Chapitre 19
Le silence avait pris place dans le groupe. Iter et Mannly dévisageait Kepri, tandis que le capitaine et son protégé restaient figé. Earl ne savait pas comment réagir. Bien que le Raccoon était un ami d’Arawn, il n’en restait pas moins un pirate. La mention de son origine et de ses éventuels pouvoirs pouvait rendre quiconque désireux. Il n’eut pas besoin de prononcer le moindre mot, le phénix s’en chargea.
— Pouvons-nous rejoindre le port avant d’entrer de cette conversation ? Nous y serons plus en sécurité et à l’abris des oreilles indiscrètes.
Son ami accepta dans une grimace. Arawn soupira avec un sourire, connaissant parfaitement la provenance de ce rictus. Lui et Kepri se connaissait depuis des années, ils avaient commencé leurs vies de pirates sur le même navire avant que leurs chemins ne se séparent. Il ne pouvait pas lui cacher éternellement la nature de Earl, lui qui connaissait si bien Anouk et ses habitants. Ils leurs seraient d’une grande aide.
Le groupe s’aventura vers le bas de la ville à grande foulée. Le garçon peinait à suivre les enjambées de ses compagnons, et préféra trottiner pour ne pas les perdre. Mais un frisson glacial remonta subitement sa colonne vertébrale, le pressant d’avancer aux côtés du capitaine. Il agrippa le bras de ce dernier et ne le lâcha pas, même lorsque Arawn le dévisagea en ralentissant. Il se pencha vers Earl et lui murmura quelques mots :
— Tout va bien ?
— Quelqu’un… quelqu’un nous observe… murmura le plus jeune d’une voix presque inaudible.
Le phénix se redressa d’un coup et examina les alentours avec attention. Les mains tétanisées de son protégé exposaient la peur qu’il avait envers cette personne. Mais il ne vit rien. Personne. Seulement des pirates au travail ou saoul, qui marchais ou courrait dans toutes les directions pour rejoindre leurs navires ou leurs équipages. Personne ne semblait les regarder avec insistance.
— Allons-y.
Il attrapa les épaules d’Earl et le plaça plus près de lui. Il voulait garder une main sur lui afin de le rassurer, mais sa seconde main s’était instinctivement posée sur la poignée de son sabre. Ils ne mirent pas longtemps à rejoindre l’arsenal, et y trouvèrent Badic et le reste de l’équipage au travail pour monter le bois sur le navire.
— Capitaine !
Le charpentier salua son supérieur et fut surprit d’apercevoir un étranger parmi le groupe.
— Tout se passe bien ? demande le capitaine.
— Nous avons presque terminé l’acheminement de la cargaison à bord, et nous avons fait le plein de vivre.
— Nous pourrons reprendre la mer dans la journée alors.
— Je dirais même dans l’heure si Wynric et Meribi se bougeait !
— Oh ça va, rabat-joie ! s’écria l’un des concernés, cinq planches sur l’épaule. T’a qu’à venir nous aider si ont va pas assez vite !
Quelques ricanements retentirent à bord du Phoenix tandis que le canonnier finissait d’apporter sa charge à bord. Badic ne pu s’empêcher de lancer un regard curieux à l’étranger qui en avait profiter pour discuter avec Iter un peu en retrait. Son coup d’œil fut capturé par le capitaine qui l’incita à finir rapidement le ravitaillement.
Il prit avec lui Kepri et Earl, puis monta à bord du navire pour s’enfermer dans ses quartiers. Il avait confiance en son second pour s’occuper du bon déroulement de l’approvisionnement, et avait plus urgent à faire. Le Raccoon se permit d’examiner la cabine de son ami avec fascination, tandis que le plus jeune des trois resta à côté du phénix, ne sachant pas vraiment où se mettre.
— Dites donc ! Tu en as récolté des babioles pendant toutes ces années, je suis épaté !
— Assis toi donc, que nous discutons de lui, demande le capitaine en désignant son protégé.
Kepri ne rajouta rien et fit ce qu’on lui demandait. Chacun s’installa autour de la grande table et s’observa. Les yeux de l’invité oscillaient entre son ami et ce garçon, ce garçon et son ami, cherchant une première question à poser parmi toutes celles qui fourmillaient dans sa tête.
— Earl est un Mannred que nous avons rencontré et capturer sur l’Isenor, commença Arawn.
— Un navire gouvernemental ?! Depuis quand tu te frotte à eux ?
— Depuis le traité d’Amphéo. D’ailleurs j’ai trouvé une lettre de marque te concernant. Tu es cherché par un corsaire.
— Oui je sais, je l’ai rencontré. Lui en revanche n’a pas apprécier notre réunion.
Arawn sourit à cette annonce. Connaissant Kepri, il avait réservé un accueil froid au corsaire Nilac mentionné dans la lettre qu’il avait lue et détruite.
— Je suis étonné qu’il t’ait tout de même traqué, je m’étais assuré de déchirer cette foutu lettre.
— Il avait dû en recevoir d’une autre provenance.
— Tu as fait tant de grabuge ?
— Si tu savais, je ne peux même plus aller au Nord sans être bombardé.
— Vous êtes le capitaine de quel navire ?
L’intervention d’Earl surpris les deux hommes.
— Je ne suis pas capitaine, je suis marin à bord du Jericho. Mais je sais mettre du trouble dans l’ordre. C’est ce qui déplait le plus.
