Mardi 14 août 2018

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Geneviève rejoint le poste ce matin, en pleine forme, après un superbe week-end prolongé à Venise et, bien sûr, un Bernard au mieux de sa forme. Il avait semé plein de petites surprises tout le long de ces quelques jours : balades en gondole, soirée super romantique à la terrasse d’un magnifique restaurant, et puis le reste…

Autant dire que c’est la douche froide lorsqu’elle apprend les nouvelles :

— Et moi qui avais la conscience tranquille, vu le calme qui régnait. Et puis c’est de ma faute, j’avais un mauvais pressentiment, j’aurais dû le forcer à s’arrêter et… je ne sais pas, moi, voir un psy ! finit-elle en levant les bras, se sentant totalement démunie face à ce drame.

Elle engloutit coup sur coup quelques morceaux de chocolat, signe d’une grande tension.

— Donc Wolff et Laura sont à l’hosto ? OK, je vais voir Zimmermann.

Elle profite du trajet pour recouvrer son calme et une certaine sérénité. « Je reste zen. » En arrivant devant l’immeuble, elle se dit que du point de vue logement, ils étaient pourtant bien tombés. Mais il est vrai que c’est loin de suffire pour trouver le bonheur. Elle sonne et n’entend rien dans un premier temps. Une petite frayeur devant ce silence.  

J’espère qu’il n’est pas sorti !

Et puis non, un bruit se fait entendre, une sorte de raclement suivi de frottements. Elle comprend qu’il regarde par le judas et se met bien en évidence. Zimmermann ouvre précipitamment. Il est très impressionné de voir sa supérieure se déplacer ainsi. Il est en tenue négligée avec une barbe de quarante-huit heures.

— Ah patronne… cheffe… j’suis désolé… j’ai déconné.

— On dirait, oui ! dit Geneviève qui remarque la tache de sang au pied du meuble.

— Bruno, pour le moment il n’y a encore rien d’officiel, mais vous nous foutez dans la panade.

Elle doit faire un effort pour rester calme. Son énervement se devine quand même. Zimmermann se recroqueville encore plus. Il se rassoit, tel un écolier réprimandé par sa maîtresse.

— Tout dépend de l’état de votre femme. Donc en attendant vous ne sortez pas et vous ne parlez à personne. Au moindre écart, on ne pourra plus rien pour vous. Compris ?

Elle lui explique encore quelques points de procédure qu’il est censé connaître, mais, au moins, ça lui fera assez peur pour qu’il se tienne à carreau. Bruno ne dit plus rien. Elle lui demande s’il a bien compris, il hoche la tête. Elle se dirige vers la porte et se retourne.

— Et vous arrêtez de boire.

Bon, un vœu pieux, sans doute. 

Elle se retient pour ne pas claquer la porte.

— Mission accomplie, je crois que ce coup-ci je lui ai assez foutu la trouille.

Jean et Laura attendent déjà depuis cinq minutes. L’infirmière n’a rien voulu leur dire. Ils ont bien conscience que c’est maintenant que les choses sérieuses vont se présenter. Le médecin arrive avec une mine assez avenante, c’est bon signe. Il explique la situation avec brièveté.

— Le scanner est bon, il y a un hématome sous-dural, mais sans trop de dégâts, il n’est pas très grand. Pas de compression cérébrale. Elle devrait s’en sortir sans aucune séquelle.

Les deux policiers respirent et, d’un seul coup, sentent une chape de plomb disparaître. Jean remercie le médecin avec empressement, il n’en demandait pas tant. Il leur précise que, pour le moment, elle est plongée dans un coma artificiel encore pour quarante-huit heures. Ils peuvent repasser dans trois jours, elle devrait être consciente. Jean annonce la bonne nouvelle à Marc Zimmermann en lui précisant qu’il pourra venir voir sa mère demain, mais qu’elle sera encore dans le coma. Puis, il appelle Bruno.

— Ah Verdàmmi !… j’sais pas quoi dire. Il faut que je la voie, je dois lui demander pardon.

— Tu ne fais rien du tout pour le moment et surtout tu ne bouges pas. On verra ça plus tard et, de toute façon, ce sera avec nous, compris ?

De retour au poste, Geneviève regroupe Sébastien, Jean et Laura. Elle leur explique qu’il faut être au côté de Laurette à son réveil pour l’accompagner. Il ne faut surtout pas qu’elle soit seule. Il faut épauler le couple, avec leur fils, pour que cet « incident » se règle à l’amiable et au mieux pour eux deux. Personne n’aurait rien à gagner à entamer une procédure conflictuelle.

