Chapitre 10 : Les vérités du passé
Le vaisseau était silencieux, l'Alcazar dérivant dans l’espace pour des réparations et un repos bien mérité après cette bataille éprouvante. Tony se tenait dans sa cabine, le regard fixé sur la projection holographique du message mystérieux concernant l'Étoile d'Azura. Mais son esprit était ailleurs.
— Capitaine ? Tu voulais me voir ?
Jed se tenait à l'entrée, les bras croisés, un mélange d'agacement et d'incompréhension sur le visage.
— Oui, entre, répondit Tony en éteignant l'hologramme.
Jed s'avança, notant immédiatement l'attitude tendue de Tony.
— Écoute, Jed, je veux revenir sur ce qu'il s'est passé après Pluk'thra.
— Ah, tu veux parler de ta petite crise de jalousie non dissimulée ? lança-t-elle, ironique.
Tony fronça les sourcils, visiblement irrité.
— Ce n'est pas une question de jalousie, rétorqua-t-il. C'est une question de professionnalisme. Les amourettes sur un vaisseau, ça perturbe le travail, ça divise les équipes, et ça met tout le monde en danger.
Jed ouvrit la bouche pour répondre, mais Tony leva la main pour l'interrompre.
— Ce n'est pas à propos de Dean, ni même de toi directement. C'est une règle que je veux voir respectée, pour le bien de l'Alcazar.
Un silence tendu s'installa, mais Jed ne détourna pas les yeux.
— Et pourquoi est-ce que toi, tu nous empêcherais d’avoir une relation ensemble ? Si je me souviens bien cela ne te dérange pas, en règle général, d’avoir des relations dans le cadre du travail ? finit-elle par lancer. En plus je trouve que l'Étoile d'Azura te semble plus importante que n'importe lequel d'entre nous. Pourquoi ? Pourquoi est-ce si important pour toi ?
Tony soupira profondément et se laissa tomber dans son fauteuil, son regard s'adoucissant légèrement.
— C'est… compliqué, commença-t-il, comme s'il pesait chacun de ses mots. L'Étoile d'Azura, elle a un lien avec ma famille. Un lien que je ne comprenais pas jusqu'à récemment.
Jed fronça les sourcils, intrigué. Tony poursuivit, sa voix plus basse, presque mélancolique :
— Ma grand-mère, Isabella Valdez, était une légende. Une exploratrice, une pirate, une visionnaire. Mais tout ce que je savais d'elle, c'étaient des histoires vagues, des récits exagérés. Ma mère ne parlait presque jamais d'elle.
Il se leva, parcourant la pièce nerveusement.
— Puis, un jour, je suis tombé sur un journal qui lui appartenait. Dedans, elle parlait d’une invention comme si c'était plus qu'un trésor : un secret, une révélation. Elle disait que cette chose qu’elle ne nommait jamais renfermait une puissance si grande qu'elle pouvait changer l'univers, mais qu'elle ne pouvait pas la laisser entre de mauvaises mains. Et elle parlait aussi de…
Il s'interrompit, regardant Jed droit dans les yeux.
— Elle parlait aussi de sa descendance. Elle pensait que quelqu'un de sa lignée finirait par trouver cet artefact et comprendrait ce qu'il signifie réellement.
Jed resta silencieuse, intégrant cette révélation.
— Tu crois que c'est toi, alors ? Que tu es celui qui doit la trouver ? demanda-t-elle doucement.
Tony haussa les épaules.
—Peut-être. Mais ce que je sais, c'est que je dois la protéger. Quoi qu'il en coûte.
— Très bien. Je peux comprendre cette quête et son importance pour toi, accorda-t-elle, d'un ton plus sérieux. Mais pour en revenir à l'autre sujet : je suis une adulte, majeure et vaccinée, Dean aussi. Tu as beau être le capitaine du vaisseau, on est avant tout amis. Donc, ne le prends pas mal, mais ta bénédiction ? Je m'en fiche. Et pour ce qui est de mon travail, il n'en souffrira pas.
Tony resta un instant sans voix. Il avait toujours apprécié le franc-parler et la personnalité bouillonnante de Jed, même si, parfois, elle avait une manière bien à elle de le remettre à sa place. C'était déconcertant, voire frustrant, mais c'était aussi ce qu'il admirait chez elle.
