Ça sonne. Encore vaseuse après cette bouteille de vin finie sans réel plaisir, je me dirige difficilement vers la porte.

Je jette un coup d’œil par le judas, une inconnue se tient bien droite devant ma porte.

Avec la chance que j’ai, ça doit être soit une erreur, soit une tueuse...

J’ouvre la porte : si c’est une erreur, je retournerai vite dans les bras de Morphée, et si c’est la Faucheuse, eh bien, je pourrais enfin dire que j’ai de la chance. Le calvaire serait enfin terminé.

— Oui… ?

— Tu te souviens de moi ?

— On s'est deja rencontrées ?

— Bien sûr, ça fait bien longtemps qu’on ne s’est pas vues, mais oui, nous avons déjà passé de bons moments ensemble…

— Si c’est une blague, elle n’est pas drôle… je suis occupée, moi…

— Occupée à te morfondre dans ton canapé, comme chaque vendredi, avec pour seule compagnie une piquette du coin…

— Heuuu… nonnn…

Je rougis, un mélange de colère et de honte m’envahit. Je ne comprends pas qui est cette femme, pourquoi elle insinue que nous nous connaissons, et surtout, comment sait-elle que je suis si seule…

Le temps d’une seconde, alors que je tente de reprendre contenance, elle en profite pour franchir le seuil. Mon cœur s’accélère. Cette femme… Elle est là, assise sur mon canapé, comme si elle était chez elle. L’air semble plus lourd, et mes mains sont moites. Je n’arrive pas à comprendre ce qui se passe. Qui est-elle ? Que dois-je faire ?

— Comme tu n’as pas l’air de me remettre, je vais t’aider : moi, c’est Victoire.

— Et alors ?

— Toujours pas ? Tu ne te souviens vraiment pas de moi ?

— Eh bien non, Victoire. Avec un prénom pareil, je suis sûre que je ne te connais pas.

— Et pourtant si… Je suis ce que tu cherches désespérément depuis des années. Quand tu étais enfant, nous nous côtoyions souvent…

C’est quoi ce délire ? Je dois vraiment arrêter le vin. Ferme les yeux, respire profondément, et tu te réveilleras…

J’entrouvre les paupières. Victoire n’a pas bougé, pire, elle me fixe intensément. Ses yeux bleus scintillants et son sourire figé… Je n’arrive pas à savoir si elle me prend de haut ou bien si c’est de la douceur dans ce regard.

C’est absurde. Je devrais la mettre dehors, lui dire de partir. Et pourtant, je reste là, plantée devant elle, incapable de bouger. Est-ce la peur ? La curiosité ? Ou juste la fatigue ?

— Non, tu ne rêves pas. Je t’offre la possibilité de renouer avec moi.

— Ah oui ? Pourquoi ? Et comment ?

— Commençons déjà par échanger.

Je dois vraiment être folle… Me voilà en train de discuter avec “Victoire”. La Victoire, rien que ça. Qu’est-ce que j’ai à perdre, de toute façon ? Autant jouer le jeu, il ne me reste rien d’autre à faire…