Samedi 21 juillet 2018
Léontine Holder profite de la fraîcheur encore palpable de ce début de matinée pour sortir, car, même si le Hohwald est à 700 mètres d’altitude, la commune n’échappe pas aux fortes chaleurs. Les quatre-vingt-deux ans de Léontine ne l’aident pas à monter cette rue principale qui est bien raide. Elle se dirige vers la maison de son ancienne amie, Agathe Engel, décédée en début d’année et qui lui a laissé un grand vide.
Leur amitié s’est nouée dès l’arrivée d’Agathe, en deux mille trois, à la mort de son mari. La maison est un héritage de celui-ci, et Agathe s’y est tout de suite plu. Elle s’est installée avec sa petite fille, Cathy, qu’elle a adoptée. Très vite les deux amies sont devenues inséparables. Au fil des années, Léontine a découvert les problèmes familiaux d’Agathe. Elle avait un fils parti aux États-Unis qu’elle ne voyait plus, mais surtout, elle était très inquiète au sujet de sa fille Martine qui présentait des troubles psychologiques évidents. Elle décédera quelques années après. Agathe lui racontera les grosses difficultés relationnelles de sa fille, irresponsable, qui s’était mise en couple avec un homme violent. Hélas pour elle, Cathy était née dans ce cercle familial infernal. Même s’ils n’étaient pas mariés, le père avait quand même reconnu l’enfant. Et la pauvre Cathy a subi les pires sévices sous le joug de ce père violeur. Il a fallu un drame pour qu’Agathe puisse récupérer Cathy et, enfin, lui donner une vie équilibrée. Cela ne se fit pas sans mal. Léontine fut souvent témoin des accès de violence spectaculaires de Cathy. Grâce à l’extrême patience et l’amour de sa grand-mère, ceux-ci se firent plus rares et moins forts. Malgré tout, la scolarité resta chaotique et ce fut vraiment avec un grand soulagement que les deux femmes virent Cathy trouver un travail stable. Mais, hélas, tout cela faillit être anéanti lors de la mort d’Agathe. Celle-ci, avant de mourir, avait demandé à Léontine de s’occuper de Cathy pour qui elle était une vraie seconde grand-mère. Après quelques mois de vives inquiétudes, Cathy sembla retrouver un certain équilibre sous la houlette de Léontine.
Elle s’occupe d’elle au mieux et, aujourd’hui, comme presque chaque jour, elle apporte quelques plats cuisinés par ses soins. Cathy a beaucoup de mal à gérer les contraintes quotidiennes. Elle arrive à se faire à manger, mais sommairement, en allant au plus simple, comme des plats de pâtes. Elle en engloutit de grandes quantités, car elle a toujours montré un très grand appétit sans que cela ne perturbe sa silhouette. Le ménage est fait à la va comme je te pousse, quant à la lessive c’est quand même Léontine qui s’en occupe. Elle n’a pas encore réussi à convaincre Cathy d’investir dans une machine à laver. Elle n’a procédé à aucun aménagement dans la maison de sa grand-mère. Elle vit dans les vieux meubles. La notion même de décoration semble la dépasser. Elle a hérité d’une vraie fortune, mais n’y prête aucunement la moindre importance. Léontine est devenue la tutrice, elle gère ses biens au mieux avec l’étude de maître Burr à Sélestat. Cathy a de petits besoins ; elle n’achète quasiment que des tenues de sport, mais de marque et de qualité ; quand elle veut, elle sait avoir bon goût. Seule « extravagance », la musique qu’elle écoute régulièrement grâce à un baladeur. Il y a une belle télévision achetée par Agathe, mais Léontine ne pense pas que Cathy soit assidue.
Une fois dans la maison, Léontine essaie de faire un peu de ménage et de rangement. Parfois elle trouve un capharnaüm inquiétant ou des objets jetés à terre.
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