remarque, je le trouve plutôt mignon. Ses pommettes saillantes, ses lèvres pleines, et ses bras musclés visibles sous son t-shirt ajusté... Il est vraiment craquant. Un bref moment d'égarement s'empare de moi alors que mon esprit divague sur ses traits. Je me surprends à penser à ce que serait un rendez-vous avec lui, à imaginer sa voix murmurant à mon oreille..., je me secoue mentalement.
Ressaisis-toi Virgie !
J'essaie de retrouver mon calme, je me concentre sur la conversation générale et fais de mon mieux pour ignorer le regard insistant de Shaun. Mais une question demeure : que pense-t-il réellement de moi ?
Soudain, Taylor, qui remarque la tension entre Shaun et moi, décide de briser la glace. Avec son sourire espiègle, elle demande :
— Shaun, tu n'as rien à dire à notre nouvelle recrue ? Tu sembles bien silencieux ! Ou bien c'est parce que tu as craqué sur elle ?!
Shaun, pris au dépourvu, rougit légèrement, une teinte que je n'aurais jamais pensé voir sur son visage. Il cherche ses mots un instant avant de répondre :
— La ferme, Taylor ! Tu dis vraiment n'importe quoi ! Je... je suis juste surpris de voir quelqu'un de nouveau ici, c'est tout.
Lia lève un sourcil, visiblement amusée.
— Surpris ? Oh, ne sois pas si timide, grand gaillard ! Elle ne va pas te manger ! Cette fille c'est une crème, n'est-ce pas Virgie que t'es une crème ?
Je ris nerveusement, essayant de détendre l'atmosphère.
— Arrête de l'embêter, Lia. Je suis nouvelle en ville, alors c'est normal de ne pas me reconnaître. Je m'appelle Virginia, mais vous pouvez m'appeler Virgie.
Zach, avec son rire contagieux, ajoute :
— Eh bien, Virgie, bienvenue dans le groupe ! On est un peu fous, mais on ne mord pas, promis !
Je souris en réponse, rassurée par la chaleur de ces nouveaux amis. Cependant, je ne peux m'empêcher de remarquer que Shaun reste en retrait, pensif.
Plus tard dans la soirée, alors que la lueur des réverbères illumine les pavés humides de la ruelle, Shaun et moi sortons du glacier. Les effluves des parfums sucrés s'estompent derrière nous, remplacés par l'odeur de la pluie récente et de l'air frais du soir. Je peux entendre le lointain brouhaha de la ville, mêlé aux chants discrets des derniers oiseaux diurnes. Shaun, d'ordinaire si confiant, si assuré, semble étrangement hésitant. Ses épaules, droites et fières, se voûtent légèrement, il joue nerveusement avec les clés de sa voiture. Il lance quelques regards furtifs dans ma direction, ses yeux d'un vert profond, cherche les mots justes ou peut-être le courage de les prononcer. Je peux sentir la tension entre nous, une électricité qui n'était pas là plus tôt. L'instant s'étire, rendant chaque seconde plus pesante que la précédente. Finalement, il s'arrête et se tourne vers moi, ses yeux fixés sur les miens avec une intensité à laquelle je ne m'attendais pas.
— Hey, désolé pour tout à l'heure. Je ne voulais pas te mettre mal à l'aise, murmure-t-il.
Un peu surprise, je le regarde et réponds :
— Ce n'est rien, vraiment. T'inquiète.
— La prochaine fois, c'est moi qui paie ta glace.
— Hmm, ça me semble être un excellent compromis ! Surtout s'il n'y a que toi et moi. dis-je spontanément.
Mais à quoi tu joues, idiote ! Imagine s'il te repousse et...
— C'est d'accord, répond-t-il avec un grand sourire timide.
— Cool, dis-je soulagée.
Tout à coup, nos regards se croisent avec une tension indescriptible. Le monde autour s'efface, ne laissant place qu'à cet échange silencieux et captivant. Nous nous regardons dans le blanc des yeux, là où l'âme se dévoile et où les émotions les plus profondes se manifestent. L'air s'épaissit et rend chaque seconde lourde d'interrogations.
