Mercredi 16 janvier 2019
Julien est absent toute la semaine et ça commence à peser pour Cathy. Ce ne sont pas leurs longs échanges téléphoniques du soir qui compensent. Elle se morfond en l’attendant. Le téléphone sonne alors que Cathy arrive tout juste.
— Tiens normalement Julien m’appelle sur le portable maintenant.
— Oui ?
— Bonsoir, c’est Daniel Girardin
— Ah oui salut. « Qu’est-ce qu’il me veut celui-là ? »
— On a vidé notre maison, elle est vendue et j’ai retrouvé de vieilles photos de toi et de ta grand-mère. Est-ce que ça t’intéresse ?
Cathy est assez surprise, mais ma foi, pourquoi pas ? Des souvenirs de « Mamé » la réconfortent toujours. Elle se rend compte que ces souvenirs ne sont plus douloureux et lui apportent une joie intérieure.
— Si tu veux, je peux te déposer ça, disons, demain soir ?
— OK, passe vers 20 heures.
— Ça marche, salut.
Elle ne tient pas spécialement à le voir, surtout ici, chez elle, mais elle a fermement l’intention de l’empêcher de s’attarder.
Daniel Girardin est assez satisfait de son coup. C’était vraiment de la chance de tomber sur ces vieux clichés qui se révèlent de qualité très moyenne, mais ça lui a donné un prétexte pour aller chez elle. Pour le reste, à lui de jouer.
Le lendemain, lorsqu’elle rentre chez elle, Cathy se souvient, brusquement, que ce Girardin doit passer le soir même. Ça la contrarie bien sûr. Elle s’arrange pour avoir fini de manger avant et, lorsque l’on frappe à la porte, elle a tout rangé. Elle ouvre et accueille ce type sans plaisir.
— Bon, rentre, on va voir ça.
— Ouais, salut, j’ai pensé que ça te ferait plaisir. J’ai une faveur à te demander, j’ai une sacrée soif, t’aurais pas quelque chose à boire.
La contrariété de Cathy monte d’un cran, d’autant plus qu’il s’installe d’emblée dans le canapé. Il commence à l’agacer vraiment.
— Pour qui il se prend ?
— Je n’ai pas grand-chose, un verre d’eau ça ira ?
Visiblement il s’attendait à autre chose, mais il se ressaisit très vite.
— Ouais, parfait
— Il croyait que j’allais lui proposer l’apéro, il rêve, me gonfle celui-là.
Elle va chercher le nécessaire pendant que Daniel Girardin déballe quelques photos sur la table basse.
— Tiens, dit Cathy en lui déposant le verre.
Elle s’assoit aussi, à une certaine distance.
— Voilà !
Il lui tend les clichés tout en se rapprochant nettement ; ce qui n’échappe pas à Cathy qui ressent une gêne, voire une tension grandissante.
— Tu te souviens, on a fait de sacrées parties tous les deux, non ?
— Mouais, répond-elle en regardant les clichés qui ne sont pas de bonne qualité.
— Je voudrais savoir pourquoi tu restais avec moi à l’école, parce que j’étais le seul, non ?
Il s’est encore rapproché de Cathy qui de plus en plus de mal à se maîtriser.
— J’sais pas moi, on était gosses.
— Eh bien, il ne reste pas quelque chose de tout ça ? continue-t-il en lui effleurant la main.
Cathy explose et se lève en reculant.
— Non, mais t’es venu faire quoi, en fait, ici ?
— Mais rien, rien, calme-toi, ça me fait plaisir de te revoir, c’est tout.
Il fait l’erreur de se lever et de s’approcher doucement. Pour Cathy, la limite est dépassée. Elle se précipite dans la cuisine et prend un couteau qu’elle brandit devant lui. Il est tétanisé. Est-ce par inconscience, bravade ou bêtise tout simplement ? Il insiste. Après tout, qui peut résister à son charme ? Alors Cathy se jette sur lui. Il a tout juste le réflexe de s’esquiver sans pouvoir éviter la lame qui entaille son pull au bras et sans doute aussi un peu la peau. Il se ressaisit et prend conscience d’un danger.
— Mais t’es complètement tarée ! on le disait bien qu’t’es folle, mais quelle connasse !
Il regarde son bras. Il semble hésiter entre répondre à l’agression ou renoncer. Quelque chose dans le regard de Cathy l’aide à prendre la bonne décision.
Il recule vers la porte.
— Casse-toi, connard !
Cathy avance en même temps, toujours le couteau en avant. Il ouvre la porte sans quitter Cathy des yeux, lentement, rentre dans sa voiture, puis démarre en trombe. Il garde toujours en tête ce regard qu’elle lui a lancé, un regard de meurtre. Il frissonne malgré lui.
Cathy reste figée. La porte est toujours ouverte. Elle semble reprendre ses esprits et se précipite pour fermer comme si elle avait peur qu’il revienne. Elle reste dos à la porte un moment et sent monter les premiers sanglots. Elle glisse doucement, s’affale et pleure. Elle est revenue, cette violence, oui, mais pourtant cette fois, elle ne s’est pas laissée submerger. Il s’en est sans doute fallu de pas beaucoup. Il aurait insisté, elle sait qu’elle n’aurait pas pu se contrôler, aussi costaud soit-il. Au fond d’elle-même, elle trouve une lueur d’espoir.
— Julien, où es-tu ?
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