VANA

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Vana

 

Hoc fait mentalement ses comptes. Il se retourne brusquement. Quelque chose pèse sur ses épaules. On l’observe. Sur la décharge, ce n’est jamais une bonne chose d’être observé. La convoitise est partout. Surtout quand on tient par la queue une proie de bonne taille fraîchement capturée. Il scrute l’horizon en plissant les yeux, aperçoit la silhouette chétive de Vana, ombre grise qui se détache du ciel gris sur la crête opposée. Légèrement penché sur le côté, il s’appuie sur le bâton qui lui sert de canne, pour soulager sa jambe malade. Il fait un signe amical. Hoc répond en exhibant le ravak. Il se détend. Vana est son ami. Tous deux dévalent la pente en même temps pour se rejoindre en bas. Hoc est le plus rapide. Il regarde l’autre qui glisse en claudiquant sur le sol spongieux le regard brillant de fierté.

- Tu as attrapé un ravak ?

- Oui, et un gros, regarde !

Le jeune chasseur tend fièrement sa prise vers le gamin maigrelet qui peine à reprendre son souffle. Vana repose son poids sur la jambe droite. La gauche est plus maigre. C’est elle qui le fait boiter. Beaucoup d’enfants de la décharge boitent. Personne ne sait pourquoi, ni ce qu’il faut faire. C'est comme çà. On ne pose pas de questions sur la décharge. Il est habillé d’un pantalon gris déchiré sur le côté et remonté jusqu'aux genoux, d’une chemise à carreaux trop grande pour lui. Hoc l’a toujours connu habillé ainsi. Il le reconnait de loin. Ses vêtements sont sales mais personne ne fait attention à ces détails. Ses cheveux bruns jaillissent en tous sens et tombent en broussaille sur ses yeux. Il lève le front pour voir son ami au travers des mèches hirsutes. Sa peau est étonnamment pâle, et ses traits sont restés ceux d’un enfant. Il affiche un sourire immense. Vana est un grand admirateur de Hoc.

- Tu es fort, Hoc. On ne voit plus beaucoup de ravaks par ici.

L'animal pendouille tristement jusqu’au sol.

- Je l’ai repéré de loin.

Son ami s’est penché et triture la mâchoire de l'animal pour apercevoir ses dents.

- Que fais tu là de si bonne heure ? dit Hoc. J’ai entendu monter la noria. Tu ne vas pas fouiller ? Tu n’auras rien à ramener chez toi.

Vana secoue la tête. Son regard, sans émotion, s'est couvert d'un voile humide.

- Mon père ne veut pas. Il est rentré tard cette nuit. Saoul comme un préfet. Il m’a donné des coups. J’ai passé la nuit dehors.

- Tes frères avec toi ?

Vana hausse les épaules. Il n’a pas envie de répondre.

- Qu’est ce que tu vas manger aujourd’hui si tu ne rapportes rien ?

Hoc sait bien que si Vana ne va pas fouiller derrière la noria, il n’aura pas de riz. Son ami approche sa main de la queue du ravak. Son doigt la suit jusqu'à la pointe. Comme pour s'assurer de sa longueur démesurée pour un aussi petit animal.

- Attention à son dard. Tu sais qu’il est venimeux.

La remarque fait sourire le gamin. Il n’a pas oublié ce qu’est qu’un ravak. Même si lui n’a jamais été capable d’en attraper.

- Donne-moi sa queue, Hoc.

- Non, sans queue, on me donnera moins de riels. 

- Et toi, tu ne vas pas voir les camions aujourd’hui ? rétorque Vana sans quitter l’animal des yeux.

Hoc prend un air sérieux. Comme font les grandes personnes quand elles parlent.

- Non, Je vais vendre ma prise sur le marché à la viande. Avec ce que je vais en tirer, je pourrai manger pendant deux ou trois jours. Après, peut-être je viendrai.

- Tu es un grand chasseur, Hoc.

- Il y a de moins en moins de bêtes à chasser.

- Fais attention à pas te faire voler sur le marché. Les marchands sont des bandits.

C’est à Hoc de hausser les épaules. Les marchands, il les connaît bien. Ils ne font pas de cadeaux. Ils sont coriaces quand il faut négocier. Mais ils ne lui font pas peur. Il lui arrive même parfois de les gruger.

- La dernière fois que j’ai attrapé un ravak, c’était il y a trois lunes. Je l’avais coursé pendant une bonne heure. Pour celui-ci j'ai eu plus de chance. Il a du se perdre. Sinon, j’aurais déniché son terrier, et j'aurais attrapé toute la famille.

- Tu es un grand chasseur Hoc.

Hoc pose sa main sur l’épaule de son ami. Il a pris un air protecteur. C’est le moment de reprendre sa route. Sur la décharge, les mots sont précieux, et le temps a de l'importance. Rater le bon moment peut coûter cher. Il fait quelques pas, puis se retourne.

- Si tu n’as rien à manger, passe me voir.


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