Samedi 21 juillet 2018 (2)

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En arrivant, Geneviève constate que la scientifique est déjà sur le pied de guerre. Elle n’a aucune difficulté pour repérer la maison déjà largement entourée de rubalises.

Rapide, se dit-elle.

C’est Wolff qu’elle voit en premier et elle est un peu surprise de trouver Thomas, mais après tout il faut bien qu’il s’y mette. Bon, visiblement, vu sa pâleur…

— Qu’est-ce qu’on a ?

— Homicide ! Un peu gore quand même ! Le légiste est là. Le lieutenant est à l’intérieur avec la scientifique.

— Ça va aller ? dit-elle en désignant Thomas d’un signe de la tête.

Depuis son arrivée au commissariat, Laura avait un peu pris Thomas sous son aile et elle le coachait discrètement. Elle le trouvait touchant, car encore plein de naïveté face à son nouveau métier. Instinctivement elle a adopté la position de la grande sœur. Dans le cas présent, un petit débriefing ne sera pas inutile.

— Il a vu la scène, continue le brigadier-chef Wolff, il faut bien commencer un jour. C’est la sœur qui a trouvé le corps ce matin. Ils devaient aller voir leur mère. Comme ça ne répondait pas et que la porte n’était pas fermée, elle est entrée, quoi.

— OK, j’y vais !

Geneviève doit se plier au rituel de la combinaison, chausson, etc. La maison est une fourmilière. On y est vite à l’étroit, car elle n’est pas grande, surtout l’entrée qui n’est pas large et prolongée par un couloir tout aussi exigu. De toute évidence, ça s’est passé dans la cuisine, première pièce à droite. Elle en a déjà vu d’autres, là, il y a quand même pas mal de sang. Par expérience, elle comprend bien que la victime n’a pas reçu un seul coup de couteau. Le légiste reconnaît la commandante et vient tout de suite vers elle pour lui faire part de ses premières constatations.

— Bien ! Pas de difficulté, un coup à la gorge qui n’a pas été immédiatement fatal. Ensuite le meurtrier s’est acharné sur le thorax et je pense qu’il y a un ou deux coups répétés post mortem, une décharge de violence certaine. Ça a dû se passer hier au soir ou en début de nuit, à préciser avec l’autopsie. Le cadavre est en cours de rigidité. Le couteau était sous la table, visiblement le meurtrier n’a pas cherché à effacer les indices. On devrait avoir facilement des empreintes et l’ADN. Voilà, si vous n’avez plus besoin de mes services, je vous laisse, dès que vous aurez fini, on enlève le corps.

Geneviève regarde sans trop bouger, elle s’imprègne de la scène en essayant de mémoriser le maximum de détails.

— Deux canettes entamées, ils ont bu ensemble avant. Ce n’est pas banal : préméditation, traquenard ?

Sébastien vient vers elle.

— Bonjour, madame, désolé pour l’appel, mais, vous voyez…, finit-il avec un large geste pour désigner la scène.

— Il n’y avait pas le choix, évidemment. Je suppose que tu as déjà eu le proc ?

— Oui, il attend votre appel.

À cet instant, un jeune homme de la scientifique vient vers eux.

— Madame la commandante, je suis le brigadier Maxime Tardy, je suis morphoanalyste, spécialiste des projections de sang. Je peux vous expliquer le déroulé du meurtre, c’est assez simple.

— Volontiers, voyons ça. Mais dites-moi, c’est nouveau ça, un spécialiste morphoanalyste à la scientifique ?

— Effectivement, je suis le premier sur le département et même en Alsace, je crois, dit-il, non sans une petite pointe de fierté. Alors voilà, le premier coup a été porté là, à gauche, c’est d’ailleurs à cet endroit que sont accrochés les couteaux. Un seul coup à la gorge, par un droitier sans doute. Vous voyez un coup comme ça, de gauche à droite.

Il mime le geste.

