Lundi 1er octobre 2018

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En ce matin d’automne, au poste de Saint-Louis, Bruno Zimmermann reprend son service, salué par toute l’équipe. C’est Geneviève qui l’accueille en premier. Elle le trouve bien mieux et lui assure que son retour est le bienvenu.

— C’est vrai, ça va bien, et je voulais vous remercier en premier, car je suis conscient de l’embarras dans lequel je vous ai mis.

— On n’en parle plus, et un de plus, ça va nous faire du bien.

Le couple est maintenant en paix. Bruno Zimmermann a enfin accepté la séparation et il a laissé l’appartement à sa femme. Il a trouvé un logement simple à Saint-Louis. Avec l’aide de ses collègues et de son fils, il a réussi à s’y installer. Bien sûr, le moral accuse encore des hauts et des bas, mais l’équipe a l’impression qu’il a tourné la page. Sébastien lui donne une bonne tape dans le dos avec un clin d’œil. Et puis c’est Jean Wolff qui affiche un sourire radieux :

— Content de te revoir au boulot.

Il lui serre chaleureusement la main.

— Merci, dit seulement Bruno, ému, conscient que c’est leur amitié qui lui a évité le pire.

— Bon, eh bien, écoute, pour ta punition tu as des dossiers à trier et à classer sur ton bureau.

Et les deux collègues éclatent de rire.

Laura regarde Thomas qui semble un peu distrait depuis qu’il est arrivé ce matin.

— Ça va, toi ?

— Oui, la forme.

— J’sais pas, je te trouve ailleurs ou bien ?

— Ouais, ben… il rougit très nettement.

— Oh, mais dis-moi y’a pas une nana derrière ça ?

Là, Thomas pique carrément un gros fard.

— Ouais, c’est bien ça. Allez ! tu sais que tu peux tout me dire.

— Ben oui, voilà, je la croise régulièrement dans ma rue, elle est jolie et je ne sais pas comment l’aborder…

— Ah. C’est la première fois que ça t’arrive ?

— La première fois où je sens que ça pourrait être sérieux, oui, et c’est pour ça que je reste là comme un con.

— Et elle, est-ce qu’elle t’a regardé au moins ?

— J’ai pas l’impression.

— De toute façon, si tu n’essaies rien, tu ne sauras jamais, en vrai. Je sais bien qu’un gars timide ça peut attendrir une nana, mais là, il faut te bouger ; il faut que tu provoques un événement qui te permette de lui parler.

— Ben oui, mais quoi ? J’vais pas lui faire le coup du mouchoir qui tombe devant elle, dit-il en rigolant.

— Ce que t’es con.

— J’ai vu un film qui se passe au dix-neuvième siècle, hier, à la télé.

— Mouais, mais on est au vingt et unième, en vrai, et on y va plus franco, tu vois. Je sais pas moi… finalement autant y aller carrément, tu lui dis que tu la vois souvent dans le quartier, est-ce qu’elle habite dans le coin. C’est totalement con, c’est vrai, mais c’est pas ça qui compte : soit, tu es transparent à ses yeux et elle ne te calculera même pas, c’est un peu humiliant, mais bon ; soit, il y a quelque chose et, elle aussi, saisira l’occasion pour nouer la conversation.

— Ah ouais, ça peut marcher ça ?

— Mais oui c’est souvent plus simple qu’on le croit. Il faut prendre ton courage à deux mains, tu vas essayer ?

— OK, dit-il en se redressant, je vais essayer.

— Parfait, et maintenant au boulot !

Un homme entre, introduit par l’adjoint de sécurité de l’accueil.

— Voilà un monsieur qui veut porter plainte pour vol de matériel sur un chantier, dit-il à Sébastien.

— OK, on s’en occupe. Veuillez me suivre.

Il se dirige vers le brigadier Lefebvre.

— Éric, tu peux t’occuper de monsieur ?

— Pas de problème, par ici. Et ils s’enferment tous les deux dans une petite salle vitrée.

