La tête bourdonnante de musiques diffusées par des casques de moins en moins discrets, ils avancent d'un pas rapide. Les couloirs et les quais sont noirs de monde. Jouer des coudes est un sport quotidien, se frayer un chemin une nécessité quasi vitale. Une passante bousculée tombe sur le quai. Mais au lieu de s'excuser, les piétons fautifs l'invectivent méchamment. À peine ai-je le temps de tendre une main secourable que je suis happé par la vague en mouvement. Pressés les uns contre les autres, la masse de nos corps suivent à l'unisson les soubresauts du métro lors de son voyage. Avant, arrière, droite et gauche ressemblent aux ondulations provoquées par le vent sur les rizières en fleurs. À l'intérieur de la rame, les fleurs paraissent coiffées de cheveux noirs.

Tout à coup je sens quelque chose se faufiler tout près de ma hanche. L'homme placé dans mon dos est en train de tripoter le postérieur de la femme qui se tient devant moi. Celle-ci se retourne, me fusille du regard et accompagne son mécontentement d'une claque bien appuyée. Ma joue en feu, j'entends les invectives de la femme : n'espérez pas vous en tirer comme ça, monsieur le vicieux éructe-t-elle en tentant de me tirer le portrait avec son portable. Son bras armé du téléphone émerge de la vague descendante et tel un esquif improbable, je le vois s'éloigner peu à peu. J'entends crier qu'elle portera plainte alors que le ressac montant déverse son flot de voyageurs. La brutalité de l'incident ne me permet pas de manifester d'autre sentiment qu'une douleur cuisante sur la joue. Puis, je me fonds dans l'anonymat.