Chapitre 4 : La traversée.
Je la pris doucement dans mes bras, dos à ce tableau d’apocalypse que je continuais d’observer. La ville était en flamme. Ce n’était plus là de simples Aracks auxquels nous avions à faire, l’armée du Chaos était en marche. Les gens criaient, se jetant du haut des tours, ou étaient propulsés dans les airs, rarement en un seul morceau. Avais-je peur ? Je ne savais pas. Je me sentais étonnamment bien, serrant ma chère Comtesse tout contre moi. Il y avait tellement longtemps que je n’avais pas senti son contact. Elle me donnait la force d’avancer, sans elle j’aurais été incapable de suivre cette quête. À ses côtés je me sentais invincible, et prêt à tout.
Le vent nous éloigna à bon train de la ville dévastée. Une fois que nous fûmes assez éloignés je glissais à ma chère amie, toujours dans mes bras:
- Vous feriez mieux d’aller vous reposer. La route est longue, et nous aurons besoin de toute votre énergie une fois arrivés aux Iles Sombres. Je viendrai vous réveiller une fois qu’elles seront en vue.
Elle releva la tête, la plaçant à un souffle de mon visage, et acquiesça d’un regard affecté par les événements, avant de relâcher son étreinte et de se diriger vers la cabine, non sans un dernier coup d’oeil attristé à la rive lointaine.
Je n’aimais pas la laisser dans cet état, mais dormir était la meilleur chose qu’elle pouvait faire. La regardant s’éloigner, je me pris un vilain coup de poing dans l’épaule qui me fit mettre un genou à terre.
- Ça c’était pour ma maison, dit Druss en me tendant la main pour me relever. Bordel Heinrich, qu’est ce que tu nous as ramené cette fois ?
Je saisis sa main, en grimaçant de douleur. Cet enfoiré ne contrôlait pas sa force, un peu plus fort et il me disloquait l'épaule.
- Le Chaos, murmurai-je, ce sont les portes du Chaos qui se déversent sur notre monde, lui dis-je en regardant à nouveau la rive qui ressemblait maintenant à une allumette lointaine. Il faut que nous nous rendions dans les Iles Sombres pour demander aux Gobelins de nous construire une porte afin de colmater la brèche.
- Demander ? dit-il en ricanant. Tu crois qu’ils vont gentillement te faire ta porte après que l’on a massacré la moitié d’entre eux -presque uniquement à nous cinq- pendant les Guerres Adamantiques ? Ils jouent aux fléchette avec nos effigies quand ils sont aux latrines je parie, on ne fera pas deux pas là-bas sans qu’ils nous tombent tous dessus.
- Je sais me montrer persuasif, rétorquai-je d’un sourire carnassier. Et tu sais que la Comtesse est loin d'être en reste. Mais il n’y a pas de nous, hors de question que tu viennes, tu nous ferais repérer à trois kilomètres à la ronde avec ton haleine de Pétaure crevé.
Il m’empoigna par l’encolure de la cape, me fixant d’un regard mauvais, prêt à me frapper à nouveau. Je soutins son regard. Je savais qu’il mourait d’envie de venir, mais il avait sa famille, ce n’était plus sa guerre. Et il le savait pertinemment.
- T’as raison, pas besoin de moi pour les faire fuir, ta tête de Spunk les fera détaler sans même que tu ais besoin d’agiter ton cure-dent, balança-t-il en me repoussant violemment si bien que je manquai de passer par dessus bord.
Il s’éloigna, l’air bougon. Mais il savait au fond que c’était le meilleur choix.
La fatigue me prit soudain. Je me rendis compte que je n’avais pas récupéré depuis mon court somme chez Elisabeth. Je me dirigeai donc à mon tour vers la cabine, tout en observant Druss qui enlaçait sa femme pour la rassurer. Dans un sens je l’enviais. Avoir une vie paisible, je crois que j’aurais pu aimer ça. Entrant dans la cabine, je regardai le visage de la Comtesse endormie, et me mis à songer. Mais là n’était pas l’heure, là n’était pas la question. Je remontai ses couvertures, et m’allongeai à ses cotés, ayant tout de même pris soin de me déchausser auparavant. Le sommeil ne fut pas bien long à m’emporter à mon tour.
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