Lundi 24 décembre 2018

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Chloé et Mathieu sont en pleins préparatifs avant le repas familial. L’habillage offre l’occasion pour Mathieu de montrer à Chloé son investissement. Il a mis un pantalon en jean qu’il complétera avec une veste semblable, le tout de très bonne facture.

— Alors, tu crois que je vais réussir à passer l’examen ? demande-t-il d’un air moqueur en tournant sur lui-même. J’espère, parce que ça m’a coûté une blinde.

Chloé rigole.

— Allez, tant que ça ? Mais le petit foulard, c’est « too much », tu peux enlever.

— Ouais, mais cher quand même.

— Tu as supprimé tes dreadlocks et elle va croire que c’est exprès pour l’occasion.

— Elle croira ce qu’elle veut. Et puis je suis sûr que l’on va bien s’entendre et qu’elle n’est pas comme tu le dis.

— J’adore ma mère, mais lorsqu’elle parle de toi, comme ça, sans te connaître, je la déteste.

— Et ça, ce n’est pas bien, raille-t-il, moitié moqueur. Ah les préjugés ont la vie dure, mais ça va très bien aller, tu vas voir, on a les cadeaux ?

— Oui, tout est là dans ce sac.

— Et moi j’ai encore quelque chose à prendre en route.

— Ah oui et quoi ?

— Tu verras, lance-t-il avec une totale décontraction.

C’est ça qui, entre autres, a séduit Chloé, ce mélange d’insolence et de sérénité. Elle reste toujours bluffée par la justesse dont il fait preuve pour affronter une épreuve, quelle qu’elle soit. Un discernement quasiment infaillible, elle doit reconnaître, même si ça la contrarie, qu’il semble plus mûr qu’elle, et elle l’adore.

— En voiture !

Pas de grasse matinée crapuleuse chez les Hillmeyer. Bernard s’est levé tôt, car il lui manque encore des ingrédients pour le repas. Mais Geneviève s’attarde au lit, après tout, elle n’est pas en charge du menu et c’est bien pratique.

— Bon j’y vais, lui lance-t-il depuis la porte d’entrée.

Mais il sait bien qu’il est inutile d’attendre une réponse. Geneviève prendra tout son temps pour se lever et se doucher. Elle est impatiente de voir enfin « ce Mathieu ».

— Le pauvre, j’espère qu’il n’appréhende pas trop, je me demande bien ce qu’a pu lui raconter Chloé sur moi. Et mon Julien ? il est bien cachottier ces temps-ci.

Bernard revient au bout d’une heure et demie. En bonne épouse, Geneviève lui a préparé son petit-déjeuner même si on est désormais proche de la fin de la matinée.

— Merci ma chérie, j’ai à peu près tout.

— Je te sens un peu stressé ou c’est une illusion ? Ce ne serait pas parce qu’il y a le petit copain de Chloé ? On veut impressionner avec ses talents de cuisinier ?

— Pfff ! pas du tout, stressé ! mais enfin ! et puis je suis resté dans la tradition ce sera une cannette avec des poires et des marrons. Allez, on prend un bon p’tit dej et on ne mange quasiment rien à midi, on est d’accord ?

Geneviève acquiesce.

— Mais oui, tu as tout ton après-midi pour préparer ton repas, et comme dessert ?

— Surprise ! dit Bernard.

— Dans la tradition aussi ? insiste Geneviève.

— Même sous la torture, je ne parlerai pas.

— Alors ça, je serais toi je ne m’avancerais pas trop, car moi je connais une torture qui te ferait tout avouer, conclut-elle avec un long regard langoureux.

— Allez, allez ! le cuisinier doit être seul dans sa cuisine et on ne doit pas le déconcentrer. Quant à la torture, souffle-t-il doucement en venant tout près du visage de Geneviève, tu ne perds rien pour attendre. Et il termine avec un long baiser.

— Mouais, des mots ! Elle se dépêche de déguerpir.

Julien a été travailler encore ce matin. Il y’avait du travail à finir à tout prix. Il était seul au bureau et ce n’était pas désagréable. Mais, rentré à la maison, le temps s’est ralenti et est devenu interminable. Et puis, en manque désormais chronique, il ne peut résister, il prend son téléphone.

— Comment tu vas mon amour ?

— Ça va, j’ai fait la grasse mat et cet après-midi on va faire des courses avec Léontine. Et puis ce soir on est toutes les deux.

— Tu me manques

Un long silence

— Toi aussi tu me manques… Julien… Je t’aime.

Il entend sa respiration

— Oh, Cathy, comme je voudrais être avec toi.

— Ce n’est pas bien gentil pour ta famille ça, constate-t-elle en forme de pirouette, il va falloir attendre le trente et un.

— L’attente va être supportable, mais tu te doutes bien que je vais parler de toi à la maison.

— En bien, j’espère, murmure-t-elle avec un ton grave qui surprend un peu Julien.

— De quoi tu as peur Cathy ?

Silence.

— De plein de choses, je te dirai tout ça un jour. Je t’embrasse très fort, à lundi prochain.

— Moi aussi, il me tarde que l’on se revoie.

Elle reste un moment avec le téléphone en main. « Julien… »

Geneviève est assez soucieuse lorsqu’elle entre dans la cuisine, on n’est pas loin du capharnaüm.

— T’es sûr que t’as pas besoin d’un coup de main, la fée du logis ?

— Je gère, t’inquiète pas, finis ta déco.

Bon, c’est vrai qu’elle a de quoi s’occuper. La pièce manque encore d’un petit air de fête et maintenant il faut attaquer la table. Mais elle reste pensive, car l’après-midi est quand même bien entamé et ce qu’elle a vu dans la cuisine ne la rassure pas. Et puis la décoration de la table l’accapare assez pour qu’elle oublie l’agitation de l’autre côté de la porte. Aussi revient-elle deux heures après avec un peu plus d’appréhension. Mais lorsqu’elle ouvre la porte, c’est la surprise totale. Tout est quasiment rangé et quelques plats sont déjà prêts, en attente.

— Alors là…

— Ben alors ? on n’a pas confiance dans son petit mari ? Allez, je pense qu’il va être temps que l’on se prépare et... pas de place pour une petite… torture ?

— Sans doute pas, bon j’y vais.

La fin d’après-midi passera vite dans les derniers préparatifs. Mais tout est fini dans les temps et ils peuvent s’offrir une petite pause, affalés dans le canapé, un peu vannés quand même après cette activité soutenue.

— Heureusement que ce n’est pas fête tous les jours, c’n’est plus de nos âges.

— Eh, ho cause pour toi, c’est vrai que t’as pris un peu de bedaine ces derniers mois.

— Mais non, je rentre toujours dans mes pantalons.

La conversation est interrompue par la sonnette, c’est Julien.

— Toujours le premier, mon gars, dit Bernard.

— Moi, je te trouve en pleine forme et c’est bien, car ces temps-ci on n’a pas beaucoup de nouvelles.

— Je vais très bien, répond-il en espaçant chaque mot et en serrant sa mère.

— Je vois ça, donc tu as des choses à nous raconter.

— Hé…

— Bon, c’est pas tout ça, mais j’ai besoin d’un p’tit coup de main à la cuisine ; tu viens ? Il y a des huîtres à ouvrir.

— J’arrive, Papa.

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