Chapitre 4 : Les cartes du passé
Tony s’aventura dans une ruelle sombre derrière le Marché Fantôme, son manteau de cuir élimé serré autour de ses épaules. La lumière des deux lunes de Stillburg était bloquée par les plateformes métalliques, plongeant l’endroit dans une semi-pénombre inquiétante. Il ajusta discrètement son holster, vérifiant que son blaster était bien en place. Ce genre de rencontre avait tendance à mal tourner.
L’informateur anonyme l’attendait, dissimulé sous un épais manteau gris qui dissimulait son visage. Seuls des yeux pâles et perçants brillaient dans l’ombre de sa capuche.
— T’es en retard, grogna Tony en arrivant.
— T’es impatient, rétorqua l’informateur d’une voix grave et rauque.
Ils s’observèrent un instant avant que l’informateur ne sorte un petit appareil holographique de sa poche. D’un geste rapide, il projeta l’image d’un artefact ancien : une sphère bleutée, sertie de glyphes qui semblaient pulser faiblement.
— L’Étoile d’Azura, murmura Tony, incapable de masquer son émerveillement.
L’informateur hocha la tête.
— Pas besoin de te faire un cours d’histoire, hein ? Tu sais ce que c’est.
Tony croisa les bras, cherchant à reprendre contenance.
— Je sais que c’est censé être un truc ancien, genre artefact perdu depuis des siècles. Mais toi, dis-moi ce que tu sais.
L’informateur esquissa un sourire énigmatique. L’Étoile d’Azura n’est pas qu’un simple artefact. C’est une source de pouvoir brut. On dit qu’elle peut altérer le cours du temps, ou même révéler des vérités cachées aux confins de l’univers. Mais ce n’est pas tout. Il marqua une pause, pesant ses mots.
— Elle répond à ceux qui ont un lien avec elle. Et apparemment, toi, Tony, tu es plus proche de cet artefact que tu ne le crois.
Tony se figea, son cœur battant plus fort. Qu’est-ce que tu veux dire ?
L’informateur zooma sur les glyphes projetés. Ces symboles. Ils sont similaires à ceux qu’on trouve sur des artefacts liés aux voyageurs des étoiles d’il y a plusieurs générations. Des explorateurs, des marchands... des familles d’aventuriers comme la tienne. Ta grand-mère, pour être précis.
Tony recula d’un pas, son esprit s’emballant. Sa grand-mère, Isabella Valdez, avait toujours été une légende dans sa famille. Une exploratrice audacieuse qui avait cartographié des nébuleuses inexplorées et échappé à des situations impossibles. Mais elle était aussi une énigme, disparue mystérieusement sans laisser de traces.
— Isabella Valdez, murmura Tony, comme pour se convaincre. Elle aurait été liée à l’Étoile ?
L’informateur hocha lentement la tête.
— Pas vraiment liée, elle l’aurait créée. Certains pensent qu’elle avait finalement choisi de la dissimuler. Peut-être qu’elle voulait protéger sa famille de ce pouvoir, ou peut-être qu’elle savait que l’univers n’était pas prêt.
Tony serra les poings. Sa grand-mère avait toujours été un modèle pour lui, et maintenant, l’idée qu’elle ait été si proche de quelque chose d’aussi monumental le galvanisait. Mais cela soulevait aussi des questions inquiétantes.
— Qu’est-ce que tu ne me dis pas ? demanda-t-il, le regard fixé sur l’informateur.
L’informateur se redressa, abaissant légèrement sa capuche.
— L’Étoile ne donnerait pas son pouvoir sans contrepartie. Elle peut révéler des secrets enfouis, mais parfois, les vérités qu’elle montre détruisent ceux qui les découvrent. Et ceux qui cherchent à l’utiliser pour leurs propres fins... Il secoua la tête.
Tony inspira profondément. Il savait qu’il aurait besoin de ces informations pour convaincre l’équipage de continuer cette quête. Mais au fond de lui, une étincelle s’était allumée. Ce n’était pas juste une chasse à l’artefact : c’était personnel.
— Merci pour l’info, dit-il enfin en tendant un sac de galions.
L’informateur prit l’argent sans un mot et disparut dans les ombres, laissant Tony seul avec ses pensées.
Tony quitta la ruelle, l’esprit en ébullition. Il savait qu’il devait parler à l’équipage, mais il garda certains détails pour lui. Parce qu’au fond, une question brûlait dans son esprit : et si l’Étoile d’Azura n’était pas seulement un trésor, mais une malédiction familiale ?
