Pensionnat 2

5 minutes de lecture

Ludovic et le gardien entrèrent avant qu’elle puisse le signaler à Kouakou et Nadou referma la porte.

– Qu’est-ce qu’il lui a dit ? chuchota Kouakou à l’intention de Johanne. Ludovic se comporte comme s’il savait quelque chose que nous ignorons.

– En tout cas, il ne fait plus mine de vouloir partir.

Des claquements de main attirèrent leur attention du côté des escaliers. Un homme barbu était arrivé. Il avait des cheveux châtains parsemés de gris et sa barbe touffue s’ornait d’une moustache dont les pointes rebiquaient soigneusement vers le haut. Des cernes soulignaient ses yeux bruns, n’ôtant rien à l’air débonnaire qu’il dégageait.

– Bonsoir, jeunes recrues. Bienvenue dans votre nouvelle demeure et nouvelle vie. Je vous dois quelques explications sur notre pensionnat et vos futures fonctions. Avant tout, laissez-moi me présenter.

Étonnamment, il avait un accent du nord-est. Les accents régionaux se faisaient très rares, comme le déploraient les grands-parents de Johanne, et en croiser surprenait toujours la jeune fille. Elle associait accents à étranger.

– Je suis le codirecteur de cette académie. Le Docteur, mais appelez-moi Doki, comme oki doki  !

Un silence embarrassé s’installa. Nadou éclata de rire :

– Il faudra vous habituer à l’humour de Doki.

Il grimaça et secoua la main.

– Passons. J’assure la charge pédagogique de cet établissement et une partie de la recherche chimique. Nadou, ici présente…

Elle mima une révérence ancienne en soulevant un coin de sa jupe.

– …sera votre première interlocutrice pour tous les tracas du quotidien, elle saura vous apporter une oreille attentive et des solutions efficaces. Elle assurera également certains cours. Titi, derrière-vous…

Il désigna le gardien.

– …est notre garde-passage. Il gère les entrées et les sorties du pensionnat et s’assure que nous soyons en sécurité. Vous rencontrerez les autres enseignants et personnels plus tard.

Johanne jeta un œil sur le gardien habillé de sombre, jusqu'aux gants et au béret. Sous la lumière orange du hall, elle put enfin discerner les traits de son visage. Il était sec avec des os saillants. Une cicatrice nette traversait sa joue gauche de la pommette au menton, traçant une ligne claire dans sa barbe naissante. Il avait des yeux sombres sous d'épais sourcils.

– L’aile droite du manoir est dédiée aux lieux de vie, l’aile gauche aux classes et laboratoires, poursuivit le Dr. Pour accéder au parc, préférez la sortie derrière, vous passerez par là pour accéder à notre gymnase. Je me doute que vous devez être affamés et emplis de questions, cependant, nous devons vous faire faire un tour par l’infirmerie avant tout.


Dans le dortoir l'agitation convainquit Johanne de se lever. Elle descendit l'échelle en sautant les derniers échelons.

– Salut Rebecca !

La tête ébouriffée de sa voisine du lit du bas lui rendit un regard endormi. La répartition des lits s'était faite par affinité relative. Deux des filles du dortoir s'était déjà croisées en centre d'accueil, les autres s'étaient rapprochées de celles avec lesquelles elles avaient pu échanger deux-trois mots la veille.

– Pensez à prendre vos pilules  ! s'exclama Johanne en avalant la sienne.

Tous les nouveaux venus s'étaient vu remettre des comprimés à prendre durant leur première semaine d'acclimatation lors de leur visite à l'infirmerie. Ce dernier lieu n'abritait d'ailleurs aucune infirmière – ni infirmier, mais un médecin. Une dénommée Hamza, aux yeux de biche et à la tache de vin sur la mâchoire, qui les manœuvra avec fermeté. Même les râleurs comme la fille du car ou Ludovic ressortir apaisés de leur rencontre avec elle. Cela alla très vite avec Johanne dont le carnet de santé avait été tenu soigneusement à jour. Oui, elle avait fait le vaccin obligatoire une semaine avant, le tampon en attestait. Non, pas de soucis de santé. Une légère hypermétropie durant la prime enfance qui s'était estompée, une allergie aux piqûres de guêpe et un humérus ressoudé. Tout allait bien.

Kouakou en était ressortir un peu plus mitigé  : elle devait lui établir un régime alimentaire.

– Encore un, avait-il commenté d'un claquement de langue.