— On devrait arriver à la dissuader de porter plainte, dit Jean. Marc vient demain, on va l’accompagner à l’hosto, ensuite, on ira voir son père, quoi !

Le lendemain, Marc Zimmermann est là à la première heure, et salue chaleureusement Jean Wolff.

— Merci, Jean pour tout ce que tu fais, j’ai bien compris que le paternel s’est mis dans une sacrée merde.

— Eh oui, c’est pour ça qu’on va d’abord aller voir ta mère et ensuite on ira chez toi, OK ?

En route pour l’hôpital, Jean lui donne des compléments d’information pour achever de le rassurer. Ils retrouvent la même infirmière qui les accompagne. Elle précise que seul Marc, qui est de la famille, peut entrer dans la chambre, mais pas plus de cinq minutes. Sa mère est inerte, avec une impressionnante machine d’intubation. Marc a les larmes aux yeux et lui serre la main. Le médecin revient voir Jean et Laura pour leur confirmer le bon pronostic. Marc ressort de la chambre un peu groggy.

— Prêt pour aller voir ton père ?

Il fait juste un signe de la tête, mais il ne peut évacuer une appréhension. Que les choses ont changé depuis son départ ! Il prend une profonde inspiration lorsque Jean sonne à la porte. Bruno Zimmermann serre son fils en sanglotant. Les explications se mélangent aux excuses, le tout entrecoupé de reniflements. Marc a mal de voir son père dans cet état. Il ne le reconnaît plus. Lui qu’il admirait, étant gamin, pour son engagement dans la police ! Il incarnait l’homme courageux. Quel gâchis !

— Arrête, papa, arrête ! C’est fait, on ne revient pas là-dessus, mais maintenant il faut qu’on s’occupe de vous.

— Oui, tu peux compter sur nous, dit Jean. Bon on va vous laisser tous les deux, on revient te prendre vers quelle heure, Marc ?

— Je vais manger avec lui, donc deux heures ?

— OK, écoute Bruno, on ira voir Laurette à son réveil, peut-être demain, et on va discuter, si on peut, avec elle. C’est seulement si elle donne son accord que l’on pourra t’emmener la voir, quoi.

Bruno Zimmermann hoche juste la tête.

.

En fait, ce sera quarante-huit heures qu’il faudra attendre pour que Jean et Laura puissent avoir le feu vert du médecin. Ils entrent discrètement dans la chambre et s’assoient à côté du lit, Laurette a les yeux fermés.

— Bonjour, Laurette, comment tu te sens ? demande Jean.

Elle ouvre doucement les yeux et les regarde sans rien dire.

— Tu te rappelles de ce qui s’est passé ?

— Pas grand-chose, répond-elle enfin d’une voix faible.

— Vous avez eu une dispute avec Bruno, ensuite c’est confus. Il dit t’avoir poussée, et tu serais tombée en touchant le meuble avec la tête. Alors il était perdu, il nous a appelés.

— Je n’sais pas, je me souviens de la dispute, mais comme presque tous les jours. Je voulais partir. De toute façon, avec lui, tout va de travers…

Elle semble ne pas avoir la force de continuer.

— Écoute, il a compris maintenant et on va vous aider à régler ça. Je vais appeler Marc pour qu’il vienne te voir dès que possible, cet après-midi, je pense. En attendant, repose-toi, on en reparle.

Une fois dans le couloir, Jean appelle Marc Zimmermann.

— Salut, Marc, écoute, elle va bien et elle est réveillée, mais fatiguée bien sûr. Tu peux venir la voir. Maintenant, on vous laisse en famille. Je pense qu’il faut vous retrouver et régler tout ça, on est là, au cas où.

— Merci pour tout, Jean, oui, je crois, ça va aller, j’ai réfléchi et, en attendant, je vais la prendre chez moi.

— C’est une très bonne idée, à bientôt.

— Je ne pense pas qu’elle portera plainte, maintenant on peut les laisser, mais on garde Bruno à l’œil.

— Ça, c’est sûr, répond Laura.

Le reste de l’été se passera sans éléments nouveaux, les congés des uns et des autres laissent l’enquête en suspens. Lefebvre arrive à joindre le bijoutier de Mulhouse à son retour de vacances. Celui-ci lui avoue son échec et admet que cela va être plus compliqué que prévu. Laurette Zimmermann n’a pas porté plainte et, finalement, il se confirme que Bruno ne l’avait pas touchée, elle était tombée en arrière. Pour le moment, elle est toujours chez son fils. Geneviève a imposé à Bruno de prendre tout d’abord des congés et, ensuite, de se mettre en maladie et de ne revenir au poste que lorsque tout serait enfin réglé.

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