***
Dean Lancaster était appuyé contre le mur d’une échoppe, les bras croisés, il pianotait discrètement sur son StellarLink, une console spécialisée dans les communications textuelles cryptées. Son regard perçant analysait les données qu’il envoyait sur l’écran tandis que son esprit calculait déjà plusieurs scénarios possibles. Stillburg n’était pas l’endroit où on se baladait à la légère, encore moins lorsqu’on cherchait un artefact convoité. Il activa la fréquence sécurisée pour joindre Yvan Dubois et Howard Bompied.
Yvan répondit en premier. L’image du maître d’armes apparut sur l’écran, impeccable comme à son habitude. Même en pleine ruche chaotique comme Stillburg, il portait son gilet de cuir renforcé, ses cheveux roux tirés en arrière et sa rapière ancienne attachée à sa ceinture.
— Dean. J’espère que ce n’est pas une mission improvisée, lança Yvan, d’un ton sérieux, mais non dénué d’une pointe d’ironie.
— C’est toujours réfléchi avec moi, répondit Dean en esquissant un sourire. On a un fragment de carte à récupérer dans un entrepôt au secteur 17. J’ai besoin de toi pour sécuriser les lieux. Ça pourrait être tendu.
Yvan hocha la tête, comme s’il s’y attendait.
— J’y serai. Secteur 17 ? Les entrepôts désaffectés. Je prends mon arsenal, on ne sait jamais qui traîne là-bas.
Dean coupa la communication et passa à Howard. Dès que le visage d’Howard apparut à l’écran, Dean soupira intérieurement. L’homme souriait déjà, une tasse fumante à la main et une paire de lunettes de soleil improbables sur le nez.
— Dean sérieux ! À quoi puis-je te servir aujourd’hui ? demanda Howard, son ton amusé contrastant avec le sérieux de la situation.
— Je vais ignorer cette tentative d’humour, répondit Dean en croisant les bras. On a un fragment de carte à récupérer. Secteur 17, plateforme 72-B. Ça pourrait mal tourner, et on a besoin de tes talents.
Howard posa sa tasse, ses yeux s’illuminant d’une étincelle de malice.
— Oh, j’adore quand ça peut mal tourner. C’est là que je brille. Compte sur moi, je prends mes joujoux.
Dean roula des yeux et coupa la communication. Avec Yvan et Howard, il savait qu’il avait une équipe fiable, même si leur approche était radicalement différente. Il resserra son manteau, vérifia son holster et quitta la ruelle en direction de l’entrepôt.
***
Le secteur 17 était une zone de Stillburg particulièrement décrépite. Les bâtiments abandonnés se dressaient tels des carcasses métalliques rongées par le temps et les intempéries. L’entrepôt en question était immense, ses portes défoncées pendant à leurs gonds, et son intérieur baigné d’une faible lumière verdâtre venant des lampes défaillantes.
Dean arriva le premier. Il se positionna près de l’entrée, analysant les lieux avec minutie. Peu après, Yvan arriva, une grande mallette noire à la main.
— Toujours aussi prompt, salua Dean.
— Toujours aussi prudent, répondit Yvan en ouvrant la mallette pour dévoiler une collection d’armes, de couteaux et de gadgets soigneusement rangés. Il sortit une épée en acier luminescent et la fit tourner dans sa main avec élégance.
— On fait ça rapidement et proprement.
Howard arriva en dernier, trottinant légèrement, son fusil de précision repliable sur l’épaule. Il portait un grand sourire et mâchouillait une barre énergétique.
— Bon, les gars, on se détend. Ce n’est qu’un entrepôt moisi. Qu’est-ce qui pourrait mal se passer ? demanda-t-il, son ton moqueur déclenchant un soupir simultané de Dean et Yvan.
Dean leur fit signe de le suivre.
— Le fragment est censé être caché dans une caisse marquée du symbole de l’Empire. On reste sur nos gardes. Cette plateforme n’est pas exactement déserte.
Ils progressèrent dans le bâtiment, se frayant un chemin à travers les débris. Enfin, ils repérèrent une caisse métallique portant les glyphes familiers de l’Empire. Dean et Yvan s’approchèrent pour l’ouvrir pendant qu’Howard montait la garde, perché en hauteur, son fusil prêt à tirer.
Dean ouvrit la caisse avec précaution et sortit un ancien fragment de carte gravé sur une plaque métallique. Des glyphes brillants apparaissaient lorsqu’il le tournait sous la lumière.
— C’est ça, murmura-t-il, presque admiratif.
Mais avant qu’ils ne puissent savourer leur découverte, une ombre glissa sur le mur. Yvan se redressa, rapière en main, tandis qu’Howard levait son fusil.
— On n’est pas seuls, annonça Yvan calmement.