Johanne pouffa en se souvenant de la tête de son ami quand il la vit se diriger vers les dortoirs pour filles.

– Où vas-tu, Jo, c'est le dortoir des filles par-là !

– Ben oui, répondit-elle dans un premier temps sans comprendre son problème.

Ses yeux s'écarquillèrent encore plus.

– Tu es une fille ?

– Ben oui, répéta Johanne en éclatant de rire. À demain Kouakou  !

Elle s'habilla en riant de son air éberlué. Quand Rebecca lui demanda ce qu'il se passait, elle lui expliqua, tirant un gloussement de sa voisine de lit.

– Quand même, ça se voit  !

Johanne hocha les épaules.

– J'ai les cheveux courts, ça joue.

La râleuse de la veille reprit ses récriminations en pestant contre les volets fermés.

– Pourquoi on ne peut pas ouvrir ?

– Ils sont en réparation, soupira avec exaspération la blonde bien habillée.

Johanne acheva de s'habiller et quitta la chambre, suivi de Rebecca. Cette dernière avoua à mi-chemin qu'elle aurait préféré des chambres individuelles ou – à défaut – seulement à deux. Johanne n'eut pas le temps de répondre que son Amci sonna.

– Jo, rapplique dans l'entrée  ! somma la voix excitée de Kouakou au bout du fil.

Intriguée, elle s'exécuta.

Leur dortoir était au deuxième étage de l'aile droite. Johanne dévala les escaliers éclairés d'une lampe jaunâtre. Parvenue au premier étage, elle entendit des exclamations venant du rez-de-chaussée. Sa hâte crût et sur le palier donnant sur l'entrée, elle s'arrêta, ébahie, contre la rambarde. Derrière elle, Rebecca qui l'avait suivi poussa un cri aigu.

Un Andréide avachi sur un chariot trônait au pied de l'escalier. Cela ressemblait à un buste d'homme, disposant de multiples compartiments, surmonté d'une tête proche d'une grosse canette et de trois bras. Visiblement, la mécanique avait perdu le quatrième et le bas de son corps.

Tout autour, gravitaient les élèves du pensionnat. Les garçons des premières années étaient tous en bas. En comparant leur excitation à celle plus mâtinée de satisfaction de leurs aînés il était évident que les anciens pensionnaires savaient qu'on pouvait trouver de ces êtres mécaniques dans le pensionnat.

– As-tu vu, Jo  ? cria Kouakou. Un véritable Andréide désactivé  !

– Je vois, oui, j'arrive  !

Elle acheva sa course en quelques bonds, loupa une marche et se rattrapa de justesse à la rambarde.

– Ne te brise rien, gloussa Kouakou. Ludovic nous a tout dévoilé  : les héros qui ont arrêté l'attaque des Andréides hier viennent du pensionnat. Ce sont des élèves âgés et des enseignants. Ils ramenèrent cet exemplaire afin de l'étudier.

– Trop cool…

Johanne s'approcha, insensible à ses camarades et voulut palper l'Andréide, tirer sur un compartiment qui pendait pour voir l'intérieur. Un bras musclé la repoussa gentiment.

– On le touche avec les yeux, seulement.

Elle leva les yeux sur un homme dans la quarantaine, aux cheveux longs poivre et sel retenus en catogans. Johanne s'arrêta sur la barbe tressée et ornée d'une perle en bois. L'homme avait un sourire de grand enfant et un regard taquin.

– Tu es en première année, n'est-ce pas  ? Vas donc prendre ton petit-déjeuner, Fraise t'expliquera à votre cours de 9h.

Puis il se tourna vers le garde-passage.

– On range la bête, sinon ils vont sauter le repas  !

Titi opina et renvoya tout le monde d'un ton autoritaire.

Johanne et Kouakou rejoignirent Rebecca restée sur le palier. Elle fixait l'Andréide avec appréhension. Les trois nouveaux élèves suivirent leurs aînés vers le réfectoire, une grande salle lumineuse du premier étage.

– Les derniers arrivants ! salua Doki au bout de la pièce. Venez, nous avons des informations à vous transmettre avant d'entamer votre nouvelle journée de cours. Non, jeune fille, ne tire pas les rideaux !

La râleuse s'était précipitée aux fenêtres et ouvrit avec une telle violence le rideau de coton qu'elle l'arracha à moitié de la tringle. Regardant de son côté, Johanne ressentit une stupeur plus foudroyante qu'à la découverte de l'Andréide.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Cléo Didée ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0