Dimanche 22 juillet 2018

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La matinée (grasse) a été tendre et câline pour Geneviève et Bernard.

Quand on dit que le sexe, ça se bonifie avec l’âge, eh bien, c’est vrai, pense Bernard.

Il profite de ces trop rares moments délicieux où Geneviève somnole au creux de son épaule. Il adore se perdre dans sa chevelure. Depuis qu’ils sont venus ici à Saint-Louis, on peut dire qu’ils vivent une deuxième lune de miel qui s’éternise. Leur amour se renforce année après année. Ils sont devenus fusionnels au lit où leurs deux corps doivent toujours rester en contact, que ce soit de la main, d’un bout de fesse ou d’un orteil. On néglige trop souvent la sensualité qu’il peut y avoir dans le toucher d’un orteil ! Du coup, le large lit n’est généralement occupé qu’aux deux tiers pour la plus grande joie de la chatte qui prolonge ses siestes diurnes par de longues nuits confortablement installée sur la couette.

Et puis les enfants à dîner tout à l’heure, ça va être une belle journée, se dit Bernard. C’est bien ce qui le pousse, en douceur, à faire sortir Geneviève de sa torpeur. Il lui caresse les cheveux, mais Geneviève n’émet qu’un léger grognement. Elle aussi se sent tellement bien là qu’elle voudrait que ça s’éternise. Finalement, Bernard arrive à s’extirper du lit.

Si la cuisine est son fief, la décoration de la table est la prérogative de Geneviève. C’est non négociable. Ce qui convient parfaitement à celui-ci : la déco avec les fleurs, les babioles diverses et variées à répartir entre les couverts, le pliage artistique des serviettes, bref ! tout ça le gonfle.

Geneviève finit sa décoration de table en disposant en face de chaque assiette, une figurine en chocolat. Oh ! elle en a bien ingurgité une ou deux, mais sans mauvaise conscience. Chloé arrive un peu en avance. Elle est rayonnante dans une belle petite robe légère qui met très bien sa silhouette gracile en évidence.

— Oh, toi, si tu n’étais pas ma fille ! déclare Bernard en l’enlaçant tendrement.

— Mais enfin papa ! répond-elle avec une fausse indignation.

— En tout cas, ton musicien ne sait pas la chance qu’il a.

— Ça, c’est sûr, soupire Geneviève, en l’embrassant à son tour.

— Maman ! dit Chloé en levant le doigt, mais elles n’ont pas le temps d’aller plus loin, car Julien arrive.

Son père le prend dans ses bras, même si son fils le dépasse d’une large tête.

— Salut, mon grand, alors tu vas ?

— Au poil.

— Il semble aller mieux, pense Geneviève.

— Hum ! cette petite barbe de trois jours te rend diablement romantique, mon fils, et séduisant !

— Je confirme, répond sa sœur.

Il se remettait seulement d’une terrible tempête sentimentale. Il y a quelques mois encore, il vivait le parfait amour avec Julie, au point qu’il commençait à être question de concrétiser tout cela. Puis, brutalement, sans explication, la jeune fille avait rompu, laissant un Julien, au cœur tendre, dévasté. Depuis un mois ou deux, il remontait tant bien que mal la pente.

La famille n’avait pas caché son inquiétude. Chloé s’est le plus impliquée, pas question de laisser son grand frère dans cet état.

— Bon ! Allez-vous installer, j’apporte l’apéro, et toi aussi ma belle, dit Bernard en donnant une tape sur les fesses de Geneviève.

— Ça a l’air d’aller vous deux, on dirait ? souffle Julien à sa mère qui pique un petit fard.

— Vin de noix fait maison, dit Bernard en exhibant fièrement sa bouteille.

— Ah ! et vous savez qu’il faut des noix vertes ; alors après les avoir décortiquées on a les doigts tout noirs, rajoute Geneviève.

— Peut-être, mais c’est bon, conclut Bernard en servant tout le monde. Et piochez, fait-il, en montrant un petit plat rempli d’amuse-gueule piqués avec des cure-dents.