Des silhouettes émergèrent des ombres, silencieuses et menaçantes. Leur peau semblait briller d’une étrange lumière spectrale, et chacun portait une lame translucide qui pulsait doucement. C’était leur marque de fabrique : la Lame Spectrale, des assassins redoutés pour leur précision mortelle et leur discrétion.
— Les ennuis arrivent toujours à l’heure, pas vrai ? plaisanta Howard en alignant une cible.
Le chef des assassins, une figure massive enveloppée dans une cape noire, parla d’une voix glaciale.
— Le fragment nous appartient. Rendez-le et nous vous épargnerons.
Dean se mit en travers de leur chemin, gardant son calme.
— Vous êtes nombreux, et on est entré chez vous sans invitation. Mais si vous nous attaquez, je vous promets que vous ne verrez pas le prochain cycle lunaire.
Yvan fit tournoyer sa rapière, son regard acéré.
— Essayez seulement. Vous serez en pièces avant de vous en rendre compte.
Howard éclata de rire intérieurement et concentré pressa la détente, abattant l’un des assassins d’un tir précis.
— Oh, je crois qu’on vient de voter pour l’attaque.
La Lame Spectrale chargea, leurs lames translucides brillant dangereusement. Yvan affronta deux assassins à la fois, ses mouvements fluides et précis, chaque coup de rapière désarmant ou repoussant ses adversaires. Howard, perché sur un conteneur, abattait ses cibles avec une précision chirurgicale, tout en lançant des blagues absurdes qui faisaient grogner Dean.
Dean, quant à lui, restait au centre, protégeant le fragment. Il utilisait son blaster pour couvrir Yvan et Howard, son esprit stratégique anticipant chaque mouvement de l’ennemi.
Après un combat acharné, le trio parvint à repousser les assassins. Les derniers membres de la Lame Spectrale battirent en retraite, laissant derrière eux une lame translucide plantée dans le sol comme un avertissement.
Dean ramassa la lame laissée par leurs adversaires et la glissa dans sa ceinture.
— On va devoir être encore plus prudents. Si la Lame Spectrale s’intéresse à cette carte, ça veut dire qu’on n’est pas les seuls à la chercher.
Yvan essuya sa rapière et répondit calmement :
— Et ça veut aussi dire qu’on a quelque chose de précieux.
Howard descendit de son perchoir, tout sourire. — Alors, c’était amusant, non ? On fait quoi après les copains, un casino ou une autre embuscade ?
Dean soupira.
— Retour à l’Alcazar. Maintenant.
***
De retour sur l’Alcazar, Dean et Jed entrèrent dans la salle de réunion. L’endroit, baigné d’une lumière tamisée par des hologrammes projetant des cartes stellaires, dégageait une atmosphère de calme studieux. Sur une table circulaire au centre de la pièce, le fragment de carte reposait, entouré de dispositifs d’analyse et de cristaux luminescents.
Dean ajusta des lunettes sur son nez, un tic qu’il avait quand il se plongeait dans un problème complexe. Jed, elle, s’assit sur le bord de la table, son regard déjà captivé par les inscriptions gravées sur le fragment. Elle fit glisser ses doigts sur le métal vieilli, comme pour en sonder le mystère.
— Ces symboles... Ce sont des coordonnées partielles, mais il y a un motif répété ici, murmura Dean en désignant une section de la carte. Si on décode les écarts entre ces points, on pourrait extrapoler une trajectoire.
— Attends, l’interrompit Jed, plissant les yeux en fixant une série de gravures. Ce n’est pas qu’une question de coordonnées. Regarde, ces lignes, elles ressemblent à un mécanisme. Peut-être que la carte n’est pas statique. Peut-être qu’elle se déploie.
Dean haussa un sourcil, impressionné.
— Tu crois qu’elle s’active ? Comme un système mécanique ? Mais il faudrait un point d’entrée ou une clé pour ça.
— Ou juste du bon sens, répondit-elle avec un sourire espiègle.
Elle se redressa et chercha dans une boîte à outils posée non loin. Sortant une petite clé et un émetteur holographique, elle commença à ajuster un cadran intégré sur le bord de la carte. Les gravures semblaient réagir à son contact, émettant une lueur douce.
Dean l’observait, à la fois admiratif et intrigué.
— Tu es meilleure à ça que je ne l’aurais imaginé, dit-il, un sourire sincère se dessinant sur son visage.
Jed haussa les épaules tout en continuant à manipuler la carte.
— Ne sois pas trop impressionné. C’est peut-être juste de la chance, répondit-elle, mais ses yeux pétillaient de fierté.
Dean se rapprocha, inclinant légèrement la tête pour mieux voir ce qu’elle faisait. Le désir entre eux devint presque palpable.
