Dimanche 3 février 2019 (suite)

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Tout le monde rit de bon cœur. Bernard voit que la coupe de Cathy est déjà vide.

— Encore un peu ?

— Oui, volontiers.

— Effectivement, elle tient sa réputation, pense Geneviève.

Toute la troupe passe à table. Geneviève remarque facilement que les tourtereaux restent toujours au plus près l’un de l’autre. Une main sur une cuisse ou la main dans la main.

— Oui, c’est a vraiment le grand amour et c’est réciproque, tant mieux.

— Allez, foie gras poêlé en entrée. Ça vous va ?

Cathy va faire honneur au plat. Elle en reprend, le tout accompagné de pas mal de pain grillé.

— Une belle fille saine, pense Bernard.

Il apporte son grand plat de lapin.

— J’espère, ma belle, que vous n’avez rien contre le lapin ?

Geneviève sourit intérieurement de voir combien Bernard est totalement tombé sous le charme.

— Pas du tout, c’était un des plats préférés de ma grand-mère, elle le réussissait à merveille.

— Oui, Julien nous a dit pour vos parents et donc c’est votre grand-mère qui vous a élevée, demande Geneviève.

Julien serre les fesses.

— J’espère que la question ne va pas la braquer.

Mais non, à sa grande surprise, Cathy reste très à l’aise.

— Oui, c’est vrai et heureusement que j’ai eu « Mamé ». Mais je me rends compte, ici, chez vous, comme c’est beau une famille et je vous remercie beaucoup pour votre accueil. J’ai l’impression d’avoir une vraie famille pour la première fois.

Et c’est sincère, la chaleur que dégage cette réunion de famille l’a totalement envahie. Elle se sent bien, les sombres pensées se sont envolées très loin. Elle est émue.

Tout le monde remarque la légère brume dans les yeux de Cathy. Elle met sa tête sur l’épaule de Julien qui l’embrasse.

— Ici vous serez toujours la bienvenue et vous pouvez considérer que vous faites déjà partie de la famille, déclare Geneviève.

— Merci, souffle Cathy en pleurs pour le coup.

— Eh oui, il y en a pour qui ça n’a pas été aussi évident, mais je rigole, lance Chloé.

— Mais toi aussi, ma puce, je vous adore tous les deux, dit Geneviève en la prenant dans ses bras.

Julien explique l’histoire à Cathy qui rit. Ça lui permet d’évacuer le trop-plein d’émotion qui la submergeait.

Le reste du repas sera rempli de bonne humeur. Cathy évolue en plein bonheur. Jamais elle n’avait ressenti cette douceur d’un cocon familial. Elle engloutira une bonne part du lapin, tout comme une belle portion de la Forêt-Noire faite par Bernard.

— Julien nous a dit que tu as un très bel appétit et ça fait plaisir surtout pour un cuisinier.

— Un super cuisinier, il faut dire, Bernard je vous adore.

— Alors Cathy si tu veux que l’on reste amis il faudra me tutoyer, sinon je vais te vouvoyer.

— Comme tu veux, Bernard.

— Heureusement que je suis resté sobre, car je ne te confierais pas le volant, mon amour.

— Détrompe-toi, je suis très bien.

— OK, en attendant il se fait tard il faut que l’on y aille nous.

Tout le monde se lève, accompagnant le couple jusqu’à la porte.

— C’est que le Hohwald, ce n’est pas à côté dit Julien.

— Ah oui, c’est vrai, vous habitez là-bas, dit Geneviève à Cathy. C’est curieux, on a vaguement parlé de cette commune hier pour une enquête que l’on va sans doute terminer. Mais bon, j’évite de parler boutique à la maison. Bonne route tous les deux.

Tout le monde s’embrasse sans que l’on remarque le changement d’attitude de Cathy. Un étau glacé lui enserre le cœur. Elle descend et s’installe dans la voiture sans un mot. Julien n’a encore rien remarqué.

— Eh bien, ça c’est vraiment super bien passé finalement.

— Oui, tu as une famille vraiment formidable, dit Cathy d’une voix neutre.

— Oh, on dirait qu’il y a quelque chose qui ne va pas.

Julien sent revenir les fameuses « ombres » sur Cathy. Il ne comprend pas.

