Mardi 5 février 2019 (suite)
Cathy se réveille calmement, elle fait même durer un peu la matinée. Elle se lève avec une grande résolution. Elle doit parler à Léontine. Elle vient tout à l’heure lui apporter le dîner et ce sera l’occasion. Elle sort un peu profiter de cette chaleur printanière avant l’heure. Elle voit Léontine remonter la rue et elle se précipite pour lui prendre son panier tout en l’embrassant.
— Bonjour ma Léontine. Je t’invite à manger et j’ai une longue histoire à te raconter.
Léontine est surprise, mais Cathy se montre plutôt enjouée et elle ne peut lui refuser. Les deux femmes s’activent en cuisine et Cathy dresse une table rapide. Le repas se déroule dans la bonne humeur.
— Je t’offre un café ?
— Allez va pour un café, ce n’est pas dans mes habitudes, mais ça semble être un grand jour, alors mets-y un p’tit coup de schnaps.
Cathy s’installe en face de Léontine.
— Alors quelle est cette longue histoire que tu veux me raconter ?
Cathy se montre sereine et elle commence son récit. Elle ne veut rien cacher à Léontine. Elle ne rentrera pas trop dans les détails de ses deux actes horribles. Pas forcément pour ménager Léontine, mais tout simplement parce que ça reste flou dans ses souvenirs. Au fur et à mesure du récit, Léontine est prise dans des sentiments contradictoires. Elle ne peut s’empêcher de ressentir une profonde tristesse, mais elle reste surprise du calme de Cathy qui semble aller vraiment bien et ça la rassure en même temps. Au bout d’une heure, elle termine son histoire dans laquelle Julien est devenu l’élément central.
— Tu sais, je lui dois tout.
— Avec ta grand-mère, on a toujours espéré qu’un jour tu ouvrirais ton cœur à un homme. Un homme qui serait à ton écoute, respectueux et qui t’aimerait vraiment. Et cet homme c’est Julien. Et ce que je peux te dire, c’est que, quels que soient les événements à venir et quel que soit ce qu’il apprendra sur toi, son amour ne faiblira pas et il sera toujours à tes côtés.
— Oui, je le sais, et toi tu l’as toujours vu chez lui. Moi, j’ai mis beaucoup de temps à baisser la garde.
Léontine prend la main de Cathy, l’embrasse et la colle contre sa joue.
— Et maintenant ? demande-t-elle les yeux mouillés de larmes.
— Ne sois pas triste ma Léontine, je vais bien et ce qui doit être fait, doit être fait. Tu le comprends bien ?
Elles demeurent ainsi silencieuses.
Jean Meyer est surpris de voir débouler trois voitures de police avec les gyrophares dans sa cour.
— Qu’est-ce que c’est que ce foutoir ?
Geneviève et Sébastien rentrent dans le bureau.
— Bonjour, monsieur, une certaine Cathy Metzger travaille bien chez vous ?
Il reste sidéré.
— Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire, qu’est-ce que…
— Oui, bien sûr.
— On peut la voir ?
— Non, elle a pris des congés pour trois jours je suppose qu’elle est chez elle.
— Bon, il faut que l’on aille là-haut tout de suite dit Sébastien.
— Oui, on y va. Ne lui dites rien, OK ? précise Geneviève
Elle se dirige vers la sortie et se retourne.
— Au fait, vous auriez une photo d’elle ?
— Oui, sans doute dans son dossier d’embauche, je vais le chercher.
Sébastien est surpris sur le coup, mais il comprend : et s’il y avait une toute petite parcelle d’espoir que ce ne soit pas elle… ? Jean Meyer revient et donne la photo. Geneviève ne peut s’empêcher de voir sa main trembler légèrement, et, oui, c’est bien elle, là, sur l’image. Enfin, c’est elle sans être elle, car ce visage n’a rien à voir avec celui de cette jeune femme si rayonnante qu’elle a invitée à dîner. C’est un visage fermé, sombre, qui semble prisonnier d’une douleur sourde. Elle rend la photo.
— Allez, on y va !
Jean Meyer s’assoit totalement décontenancé et sous le choc.
— Cathy ? mais pourquoi ?
Farid n’aime pas la police, souvenir de son enfance dans la cité du Neuhof. Alors, quand il a vu arriver les gyrophares, il se tenait dans l’atelier attenant au bureau. Il est resté silencieux en écoutant la conversation. Une fois les voitures parties, il se dépêche d’appeler Cathy. Chez lui, quand des flics te cherchent tu te tailles !
— Cathy ? écoute, les flics te cherchent, je ne sais pas ce que tu as fait, mais il leur faut vingt minutes pour arriver, alors planque-toi.
C’est le portable qui rompt le silence entre Cathy et Léontine.
— Oui ? Farid ?
— …
— Oui je sais, ne t’inquiète pas ça va aller.
— …
— Je t’assure, tout va bien, je t’expliquerai.
Elle repose l’appareil et regarde Léontine.
— Ils arrivent d’ici un quart d’heure. Je vais prendre l’air et aller au cimetière, tu restes ?
Léontine acquiesce, elle ne peut retenir ses larmes.
— Ne pleure pas, ça va aller. Je me sens soulagée, tu sais.
Elle la tient par la taille jusqu’à la porte. Cathy la regarde.
— Et puis si tu n’avais pas été là, tout ça n’aurait pas été si facile. Je t’aime.
Elles se serrent longuement et puis Cathy file vers le petit sentier du cimetière. Il ne faudra pas plus de dix minutes pour qu’elle entende les sirènes. Il fait un soleil radieux.
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