— Non, ce n’est pas de la chance. C’est toi. Tu as un don pour comprendre les choses de manière instinctive. Moi, je me perds dans les détails, mais toi… Tu vois l’image en entier.
Jed s’arrêta un instant, touchée par le compliment. Leurs regards se croisèrent, et pendant un moment, il sembla qu’ils étaient seuls dans tout l’univers.
— Tu sais, Dean, murmura-t-elle, un sourire joueur au coin des lèvres, si tu continues comme ça, je vais accepter ton invitation à boire un thé.
Dean rit doucement, un rire qui brisa juste assez la tension sans la dissiper entièrement.
— Tu m’impressionnes c’est tout, répondit-il, à moitié sérieux.
Alors qu’ils reprenaient leur travail, Jed trouva enfin le bon angle. La carte projeta un hologramme montrant un système stellaire avec des coordonnées instables.
— C’est ça ! s’exclama Jed.
— Regarde, cette constellation. Elle ressemble à celle de la nébuleuse de Tyra. On a une piste !
Dean sourit, satisfait de leur avancée.
De l’autre côté du couloir, Tony observait la scène à travers une vitre étroite. Le voir, lui, d’habitude si réservé, rire avec Jed et échanger des regards complices faisait bouillonner un mélange de colère et de jalousie en lui. Il serra les dents, sa main se crispant sur elle-même. Dean était-il intéressé par Jed ? Il faudrait qu’ils aient une conversation tous les deux, il n’aimait pas que les membres de l’équipage flirtent, et encore moins avec l’un des commandants.
"Ils travaillent, c’est tout !" murmura-t-il pour se convaincre. Mais le sentiment désagréable de ne pas être le centre de l’attention lui restait en travers de la gorge. Tony ne pouvait s'empêcher de ressentir une amertume grandissante en voyant Dean et Jed se rapprocher, comme si leur complicité le reléguait à l'arrière-plan alors qu’il aurait sûrement aimé être à la place de son second.
Dans la salle de navigation, Jed et Dean continuaient leur travail, unis dans une alchimie qui semblait rendre les mystères de l’univers plus accessibles, ensemble.
***
Après des heures de travail minutieux, Dean et Jed stabilisèrent une partie des coordonnées projetées par le fragment. Les données holographiques, enfin lisibles, révélaient une région obscure de la galaxie, un secteur encore inexploré et marqué par des anomalies gravitationnelles.
— Voilà… murmura Dean, fixant les étoiles scintillantes sur la carte tridimensionnelle. On a une direction.
— Une direction, mais pas encore toutes les réponses, corrigea Jed, le ton mi-sérieux, mi-taquin.
Elle plissa les yeux en examinant un détail qui clignotait faiblement sur le bord de l’hologramme.
— Il manque encore quelque chose. Regarde ici, ce chemin s’arrête. Il doit y avoir un deuxième fragment.
Dean hocha lentement la tête, admiratif. Sa méthodologie rigoureuse avait permis d’arriver à ce point, mais c’était l’œil aiguisé de Jed, combiné à son intuition, qui dénichait toujours ces subtilités.
— Tu es vraiment douée pour ça, admit-il en se penchant pour mieux observer l’endroit qu’elle désignait.
Jed releva la tête, ravie. Son sourire était modeste, mais ses yeux pétillaient d’un mélange de fierté et de défi.
— Ne sois pas trop impressionné. Avec ce genre d’énigmes, c’est moitié logique, moitié intuitif. Et il se trouve que j’ai un instinct pas trop pourri.
Dean rit doucement, le son bas et chaleureux résonnant dans la salle de navigation.
— Alors peut-être que j’ai besoin de plus que ton instinct pour décrypter le reste. C’est… rafraîchissant d’avoir un point de vue différent.
Un bref silence s’installa, mais pas de ceux qui mettent mal à l’aise. Il y avait un courant sous-jacent entre eux, subtil mais indéniable. Leurs regards se croisèrent, et pendant un instant, les mystères de l’Étoile d’Azura parurent secondaires.
Jed brisa finalement le moment en se redressant, bien décidée à maintenir la cadence.
— Rafraîchissant ou non, il faut qu’on trouve la suite. Et vite. Une carte incomplète, c’est comme un canon sans munitions. Inutile.
Dean sourit, appréciant son pragmatisme.
— Une chose est sûre, dit-il en jetant un dernier coup d’œil à la carte. Quoi qu’on trouve là-bas, ça ne sera pas sans danger.
— Si c’était facile, ce ne serait pas intéressant, rétorqua Jed avec un sourire joueur.
Dean rit de nouveau, incapable de cacher son admiration pour la mécanicienne.
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