Mardi 5 février 2019 (suite)

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Geneviève revient assez tôt de sa réunion pour passer chez elle. Bernard est absent. Elle se change et trouve quelques restes du repas de dimanche à grignoter. Assise sur une fesse dans un coin de la cuisine, elle repense à ce repas et à Cathy. La chatte lui casse les pieds pour obtenir des miettes et elle finit par céder.

— Bon tu as de la chance que papa ne soit pas là. Tiens.

Et elle lui pose des restes de lapin tout de suite avalés.

— Oups, je vais être en retard.

Elle se dépêche de filer. Elle rentre dans une salle étrangement calme. C’est Éric qui l’appelle.

— Madame, on l’a !

— Oui, c’est-à-dire ?

— On est passé à côté, c’est tout.

— OK, venez dans mon bureau et expliquez-moi.

— Voilà, j’ai trouvé le notaire qui a liquidé la succession. Il y a eu deux héritiers, le fils et ça s’est réglé avec les États-Unis. Visiblement il n’est même pas venu à l’enterrement.

— Donc, comme on l’avait deviné, un gros contentieux.

— Et puis, une petite-fille, et c’est à côté de ça qu’on est passé. Une certaine Cathy Metzger. Elle habite au Hohwald dans la maison de sa grand-mère. Ensuite Sébastien a demandé le dossier…

Il s’interrompt en voyant le visage décomposé de Geneviève.

— Madame ? ça va ?

Elle se lève et ne le regarde plus.

— Mon Dieu, mais ce n’est pas possible... Cathy ?

Sébastien entre à ce moment-là et interroge du regard Éric qui hausse les épaules en signe d’incompréhension. Geneviève s’effondre dans son fauteuil. Sébastien se précipite.

— Geneviève ? Qu’est-ce qu’il se passe ?

Geneviève bredouille. Jamais ils n’ont vu leur commandante dans cet état.

— Mais c’est… c’est la petite amie de mon fils ! finit-elle presque en criant.

Tout le monde est figé dans le bureau.

— Mais pourquoi, c’est pas possible… Cathy… non.

— Tenez, dit Sébastien en lui tendant un verre d’eau. J’ai son dossier, il faut que vous voyiez ça.

Geneviève se lève difficilement et se dirige vers le bureau. Elle arrive à se ressaisir un peu, mais tout le monde est choqué par l’expression désespérée de son visage. Elle s’assoit à la table, Sébastien et Éric aussi, les autres se rassemblent. Instinctivement tous font bloc derrière leur commandante. Sébastien ouvre le dossier.

— Elle a été violentée et… violée par son père, murmure-t-il en regardant Geneviève, tout est là ; il a le doigt sur une pile de feuilles.

— Voyons ça, souffle Geneviève sans savoir si elle va tenir le coup jusqu’au bout.

Sébastien ouvre et commence un récit d’une descente aux enfers.

— Donc, comme le on sait, la mère avait des problèmes psychologiques et on peut facilement imaginer qu’elle ne pouvait pas s’occuper de sa fille qui, de fait, s’est retrouvée livrée à un père violent et incestueux sans aucune protection.

Il guette Geneviève du coin de l’œil.

— D’après le rapport, les violences et viols ont commencé à l’âge de six ans, ce qui semble un miracle, car mon pote m’a dit que, souvent, ça commence alors que les enfants n’ont que quatre ans.

Il prend sa respiration.

— On a une description relativement détaillée. Par moment c’était presque quotidien. Cette pauvre gamine avait des moments d’accalmie lorsqu’elle était chez ses grands-parents. Manifestement ils avaient des doutes sur ce qui se passait. La môme ne disait rien, comme c’est souvent le cas. Mais les grands-parents ont demandé à l’aide à l’enfance et à la police qu’il y ait enquête. Mais ça n’a pas abouti : pourquoi ?

Sébastien marque une pause. Geneviève reste silencieuse, elle s’est redressée et semble mieux surmonter l’épreuve. Sébastien reprend.

— Tout ça a duré jusqu’à l’âge de 14 ans (soupir). Un jour… Cathy… (regard vers sa commandante) s’est rebellée et a voulu frapper son père, elle a saisi un couteau pour se jeter sur lui, mais il a réussi à esquiver et l’a assommée à coups de poing. Les voisins alertés par les cris ont appelé la police. On se demande toujours pourquoi ça arrive si tard, soupire Sébastien en regardant Geneviève.

— On est bien habitué à ça, répond-elle avec un triste sourire.

Sébastien est un peu rasséréné de voir qu’elle reprend le dessus.

— Donc le père a été arrêté et sa fille s’est retrouvée à l’hôpital avec un grave traumatisme crânien. Six jours de coma ! Les grands-parents ont enfin pu intervenir et ils l’ont prise en charge. Elle a été suivie pendant trois ans par un pédopsychiatre, sans grand résultat si c’est bien elle notre tueuse. Bon, le père a pris trente ans, voilà un résumé rapide.

Un silence de mort laisse tout le monde figé comme si personne n’osait parler. C’est Laura comme d’habitude, bouleversée par le récit, qui rompt le silence.

— Une pauvre gosse, putain ! toute cette merde, ça me donne envie de gerber.

— Bien ! madame la commandante que fait-on ?

— Vous avez son lieu de travail vous m’avez dit ?

— Oui « Cleannet » à Barr.

— Bon et bien on va la chercher, il est 13 heures elle doit être au boulot. Je sais que je suis impliquée, car il est quasiment sûr que ce soit la copine de Julien, mon fils. Mais je la connais. Ils sont venus manger dimanche…

— Et merde, dit Jean. Mais ça va aller ? C’est vrai que vous devriez vous retirer de l’enquête, ce serait mieux non ?

— Non, je veux aller au bout, et c’est moi qui dois aller la chercher, je dois ça à Julien, et on emmerde la procédure. Éric, vous avez toujours la boucle d’oreille ?

— Oui, dans nos scellés.

— Bon, je la prends

— OK, c’est parti, lance Sébastien. En une heure on y est.

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