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 Ces révélations me clouent contre le dossier de ma chaise. Ma tête se remet à tourner dangereusement. Prunolle explose :

– Vous êtes des ordures ! Violer mon intimité en lisant mes correspondances ! Ça ne va pas se passer comme ça !

– En réalité, docteur, votre surveillance ne date pas d’hier, dit le flic haut gradé avec un air suffisant. Probablement le coup de pouce d’une dénonciation, si vous voulez un petit conseil pour remonter la piste… Nous avons eu accès à votre dossier, géré par les collègues depuis un moment, un peu plus tôt. Ces relevés de mouvements bancaires injustifiés, ces autorisations pour avoir accès à vos échanges personnels, en réalité ça ne s’est pas fait en quelques heures… Non, vos petites magouilles ne sont plus si couvertes, docteur, désolé de vous l’apprendre.

Les tremblements incontrôlés de la psychiatre à côté de moi semblent contagieux et je dois saisir les extrémités de ma chaise pour ne pas flancher.

– D’après la somme dont François Delambre vous arrose généreusement chaque mois, ça rapporte plus d’être lèche-bottes d’un ancien grand PDG que de toucher les dessous-de-table de labos peu éthiques, pas vrai ? Il protège son fils, vous avez sans doute raison, mais aussi la réputation de sa famille, son nom, son honneur… Si ce dernier venait à être entaché par une histoire d’infanticide, quel drame ce serait !

– Apprendre l’irresponsabilité pénale de son fils dans l’affaire devait être un vrai soulagement, enchérit le flic aux sourcils broussailleux, mais il savait que l’enquête n’était pas close, et que des informations sensibles pouvaient ressurgir à tout moment, exactement comme maintenant. Alors il a entretenu les psychoses de son fils en empêchant sa prise en charge psychiatrique, et donc le retour de ses souvenirs compromettants.

Il braque ses prunelles sombres sur moi et je sens de la bile me remonter de l’estomac. Qu’on m’emmène loin, qu’on m’ôte à ces lieux, à ces questions, à ces regards plus incisifs qu’un acide mortel… Pitié…

– Reste à éclaircir les zones d’ombre concernant vos actes, Monsieur Delambre fils, dit-il avec lenteur et une pointe de sarcasme. Ma théorie est que vous vous êtes confié à votre père suite au décès de votre fille, lui avouant qu’elle est morte par votre faute – parce que le meurtre prémédité ne colle pas avec les circonstances, mais que vous auriez très bien pu avoir un moment d’instabilité que vous auriez par la suite regretté. Il aurait donc appris votre responsabilité dans sa mort à ce moment-là, puis vos troubles psy se sont déclenchés au fil de l’enquête, et vous avez oublié tout ça. Mais votre père vous couvre depuis lors et cherche à étouffer la vérité, que vous auriez sans doute fini par révéler aux autorités avec le temps, rongé par les remords. Car vous étiez sincèrement miné par le chagrin, et votre père le savait, alors il ne voulait pas prendre le risque que votre mémoire ne revienne et a fait de sa maîtresse, le Docteur Prunolle, votre psychiatre… Les pièces du puzzle s’assemblent plutôt bien, vous ne trouvez pas ?

Je sens ma vision s’obscurcir. Ce cauchemar est interminable… Que ça cesse… Qu’on me laisse… C’en est trop… Les voix se font murmures autour de moi. Mes muscles me lâchent…

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