19 juin 1940
Les Allemands déferlent sur l’Alsace. Les Kern et les Koechlin avaient tenu un conseil d’administration un mois avant, comprenant très bien la défaite inévitable. Leur puissance financière et leurs activités industrielles les mettaient en position de force pour faire face au futur occupant. Les esprits s’échauffèrent lorsque fut abordée la possibilité d’une collaboration. Victor Kern prit la parole.
— Messieurs, nous devons protéger au mieux nos familles et ensuite nos intérêts financiers. Malgré tout, j’espère que nous n’aurons pas à faire de compromis qui nous amènerait à salir notre honneur.
En cette journée du 19 juin, Albert vient voir ses parents, il attire tout d’abord son père à l’écart.
— Père, je ne peux accepter tout ça, vous avez parlé d’honneur, et ça tombe bien, j’ai entendu parler d’un général à Londres qui appelle à continuer le combat et demande à tous les Français qui n’acceptent pas ce déshonneur de venir le rejoindre, et c’est ce que je vais faire. Je vous confie Marie et les enfants, je pars demain.
Victor Kern blêmit, mais ressent, malgré tout, une grande fierté devant la décision de son fils.
— Compris, nous allons les prendre à la maison. Et toi, comment vas-tu faire ?
— Nous sommes un petit groupe et nous allons passer en Suisse, ensuite nous rejoindrons Marseille et l’on s’embarquera pour l’Angleterre. Ça va aller. Maintenant je vais aller dire au revoir à mère et ensuite je file à la maison. Je te les confie.
Victor Kern, bouleversé, serre fortement son fils dans ses bras. Ils s’étreignent ainsi de longues minutes, événement totalement exceptionnel chez les Kern. Les deux hommes ont les larmes aux yeux. Albert s’éloigne très vite. Madame Kern reste effondrée, mais Albert doit la laisser, car il veut passer un maximum de temps avec Marie et les enfants. La soirée est inévitablement triste et Marie essaye au mieux de se montrer forte, surtout face aux enfants qui sont maintenant au nombre de trois, car un fils est né deux ans auparavant. Ils les couchent ensemble et restent plus longtemps que d’habitude avec eux et puis le couple se réfugie dans son intimité. C’est une nuit longue et sans sommeil ; pour Marie un monde s’effondre.
Annotations
Versions