Le crissement d'ongles sur le tableau noir fit sursauter tout le monde. Le professeur, qui était sûr d'obtenir ainsi toute l'attention nécessaire, entama le début de son cours.

— Ai-je toute votre attention, cette fois-ci ? demanda t-il d'un air légèrement satisfait.

Un concert de soupirs lui confirma que oui.

— Bien ! Pourquoi un cours de zététique appliquée en cours de philosophie, me demandiez-vous ? Tout simplement parce-qu'avant d'étudier les manières de penser, il faut avant tout savoir comment penser par soi-même. En tout cas, je m'efforcerai de n'aborder que cet angle dans mon cours, pour le reste vous pourrez le voir avec vos autres professeurs.

« La zététique, c'est l'application du doute à tous les phénomènes que nous croyons comprendre. Ce mot un peu étrange (qui vient du grec zētētikós,« qui aime chercher », « qui recherche ») peut être traduit en anglais par skepticism,c'est à dire le scepticisme dans notre langue, quoi que ce mot à malheureusement pris une tournure plutôt péjorative depuis.

La zététique est donc une démarche scientifique de construction et de diffusion de la pensée critique. Si l'on devait en donner une définition pratique, ce serait donc une sorte d'auto-défense appliquée à notre intellect, en quelque sorte. Une science du doute. »

— Euh... Comment douter des théories officielles, et tout ça ?

—Pas du tout, Thomas, vous n'y êtes pas. Ce que je veux dire, c'est que le doute est ici employé comme un moyen, non comme une fin !  En revanche, je vais vous enseigner comment passer au travers des pièges de la pensée.

— Douter du doute, en quelque sorte ?

— Euh... Ta formulation est un peu bizarre, mais on pourrait dire ça comme ça.

« Bref, la zététique nous permet donc de réfléchir à toutes sortes de questions qui peuvent sembler a priori étrangères à la science. Sans dogmes ni préjugés. Qu'il s'agisse du paranormal en général, de l'astrologie, ou même des médecines dites officielles ou parallèles.

La zététique, c'est refuser les arguments d'autorité ou qui critiquent non pas le message mais la personne qui délivre le message. C'est aussi savoir écarter les hypothèses qui font appel à plus d'inconnues qu'elles n'en résolvent.

Pour cela, je vous enseignerai également l'art d'avoir toujours raison, si l'on peut dire. Pour les quelques hilares du fond, sachez que c'est justement pour reconnaître ces types de biais et autres raisonnements fallacieux, pour vous armer contre eux et pour éviter d'y avoir recours. Et je serai extrêmement strict la-dessus, vous pouvez en être certains !

Mais surtout, je vous montrerai comment savoir si ce que vous savez - ou pensez savoir - est une connaissance ou une croyance. Quoi qu'il en soit, on a le droit de rêver ou d'avoir sa propre vision du monde. Cela, je ne le nie pas. Mais chercher à l'imposer de force à autrui n'est pas acceptable, surtout s'il n'y a rien de scientifique derrière.

A présent, nous pouvons commencer le cours. »