— Donc… si vous aller au Nord, vous serez arrêté ?
— S’ils arrivent à nous attraper, ricana Kepri avec un air taquin.
— Le Jericho est un petit navire, ce qui lui permet d’être plus rapidement que nous. La marine royale as donc dû mal à lui mettre la main dessus en mer.
— Et sur terre ?
— Il se faufile partout, grimpe sur les toits et j’en passe. Il est difficile de lui courir après. Même lui mettre une balle est un vrai défi, soupira Arawn.
— C’est rare que le phénix me fasse des éloges, ricana Kepri en s’attirant les foudres du capitaine.
Le calme reprit place dans la pièce et le Raccoon repris ses questions.
— Un Mannred à bord d’un navire du gouvernement. Quel était ta destination finale ? reprit-il en s’adressant directement à Earl.
— Nelak.
— Pour y faire quoi ?
— Mourir.
Arawn observa le jeune homme avec amertume. La voix de ce dernier était sombre. Il lui était impossible d’oublier la destinée qui lui était réservé.
— Je vois. Et bien, ce n’est pas plus mal que Arawn t’ai accueilli à son bord. Au moins tu pourras utiliser tes pouvoirs plus librement.
— Je ne contrôle rien du tout, l’arrêta net le garçon.
— Comment ça ?
— Je ne contrôle pas mes pouvoirs. Je ne sais même pas si j’en ai.
— Ils ne se sont jamais manifestés ?! s’exclama Kepri avec surprise. C’est impossible, tout les Mannred son doté d’un don de l’océan.
— Il a déjà utilisé ses pouvoirs, mais il ne les contrôlait pas, intervint Arawn en regardant son protégé. Je ne pense même pas qu’il s’en souvienne.
Le plus jeune secoua la tête en signe de négation. Il n’avait aucun souvenir de quoi que ce soit.
— Alors, vous devriez aller à Anouk. Je connais quelqu’un qui pourrait l’aider à éveiller et contrôler ses pouvoirs.
— Wig ?
— Oui.
Le silence se fit durant quelques secondes.
— J’avais oublié que tu le connaissais.
Arawn ne répondit rien. Il se contenta de sourire à son ami.
— Je peux déjà t’aider avec le peu de connaissance que j’ai des Mannred et de leurs pouvoirs, commença le Raccoon en s’adressant à Earl. Vos pouvoirs se manifestes en fonction de vos émotions. La plupart du temps, ils se nourrissent de vos émotions négatives.
— Comment ça ?
— La colère, la peur, la haine, la rage, la rancœur, et j’en passe. Tout ça, ce sont des émotions négatives qui activent tes pouvoirs et décuples leurs forces. C’est pour cette raison qu’il est important pour toi de savoir les contrôler.
— Que se passerait-il sinon ?
— J’ai vue des villes entières êtres décimés par la rage d’un seul Mannred. Le problème, c’est que ses pouvoirs se sont retournés contre lui.
Earl en eut la chaire de poule à l’idée d’y penser.
— C’est pour cette raison que tu dois faire attention. En règle générale, tes pouvoirs ne se manifeste qu’en la présence d’une émotion forte, qu’elle soit positive ou négative. Après, avec le temps et de l’entrainement, tu seras capable de contrôler tes pouvoirs tout le temps, sans avoir besoin de sensation forte pour les déclencher.
— Je ne sais même pas à quoi peut ressembler mes pouvoirs. Et l’idée d’être consumer par eux ne m’enchante pas vraiment.
— Ce n’était qu’un exemple parmi tant d’autre pour t’avertir. Cet enfant était voué à mourir, et c’était le mieux pour lui je pense. Après toute la souffrance qu’il a dû endurer.
Arawn se leva pour rejoindre son bureau, y chercha ses affaires pendant un instant.
— A quoi ressemble les pouvoirs de ceux que tu as vue ? poursuivit Earl, sa curiosité reprenant le dessus sur son appréhension.
— Ils pouvaient contrôler l’eau, de petite quantité comme des grandes. Faire changer les vagues de direction, créer des tourbillons et même des maelstrom. Le vent est un facteur assez rare mais possible à manier après quelques temps d’entrainement. Le Mannred le plus impressionnant que j’ai pu voir en action contrôler la foudre, et sa peau avait quelque chose d’étrange, comme si ses veines s’étaient colorées d’un jaune vif qui passait à travers son épiderme.
— Woua !
L’exclamation d’Earl surpris les plus vieux, qui se lancèrent un regard avant d’éclater de rire.
— Tout ça pour vous dire que vous dirigez vers Anouk pourrait être une bonne chose. Pour le gamin comme pour toi, Arawn.
— De tout façon, nous devons quitter cette île au plus vite. Savoir Mannles dans les parages ne me rassurent pas.
— Comme nous tous lorsqu’on prononce son nom.
Le garçon ne compris pas immédiatement la crainte présente dans la voix de Kepri. Ce dénommé Mannles semblait avoir mauvaise réputation auprès des pirates et autres marins. Et vue le visage sérieux qu’avait prit le capitaine, ce n’était pas un ami.
— Alors je vous laisse.
Le Raccoon les salua et quitta la pièce. Arawn le suivit sur le pont pour communiquer leur nouvelle destination à son équipage.
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