— Jed… , commencé-t-il, mais il n'eut pas le temps de finir.
D'un geste rapide, elle se détourna et sortit de la cabine, ses bottes martelant légèrement le sol métallique. Sans un mot de plus, elle mettait un point final à cette divergence d'opinion, laissant Tony seul avec ses pensées et ses dilemmes.
***
Plus tard, alors que Jed bricolait dans la salle des machines, Dean la rejoignit. Il la trouva penchée sur un tableau de commandes, son expression concentrée, mais son esprit visiblement ailleurs.
— Tu veux en parler ? exigea-t-il en s'appuyant contre le mur.
Jed hésita, mais fini par poser ses outils.
— Tony, dit-elle finalement. Il m'a convoquée pour parler de… tout ça. Et il m'a raconté pourquoi l'Étoile est importante pour lui.
Dean croisa les bras, attendant qu'elle continue.
— Et alors ? exigea-t-il après un moment de silence.
Jed hocha lentement la tête.
— C’est réglé.
— Comme ça, aussi facilement ? Demanda Dean légèrement suspicieux. Je n’ai pas eu l’impression qu’il nous laisserait tranquille… Il m’a semblé vraiment jaloux. Il y a eu quelque chose entre vous ?
— Tony et moi… c’est du passé. Avant qu'il ne devienne capitaine de l'Alcazar.
Dean reste impassible, mais Jed vit ses yeux se durcir légèrement.
— C'était intense, à l'époque, reprit-elle. Une aventure passionnée, mais courte. On était jeunes, impulsifs. Puis il est parti, et je pensais que ça en resterait là. Jusqu'à ce qu'il revienne, des années plus tard, me demander de réparer l'Alcazar après une grosse avarie.
— Et tu as accepté, conclut Dean, sa voix calme, mais un peu froide.
Jed le fixa, cherchant à deviner ce qu'il pensait.
— Oui. J'étais la meilleure pour ce boulot. Et… j’aime l’aventure, tu le sais.
Un silence s'installe. Dean finit par hocher la tête, un léger sourire un peu triste au coin des lèvres.
— Je comprend mieux maintenant pourquoi il est comme ça. Mais, Jed, tu es libre. Ne laisse personne te dicter tes choix. Ni lui, ni moi.
Dean observe Jed en silence , ses paroles résonnant encore dans l'air lourd de la salle des machines. La lumière vacillante des écrans projetait des ombres dansantes sur son visage, soulignant ses traits tendus par l'émotion. Mais c'était autre chose qui captait son attention : la façon dont sa combinaison, légèrement moulante, épousait ses courbes, laissant transparaître sa féminité avec une intensité troublante.
— Tu sais, dit-il doucement, tu es bien plus forte que tu ne le crois.
Jed, qui s'était remise à ajuster une valve, s'arrêta brusquement, ses mains tremblant presque imperceptiblement. Elle se redressa lentement, ses yeux rencontrant ceux de Dean. Pendant un instant, ni l'un ni l'autre ne parla. L'atmosphère entre eux sembla s'électriser, comme si tout l'univers avait disparu pour ne laisser qu'eux.
— Dean… , murmura-t-elle, presque sur la défensive. Mais sa voix trahissait autre chose : un désir qu'elle ne pouvait plus contenir.
Dean s'approcha lentement, son regard intense planté dans le sien. Quand il fut assez près pour sentir la chaleur de son souffle, il murmura :
— Assez parlé, Jed. J'ai envie de toi.
Avant qu'elle ne puisse répondre, il posa doucement une main sur sa taille, la fis reculer jusqu’à la console, puis fis jouer la fermeture éclair de sa combinaison avec l’autre main. Jed frissonna, ses yeux s'embrumant d'une émotion qu'elle ne chercha plus à réprimer. Et enfin, leurs lèvres se trouvèrent, dans un baiser passionné, urgent.
Les outils oubliés tombèrent au sol, et Jed se laissa aller contre lui, ses bras entourant son dos avec une ferveur à peine contenue. La chaleur de leurs corps se mêlait à celle, oppressante, de la salle des machines. Chaque baiser, chaque caresse semblait effacer les tensions accumulées, comme s'ils libéraient tout ce qu'ils avaient retenus depuis des jours.
