Passage de flambeau.
(point de vue externe)
Dans le manoir du maléfique Boris Tire-lanus, père et fille posent pour le peintre Clodio Chapito. L'héritière, elle, se tient simplement bras croisés et visage impassible. L'ancien maître, lui, se montre plus... prétentieux ? Démonstratif ? Bref, il se la pète grave, figé glorieusement dans sa posture de conquérant, le poing levé et le coude plié.
Clodio : Ma, Messire vampire, plus haut plus haut le poing. Soyez à l'image du tyran que vous avez été.
Boris : Je le suis toujours ! Je passe juste la direction de mon donjon à ma fille.
Clitorine : Père, je vous l'ai déjà dit, vous n'êtes plus aptes à diriger, vous ne parvenez pas à vous adapter à cette nouvelle époque.
Boris : Quoi ? Mais enfin non... Je prends une retraite bien méritée.
Clitorine : Dîtes surtout que ça fait reposer toutes vos magouilles financières et administratives sur moi ! Je vous signale que je viens à peine de prendre mes fonctions, et que j'ai déjà le syndicat des laquais sur le dos, avant même l'annonce officielle.
Boris choqué): Le quoi ? Depuis quand les laquais ont le droit d'avoir un syndicat ?
Clitorine (déespérée) : Depuis qu'ils ont des droits...
Boris (intransigent): Le droit d'aller se faire fouetter, oui !
Clitorine (perdant patience) : Père ! On ne fouette plus les laquais !
Boris : Mais alors... Ma fille, comment veux-tu qu'ils obéissent ?
Clitorine : Nous les payons, père !
Boris est figé dans la bonne posture, poing vengeur bien haut. Mais là, c'est son visage qui ne colle pas à son image de puissant seigneur tyrannique. Le visage figé par l'outrance, et le dégoût, qu'il garda longtemps, très longtemps. Assez pour que le peintre finissent son portrait, lui conservant cette tête par obligation de cadence, afin de se pencher sur le portait de Clitorine.
Clodio : Ma dame vampire, bien las bras croisés, très simple et très femme d'affaires avec costard de luxe.
Boris (outré) : Mais, ma fille ! Cela veut dire que, les laquais, ils nous coûtent de l'argent !
Oui, Boris venait d'être réveillé par l'appel du pognon. On voit l'ancien patron, proche de sa trésorerie, qui réagit au mot « luxe » en priorité.
Clitorine (résiliée) : C'est cela, père. Il est interdit d'exploiter les laquais de nos jours ! Sinon, c'est fermeture et confiscation du donjon. Raison pour laquelle vous ne pouvez plus diriger.
Clodio (impertinent): De toute façon, votre père, il a toujours été un gros radin !
Boris (scandalisé) : Mais ! Cette voix... C'est vous le connard de barde qui chantait sous mes fenêtres pour m'insulter !
Clodio (essayant de se rattrapper) : Heu, ma qué, mama mia ! Vous voyié bien que yé un accent seigneur vampire, vous devez confondre avec un autre barde...
Boris : C'est cela, oui ! Finissez le portrait de ma fille ! En ensuite, allez-vous faire fouetter par le bon bourreau !
Clitorine : Père ! On ne fait plus fouetter les gens ! En plus, le bon bourreau a changé de poste, il est aux ressources humaines.
Boris (choqué): Comment ? Quand ?
Clitorine (d'un ton déespéré) : Quand la loi interdisant le fouettage a été votée...
Boris : Damned ! Mais en tout cas, je ne payerai pas le peintre pour cet affront...
Clitorine : Père, le peintre a déjà été payé. Maintenant, laissez-le finir son travail.
Boris (poing levé vers le ciel, coude plié) : Maudit sois-tu, peintre de malheur !
Boris maudit le peintre en vain. Ce dernier finit tout de même son ouvrage malgré le dérangement. Une fois finis, Clitorine et son père quittent la pièce. Après plusieurs heures de corbillard, les voilà arrivées à leur donjon. Ils montent les marches jusqu'à un immense balcon aux rideaux brodé d'or, indiquant bien la priorité de l'ancien patron entre la décoration et les conditions de travail du personnel.
Face à eux, les laquais sont rassemblés en attente du discours de la nouvelle PDG. Orcs, gobelins, goules et savants fous retiennent leurs souffles, même si certains ne se privent pas de huer l'ancien directeur. Lui, leur répond avec son poing vengeur. Clitorine fait taire la foule d'un simple geste de la main, puis, d'un ton solennel, commence son discours d'entrée en fonction.
Clitorine (voix forte et ferme) : Mes braves laquaises et laquais. Aujourd'hui est un grand ! Premièrement, je suis heureuse de prendre la tête de cette compagnie, et compte faire de mon mieux pour rendre le travail aussi agréable que productif !
La simple mention de « conditions de travail agréables » suffit à déclencher des cris d'euphorie et des applaudissements. Ainsi que de huées de protestation de la part de Boris, et une levée de poing vengeur. Clitorine fait mine de n'avoir rien vu, rien entendu. Elle reprend son discours, toujours d'un ton solennel.
Clitorine (voix forte et ferme) : Ma première action, sera de transformer ce donjon en musée, et site hautement culturel, afin de montrer aux nouvelles générations les grands progrès accomplis entre l'époque de mon père et la nôtre.
Boris, main sur le cœur, semble faire une attaque. Apparemment, il n'avait pas été prévenu, et sembla très mal prendre la nouvelle. Clitorine continue de l'ignorer et poursuit comme si de rien n'était.
Clitorine (voix forte et ferme) : La seconde sera de recevoir les délégués du personnel, afin de renégocier les salaires et les conditions de travail, conformément aux accords sociaux prévus par le Code du travail et les conventions collectives des laquais et métiers associés.
Cette fois-ci, c'en est trop pour Boris. Il se laisse tomber à genoux, et tout en gardant son poing vengeur levé, brandit l'autre paume à plat, afin d'exprimer son outrance et son désespoir.
Boris (dans un hurlement de rage): Noooooooooooooooooooon ! Sois maudit ! Code du travail !
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