Samedi 22 septembre 2018

3 minutes de lecture

Léontine fait un signe de la main en voyant Cathy s’éloigner pour son footing. En ce début d’après-midi de septembre, le ciel est plutôt plombé au-dessus de la forêt vosgienne, mais le soleil perce par instants. Les taches de lumières allument le feuillage qui commence à virer au jaune ou à l’orange. Le gris du ciel avive encore plus les couleurs.

« Elle a l’air bien », se dit Léontine.

Pourtant elle garde une légère anxiété au fond d’elle-même, depuis que Cathy est venue chez elle un dimanche de juillet. Elle est arrivée extrêmement perturbée par la perte d’une des boucles d’oreilles que lui avait données sa grand-mère. Il est vrai que c’était une des pires choses qui pouvait lui arriver, tant ces bijoux étaient sacrés pour elle. Avec surprise, Léontine a vu Cathy bavarder longuement sur sa vie et son quotidien. Cela lui faisait du bien, ensuite elles ont parlé de sa grand-mère. Mais à un moment, Cathy a évoqué une altercation qu’elle aurait eue avec un homme. Tout semblait bien confus et malgré l’air détaché de Cathy, Léontine a eu un mauvais sentiment ; comme si cet événement était bien plus grave que ce qu’elle voulait en dire. Mais elle n’a pas pu aller plus loin : tout de suite, Cathy a changé de sujet de conversation.

Cathy remonte la rue principale pour rejoindre son parcours préféré et passe devant la maison des Girardin où il semble y avoir une réunion de famille.

— Cathy ? Oui, c’est bien toi, tu te souviens de moi ?

C’est Daniel l’aîné de la famille. C’est sans doute le seul gamin qui ait été camarade de classe avec elle. Elle était plutôt la pestiférée, tellement elle était asociale. Elle s’arrête.

— Oui, bien sûr, je t’aurais reconnu, tu reviens dans le coin ?

— Non, on a décidé de vendre la maison de nos parents. Ça faisait un moment que je n’étais pas venu ici. Tu habites toujours chez ta grand-mère ?

— Oui, j’y suis bien.

— J’ai appris pour son décès, vraiment désolé. Je sais qu’elle comptait beaucoup pour toi, pas trop dur ?

— Sur le coup oui, maintenant ça va mieux. Mais ta famille aussi a été rudement touchée avec la mort de vos parents.

— Oui, c’est vrai, et c’est pour effacer ça que l’on veut vendre la maison.

— Je comprends.

Elle ne ressent aucun atome crochu pour ce type qui visiblement est sûr de son physique et sans doute persuadé qu’aucune femme ne peut lui résister. Le temps de l’école est bien loin aujourd’hui…

— Bon, j’y vais, salut

— Salut et à bientôt. « Merde, cette fille, c’est devenu un sacré beau morceau maintenant ! »

Daniel Girardin se dit qu’il aimerait bien la mettre dans son lit, et qui sait ... Cathy quitte très vite le village et retrouve l’apaisement des frondaisons. Elle aligne de belles foulées, l’air est frais. Elle se sent bien et apprécie l’ambiance automnale de la forêt. Cela faisait longtemps qu’elle ne s’était pas sentie aussi bien dans son corps. Elle redescend d’un bon train vers la maison forestière et, arrivée à la patte d’oie, s’arrête pile devant un jeune homme qui débouche de côté. Ils ont failli se heurter.

— Oh, excusez-moi, dit-il. On était tous les deux dans notre bulle et ça peut créer des accidents, continue-t-il avec un franc sourire.

— Mais de rien, balbutie Cathy, j’avoue que je ne faisais pas trop attention.

— Vous connaissez bien le secteur ? Moi j’habite Obernai et c’est la première fois que j’essaie ce coin, mais c’est chouette, car il y a pas mal de chemins et ça fait de beaux parcours.

— Oui, j’habite au Hohwald et ça fait bien onze ans maintenant que je cours par ici.

Elle se sent assez désarmée par le regard de ce jeune homme ainsi que par son aisance. Il est grand, d’allure sportive, avec de beaux yeux bleus. Pour la première fois, elle n’a pas envie de s’esquiver à l’approche d’un inconnu.

— Et ça vous réussit visiblement, dit-il

— J’vous… remercie, dit Cathy en hésitant, ne sachant pas trop quoi répondre à cette remarque.

— Bon, eh bien je vais continuer, car il faut que je rentre, dit-elle en commençant à faire demi-tour.

Elle souhaite écourter cette situation déstabilisante.

— OK, dites-moi au moins comment vous vous appelez.

— Cathy ! répond-elle sans réfléchir après quelques foulées. Et vous ?

— Julien, dit-il en s’éloignant.

— Mais pourquoi j’ai demandé ça moi ? 

Elle accélère l’allure.

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