Dean glissa ses mains le long de ses hanches, savourant le contact de sa peau contre ses paumes, et Jed, dans un geste audacieux, l'attira encore plus près, ses doigts s'agrippant à son blouson.
— Dean, murmura-t-elle entre deux baisers, haletante, ce n'est pas raisonnable… mais…
— Je m'en fiche, répliqua-t-il, sa voix rauque. On le mérite.
Leur étreinte devint plus intense, presque désespérée, comme s'ils cherchaient à combler un vide immense, un besoin qu'ils ne pouvaient plus ignorer. Jed poussa Dean légèrement, l’emmenant avec elle contre une paroi métallique, et il la souleva légèrement pour l'emprisonner dans une étreinte encore plus intime.
Après plusieurs minutes, ils s'arrêtèrent enfin, à bout de souffle, leurs fronts collés l'un contre l'autre. Jed sourit doucement, son regard brillant d'une tendresse mêlée de malice.
— Alors, c'est ça, ton moyen de gérer les tensions ? taquina-t-elle, un rire léger dans la voix.
— Tu peux te plaindre si tu veux, répondit-il en souriant à son tour. Mais je crois que tu as apprécié.
Jed gloussa, avant de le repousser légèrement, en remettant sa combinaison. Mais le moment n’était pas tout à fait terminé. Dean, sentant qu'ils avaient encore besoin de plus d'intimité, reprit doucement sa main.
— On se retrouve ce soir, dit-il d'un ton qui n'était pas une question. Ma cabine sera plus… confortable.
Jed hésita une fraction de seconde, son esprit tentant de rattraper les battements affolés de son cœur. Puis, avec un sourire à peine contenu, elle hocha la tête.
— Très bien, lieutenant. Mais tu sais que je ne vais pas te rendre les choses faciles, pas vrai ?
— Et tu sais que je préfère ça comme ça, répondu-il en lui rendant un sourire complice.
Avec un dernier baiser, Dean quitta la salle des machines, laissant Jed terminer ses réparations. C’était un rendez vous, la nuit leur appartenait, un moment volé au chaos galactique qui les entourait.
***
Alors que Dean retournait dans ses quartiers, le cliquetis régulier de ses bottes sur le sol métallique fut interrompu par une vibration discrète. Il plongea une main dans la poche intérieure de sa veste et en sortit son StellarLink, un petit appareil noir à l'allure minimaliste, dont l'écran affichait un signal crypté.
Il plissa les yeux. Ce genre de notification, il n’en recevait que dans des cas exceptionnels. Il vérifiera rapidement l'émetteur et, en reconnaissant l'identifiant, sentit une pointe de tension lui nouer l'estomac. C'était un de ses contact de confiance, quelqu'un qu'il ne sollicitait qu'en cas d'extrême nécessité. Il passa rapidement le verrouillage de sécurité de la porte de sa cabine, s'assit à son bureau, et activa l'appareil.
Une voix modifiée, légèrement métallique, résonna dans le silence de la pièce :
— Je crois que j'ai quelque chose sur l'Étoile d'Azura, déclara le contact. Mais tu ne vas pas aimer.
Dean se redressa brusquement, son regard devenant plus sombre. Il connaissait ce contact suffisamment bien pour savoir qu'il ne se trompait jamais sur l'importance d'une découverte.
— Quoi exactement ? exigea-t-il, d'une voix plus rauque qu'il ne l'aurait voulu.
La réponse ne tarda pas, directe et glaciale :
— Ce n'est pas seulement un trésor. C'est aussi une arme. Une arme ancienne et terrifiante, capable de détruire des planètes entières.
Dean sentit un frisson glacé remonter le long de son dos. Il serra la mâchoire, luttant pour garder son calme.
— Tu es sûr ? murmura-t-il, l'esprit déjà en ébullition, cherchant à assembler les pièces du puzzle.
— Certainement, confirma la voix. J'ai croisé les documents de l'ancienne Confédération Zantorienne. L'Étoile est mentionnée comme une « clé énergétique ». Ils pensaient qu'elle était capable de générer une destruction massive, en canalisant une forme de puissance qui dépasse notre compréhension actuelle.