— Alors mon grand, dit Geneviève, tout va bien à Obernai ?

— Parfait ! On a du boulot, je vais avoir une personne pour m’aider, mais il faudra que je la forme.

— Et pour le reste, ça va aussi ? avance Geneviève avec prudence pour ne pas avoir l’air d’insister.

— Mais oui, répond Julien qui comprend très bien où elle veut en venir. Je retrouve plus souvent mes potes maintenant. On est allé voir Vianney au Zenith, c’était super.

— Eh oui, je regrette toujours de ne pas avoir pu venir, soupire Chloé.

Bernard reste un peu en dehors de la conversation. Il se trémousse dans son canapé. il avance le plat.

— Alors ? prenez ces petites entrées.

Chloé s’exécute.

— Hum c’est bon, mais c’est quoi ?

Bernard se redresse, satisfait de son petit effet.

Geneviève est toujours amusée de le voir ainsi retrouver un comportement de gamin lorsqu’il est content de lui.

— Ah surprise ! faut deviner.

— Je ne peux rien dire moi, j’ai vu la préparation, dit Geneviève.

Julien goûte à son tour.

— Ben oui, tout simple, mais bon, ce sont des grains de raisins entourés de fromage de chèvre et ça sent bon la pistache.

— Exactement, dit Bernard.

Le plat est déjà vide.

— Allez ! À table.

Bernard revient avec des bols.

— Soupe froide de courgette à la crème.

— Surprenant, mais délicieux au final, dit Chloé.

— Quand on se rappelle la galère pour te faire prendre de la soupe quand tu étais gamine, s’esclaffe Geneviève.

Bernard apporte ensuite le plat principal.

— Pintade aux pêches et au riz.

— Mais non, décidément papa tu t’améliores de plus en plus, dit Chloé.

— C’est justement ce que je pensais ce matin.

Geneviève regarde au plafond avec un air gêné. Julien qui a compris fait un clin d’œil à sa mère.

— C’est chouette de les voir complices comme ça, maintenant.

— Et avec ça, un p’tit Riesling Louis Sipp, dit-il en servant copieusement.

Comme dessert, Bernard apporte un Sachertorte à la finition impeccable.

— C’est tellement beau que l’on hésite à le toucher, dit Chloé.

— Oh que si ! reprend Geneviève qui ne peut résister, et elle entame joyeusement l’œuvre d’art.

— Comme café, ce sera du Lekampti, un moka éthiopien. Rien qu’à l’odeur vous êtes transportés sur les hauts plateaux africains, quant au goût, humm, il vous reste en bouche pendant plus d’une heure, pas d’amertume, du velours, finit Bernard, les yeux fermés et avec un geste évocateur.

Tout le monde est amusé par le speech, ils connaissent bien sa passion pour ce breuvage. Cela fait bientôt 10 ans qu’il a découvert cet univers complexe. Il s’y est investi totalement et, en parlant d’investissement, il a commencé par acheter une « Jura », la Rolls des cafetières, car, bien entendu, il est impensable d’acheter le café autrement qu’en grain. Il va chez un torréfacteur attitré et est devenu l’un de ses meilleurs clients. Il a droit, entre autres, à la primeur des nouveautés. Et surtout, pas de sucre, malheur ! c’est un sacrilège.

Il apporte les tasses presque avec dévotion. Effectivement l’arôme ravit tout de suite les narines.

— Heu, moi je prendrais bien un demi-sucre, ose dire Chloé tout doucement.

Le regard de Bernard en dit long.

— Tu remarques que j’ai fait du progrès, avant c’était un sucre, argumente-t-elle.

— Eh bien aujourd’hui tu vas franchir une nouvelle étape. Je te l’ai fait moins fort, alors essaie comme ça.

Chloé s’exécute précautionneusement. Elle semble surprise.

— Mouais, ça passe, c’est vrai.

— Moi, ça me donne envie de reprendre du gâteau, dit Geneviève en joignant le geste à la parole.

Le repas se déroule dans la bonne humeur… jusque-là.

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