— Rien de bien grave, j’ai des crampes, peut-être trop mangé.

— Faut dire que tu l’as impressionné, le père, allez, on y va.

— C’est vraiment une belle fille qu’il s’est trouvée là, le frangin, hein.

— Oui, approuve Geneviève, et pour le moment, c’est le grand amour. Ils ont l’air tellement bien. Il faut dire que notre Julien, c’est un grand sentimental.

— Voilà une belle-fille parfaite, complète Bernard.

— Ah ça oui, je veux bien te croire. Tu te serais mis à genoux devant elle si tu avais pu.

— Jalouse !

— Et puis, belle-fille attendons quand même, non ?

— Le mariage n’est plus une finalité, dit Chloé, bon j’y vais aussi, Mathieu doit être rentré.

— Alors ça va être la fête !

— Bernaaard !

— Ben quoi ?

— Allez Papa, ne change rien, tu es parfait.

Elle les embrasse et disparaît.

— Alors, cette Cathy, qu’en penses-tu ? demande Bernard

Geneviève soupire.

— Elle me semble bien, en tout cas on est loin de l’impression qu’on avait eue lorsque Julien nous avait montrés sa photo. Cette jeune femme a un comportement tout à fait normal. Pas de signe de fêlure ou je ne sais quoi.

— Et pour l’instant elle est bien accro à notre Julien.

— Ah, le grand amour des premiers mois, dit Geneviève.

— Tu te souviens de nous au tout début ?

— C’était à ce point, j’étais accro de toi hum…

— Alors là tu exagères, dois-je te rappeler ...

Ils roulent silencieusement ; Cathy n’échange que quelques paroles et ça inquiète beaucoup Julien.

— Est-ce vraiment une indisposition ? encore ses angoisses ?

— Tu veux venir passer la nuit à Obernai ?

— Non, je préfère rester chez moi, ça ne t’embête pas ?

Elle lui prend affectueusement la main et se niche contre lui.

— Non, tu veux rester seule ?

— Oui, si tu veux bien.

— Elle ne va pas bien, dois-je vraiment la laisser ? Bon, il faut lui faire confiance.

Ils arrivent au Hohwald. Cathy dit à Julien qu’elle préfère aller tout de suite au lit.

— Comme tu veux, murmure-t-il en l’embrassant. Je vais juste rester un peu et je pars après.

Cathy hoche la tête et disparaît dans la chambre. Julien ressent de la tristesse et se sent démuni. Alors, il a envie de lui laisser un message. Il s’installe sur la table de la cuisine et lui écrit un petit mot. Au bout d’une petite demi-heure, il va voir dans la chambre avant de partir. Cathy a les yeux fermés, mais elle ne dort pas. Il s’assoit sur le bord du lit et l’embrasse.

— Je vais y aller. Ça va ?

Elle hoche la tête.

— Oui, ne t’en fais pas, ça va aller.

— Tu m’appelles dès que tu peux, d’accord ?

Il part, referme la porte de la maison et aussi sur une partie de sa vie. Mais ça, il ne le sait pas encore.

C’est une tempête de sentiments mélangés qui se bousculent dans la tête de Cathy. Elle ne peut s’empêcher de penser et repenser aux dernières paroles de Geneviève. « C’est curieux, on a vaguement parlé de cette commune hier pour une enquête que l’on va sans doute terminer. »

— Elle parle de moi, c’est évident, ils vont arriver jusqu’à moi.

Elle est surprise de ressentir une certaine sérénité, mais une grande peine pour Julien. Il lui a apporté une aide précieuse par sa présence, son retrait et sa patience chaque fois qu’elle n’allait pas bien. Son amour s’est révélé sincère et elle ne croyait pas ça possible. Elle l’aime follement et s’en veut de la peine qu’elle va lui causer. Il faut de toute façon laver cette partie sombre qui la souille. Elle sent bien que toutes ces ombres qui la hantaient s’éloignent de plus en plus. Mais les faits sont là et restent un obstacle à son amour pour Julien. Alors oui, il faut assumer et accepter la fatalité qui va la rejoindre.

Tard dans la nuit, Cathy finit par trouver le sommeil, un sommeil sans ombre ni frayeur.

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