C’est à ce moment que le téléphone du bureau de Lefebvre sonne au fond de la salle. C’est Laura qui décroche.

— Bonjour, je voudrais parler à Monsieur Éric Lefebvre.

— Le brigadier Lefebvre ? rectifie Laura qui aime bien que l’on appelle un chat un chat. « Les grades c’est important quoi, merde. »

— Oui, c’est ça.

— C’est de la part de qui ?

— Je suis Arnold Klein, bijoutier à Mulhouse.

Oups ! se dit Laura qui, comme tout le monde ici, a « l’affaire » toujours en tête.

— Je vais le chercher.

— Sébastien ! c’est le bijoutier de Mulhouse pour Éric.

— Je le prends, je préfère qu’il termine sa plainte.

— Bonjour, je suis le lieutenant Amiot, le brigadier Lefebvre est occupé, je lui transmettrai. De quoi s’agit-il ?

— Le… brigadier Lefebvre m’avait demandé de faire des recherches au sujet d’une boucle d’oreille.

— Effectivement, dit Sébastien pour bien faire comprendre à son interlocuteur qu’il est au courant.

— Eh bien, j’ai réussi à trouver que cette paire de boucles a été faite en un exemplaire unique par un bijoutier de Strasbourg en 1933. Il s’agit de la bijouterie Ernest Muller. Elle n’existe plus, mais je crois savoir que la bijouterie Weiss a racheté le fonds après la guerre, donc ils doivent avoir aussi toutes les archives.

— Très bien, je vous remercie beaucoup, cela va nous faire avancer. Merci encore pour votre collaboration.

— Service.

Lorsque le brigadier a fini de raccompagner le plaignant, Sébastien l’interpelle et lui fait part des renseignements fournis par le bijoutier.

— C’est une pièce unique ? c’est bon ça, exulte Lefebvre.

— Je veux ! Regarde si tu peux y aller demain, j’en dirai deux mots à la cheffe. Autant ne pas perdre de temps.

— OK, je contacte tout de suite cette bijouterie.

Le lendemain, Lefebvre, tout en roulant vers Strasbourg, appréhende un peu cette grande ville où il ne se sent pas à l’aise. Il trouve sans difficulté la grande bijouterie située au centre-ville. Il rabat le pare-soleil avec l’inscription « police » pour laisser la voiture sur le trottoir.

— Bonjour, brigadier Lefebvre, J’ai rendez-vous avec monsieur Schneider.

— C’est moi-même, dit un jeune homme en lui tendant une main chaleureuse.

— Ah… OK, dit le brigadier en se disant que décidément on fait fortune assez tôt dans la bijouterie, à moins que ce ne soit des histoires de famille.

— Venez par ici, s’il vous plaît.

Ils entrent dans un atelier très lumineux, équipé de machines à priori assez récentes. Å une table, une jeune femme, avec des lunettes grossissantes, est occupée sur un bijou.

— Voici l’objet, et Lefebvre lui donne la boucle.

— Effectivement c’est bien un bijou typé années trente. Donc, vous dites qu’il aurait été fabriqué en pièce unique. Dans ce cas, ça ne va pas être évident de le retrouver. En théorie on a toutes les archives de ce créateur depuis ses débuts, en 1905, je crois, si ma mémoire est bonne. Mais il faut que je fasse pas mal de recherches. Désolé, mais je ne pourrais pas vous en dire plus tout de suite. Est-ce qu’il vous serait possible de me la laisser. Elle sera mise au coffre-fort de toute façon.

— Je vais voir, j’appelle mon supérieur.

Après quelques minutes il revient

— C’est d’accord, mais pas trop longtemps, il y aura un peu de paperasse à faire comme c’est une pièce à conviction. Et voici mes coordonnées.

— Je comprends, dit Schneider. Au revoir, monsieur le brigadier.

Lefebvre repart un peu dépité d’avoir fait tout ce chemin sans avoir plus de renseignements, mais, bon, la chance devrait continuer à sourire.

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