— La blessure est au niveau de la jugulaire, à droite du cou, mais elle n’a pas provoqué la mort immédiate. L’homme s’est reculé en s’appuyant contre le plan de travail, on observe les traces des mains tout le long et les projections de sang sur le plan de travail et la table. Il a reçu plusieurs coups pendant ce temps-là en plein thorax. Il s’est effondré là, en bout de course, et est mort rapidement. Et je rejoins le légiste, il semble y avoir eu au moins un coup donné post-mortem. Le meurtrier a marché dans le sang, il y a des traces de pas ici, finit-il en montrant le sol. Et on devine un départ précipité.

— Merci brigadier, très intéressant et utile. Pour les traces de pas qu’en est-il ?

— Des baskets, pointure quarante.

— De nos jours, tout le monde porte des baskets.

— Oui, mais peut-être pourra-t-on vous donner quelques précisions.

Sébastien, qui s’était absenté, revient en tenant un petit sachet

— On a trouvé ça, juste sous la porte de la cuisine, dit-il sans triomphalisme, mais avec quand même un peu de satisfaction, et il tend le sachet avec une boucle d’oreille ; Geneviève la regarde avec attention, une émeraude sertie dans un support or (plaqué ?) avec des brillants (diamants ?).

— On dirait un bijou ancien. Le fermoir est ouvert. Il y avait donc une femme, à moins que ce ne soit antérieur. C’est une belle prise, bien plus intéressante que des empreintes de basket.

— Et ce n’est pas tout ! venez voir ce que l’on a trouvé dans le grand placard du couloir.

Elle le suit. Une technicienne étale toutes sortes d’objets au fur et à mesure qu’elle les découvre. Il y a là quelques tablettes, deux sacs d’une marque de luxe ainsi que des vêtements.

— Eh bien ! s’exclame la spécialiste. Et elle sort un grand sachet plastique rempli de bijoux et de billets.

— Clairement, on est là face à du recel, dit Geneviève.

— Oui et je crois savoir d’où ça vient, dit Sébastian qui exhibe un badge :

Jean Studler

Service des bagages

Aéroport Bâle-Mulhouse

— Eh bien, voilà que notre enquête prend de l’ampleur : ce monsieur serait donc impliqué dans un trafic à l’aéroport ? On peut supposer qu’il y a un problème de vol dans les bagages. Il va falloir contacter la BGTA. On a du grain à moudre avec tout ça.

Geneviève essaie de rassembler les morceaux du puzzle.

— Ça part dans tous les sens cette histoire. Ne pas oublier qu’il y aurait, peut-être, une femme impliquée, et le crime serait lié au vol à l’aéroport ? Mais alors pourquoi on retrouve tout ici, ça semble ne pas avoir été touché. Et puis, la victime et le ou la criminel (le) qui boivent ensemble avant que ça ne se termine mal ? Le départ précipité irait dans le sens d’une rencontre qui a mal tourné, sans doute suite à un différend. C’est flou, c’est irrationnel...

Perdue dans ses réflexions, elle n’a pas vu un technicien qui attend pour enlever les deux canettes, elle lui fait un léger signe pour lui dire que c’est OK, puis elle rejoint Wolff dehors.

— Vous en savez un peu plus sur la victime ?

— Jean Studler, 54 ans, célibataire. J’ai un peu discuté avec les personnes présentes et c’est un homme assez effacé, voisin sans histoire qui vit discrètement. Peu de visites, des collègues il semble, excepté sa sœur qui vient souvent, pas de fiesta, une vie tranquille en somme.

— Pas de connaissances féminines ?

— Je poserai plus précisément la question, mais personne n’en a parlé. J’ai envoyé Laura faire l’enquête de voisinage avec Thomas, ça le met dans le bain de la routine, quoi.

— Un homme tranquille, oui, mais qui cachait bien son jeu. Encore qu’il n’y ait rien de plus efficace pour mener un trafic que la discrétion. On va voir ce qu’en dit la sœur.

— Pour l’instant le SAMU l’a embarquée. De toute façon, elle est trop choquée pour répondre aux questions.

— Je repasse chez moi, je vais quand même changer de tenue, fini le camouflage. On se retrouve tous au poste pour 14 heures. J’appellerai le proc lorsqu’on aura fait le point. Il nous reste peu de temps, mais faites tous, une pause, car la journée n’est pas finie.

— OK, cheffe.

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