Il n'y a ni geste, ni mot. Juste ces regards qui en disent long. Mes paumes deviennent moites, ma respiration s'accélère. Est-ce que cela se voit ? Ressent-il ce courant électrique entre nous ? Chaque battement de mon cœur forme une douce mélodie qui vient briser le silence qui nous enveloppe. Est-ce du flirt ? Je me pose cette question tout le temps. Il y a quelque chose dans l'air, une étincelle que je n'ai jamais ressentie. Ses yeux, si expressifs, semblent chercher une réponse dans les miens, un signe, un consentement. Pourtant, tout est encore si confus, si nouveau. Je n'en suis pas vraiment sûre.
Mais alors, qu'est-ce qui se passe entre nous ? Sommes-nous simplement en train de partager un moment intime en tant qu'amis, ou bien est-ce le début d'une aventure passionnée ? Je cherche désespérément un signe, un geste ou un mot qui pourrait éclairer cette situation. Mais il n'y a rien, seulement cette tension palpable, cette attirance magnétique. Tout deviendra peut-être plus clair avec le temps. Pour l'instant, je me laisse porter par cette vague d'émotions, curieuse de voir où elle nous mènera. Soudain, une vibration dans ma poche droite me fait sursauter : l'écran lumineux de mon téléphone perce l'obscurité. Je jette un œil dessus et mon visage change d'expression en voyant tous les appels manqués de ma mère. Comment ai-je pu être si distraite ?
— Shaun, désolée, je dois répondre. C'est ma mère.
Je décroche le téléphone rapidement.
— Allô, mon bébé !! Tu as vu l'heure ?! Où es-tu ?
— Maman, relax. Je traîne avec mes nouveaux amis dans le centre-ville. J'arrive bientôt, promis !
— C'est vrai ?!
— Oui Maman ! Je te raconterai tout quand je rentre, je ne vais pas tarder là.
— Ok mon cœur ! On t'attend avec Papa ! Je t'aime fort mon bébé ! Rentre vite !
— Moi aussi je t'aime maman, dis-je en rougissant bêtement. J'arrive.
Il est temps pour moi de rentrer. Je suis un peu perdue dans cette nouvelle ville. Havenwoods Hills n'est pas très loin, mais je ne connais pas encore bien les rues de Springton. Je m'approche de Lia, qui discute avec Taylor et Shaun.
— Hey, Lia ? je dis en hésitant.
Elle se tourne vers moi, ses yeux scintillent.
— Oui, Virgie ?
— Tu pourrais me raccompagner chez moi ? Ma mère flippe comme pas possible et c'est un peu gênant, mais... j'ai peur de me perdre.
Un sourire en coin se forme sur le visage de Lia.
— Bien sûr ! De toute façon, je ne comptais pas te laisser rentrer toute seule !
Taylor glousse.
— Fais très attention, Virginia. Lia est une mauvaise conductrice.
Lia lui lance un regard faussement agacé.
— Oh, tais-toi, Taylor. J'ai juste... quelques petites erreurs de jugement.
Shaun rit doucement.
— Comme cette fois où tu as failli renverser le vieux Monsieur Thompson ?
— Ça, c'était une seule fois ! répond Lia en roulant des yeux. Et puis, je suis sûre que je lui aurais rendu service !
Je ris, soulagée de leur bonne humeur. Je commence à me sentir un peu plus à l'aise avec eux, même si l'avertissement de Jessica plane toujours dans un coin de mon esprit.
Lia attrape ses clés et son sac à main.
— Allons-y, Virginia. Avant que ces deux-là ne sortent tous mes dossiers classifiés.
Nous nous dirigeons vers sa voiture. Mais avant de m'installer, je jette un dernier regard vers Shaun, Taylor et Zach. J'espère que ma nouvelle vie à Springton sera aussi chaleureuse et accueillante que cette soirée. Je prends une profonde inspiration, en appréciant la fraîcheur de la nuit. Mais quelque part au fond de moi, je ne peux m'empêcher de ressentir un léger malaise. Une intuition, peut-être. Ou juste la peur de l'inconnu.
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