Dean se passa une main sur le visage, ses pensées s'emballaient. Jusqu'à présent, il n'avait vu l'Étoile que comme un trésor convoité ou un artefact légendaire. Mais une arme ? Cela changeait tout.
— Fais attention à qui tu en parles, Dean, reprit la voix, plus grave. Surtout pas à quelqu'un qui voudrait s'en servir. Il y a des rumeurs comme quoi d'autres factions sont déjà sur le coup, et pas seulement des mercenaires.
— Qui ? demanda Dean, les poings serrés.
Un silence tendu précéda la réponse :
— La Confédération n'est pas aussi morte qu'on le pense. Certains de ses anciens agents travaillent encore dans l'ombre… mais je n'en sais pas plus. Je t'enverrai mes recherches.
La communication se coupa brusquement, ne laissant derrière elle qu'un bip sourd. Dean resta un instant figé, l'appareil toujours dans sa main. L'obscurité de la cabine semblait s'être épaissie autour de lui.
Il posa le StellarLink sur la table et inspira profondément, mais cela n'atténua pas la lourdeur qui pesait sur sa poitrine. Cette révélation allait bouleverser bien plus que leur quête. Une arme capable de détruire des planètes ? La Confédération qui rôdait encore dans l'ombre ?
Ses pensées dérivèrent vers Tony . Pouvait-il lui faire confiance avec cette information ? Le capitaine était un homme de principes, mais son obsession pour l'Étoile pourrait le rendre vulnérable à la tentation de s'en servir. Et qu'en serait-il de Seraphina, toujours à l'affût ? Si elle mettait la main sur l’Étoile avant eux, les conséquences seraient inimaginables.
Dean ferma les yeux un instant, sentant la fatigue et le poids des responsabilités peser sur lui. Pourtant, il n'avait pas le luxe de tergiverser. Il devait agir.
Saisissant de nouveau son StellarLink, il ouvrit le dossier envoyé par son contact. Des fragments de rapports, des cartes anciennes, et des notes incomplètes s'affichèrent sur l'écran. Une phrase attira immédiatement son attention :
« L'Étoile d'Azura n'est pas une fin. C'est un déclencheur. »
Ces mots le hantèrent, alors qu'il éteignait l'appareil et se levait. Ce qu'il venait d'apprendre risquait de détruire la fragile cohésion de l'équipage. Mais pour l'instant, il devait décider à qui en parler.
Dean jeta un dernier regard vers les hublots, où les étoiles scintillaient paisiblement. Il savait qu'il n'aurait plus jamais la même vision de ces mondes lumineux : désormais, chacune d'elles semblait menacée par un danger qu'il ne comprenait pas encore entièrement. Mais il comprendrait... avant qu'il ne soit trop tard.
***
Luce déboula dans la cuisine comme un ouragan, les joues rouges et les bras agités, suivie de près par Kid , qui avait un air faussement sérieux.
— Luisa ! Luisa ! cria Luce, la voix pleine d'urgence. Kid et moi, on a un problème !
Luisa , penchée sur le plan de travail, était visiblement en pleine lutte avec une cocotte fumante. Elle remuait frénétiquement une sauce qui semblait décidée à se rebeller.
— Pas maintenant, je suis en pleine crise ! grogna-t-elle sans même lever les yeux. Les oignons sont en train de brûler !
Kid, curieux malgré l'urgence proclamée par sa sœur, se haussa sur la pointe des pieds pour jeter un coup d'œil par-dessus son épaule.
— Beurk, ça a l’air pas bon… constata-t-il avec une grimace. T'as besoin d'aide ?
— Surtout, ne touchez à rien, répondit Luisa, agitant une cuillère avec autorité. Si je rate cette sauce, Tony va me passer un savon ! Tu crois qu'il aime la cuisine carbonisée, toi ?
Luce, déterminée à attirer l'attention, fit la moue et s'approcha de Luisa, le regard insistant.
— Mais nous aussi, on a une crise ! s'exclama-t-elle. Les bulles de la baignoire dans la salle de bain font un bruit bizarre ! On dirait que ça va exploser !
Kid, croisant les bras et prenant une ton grave pour imiter Tony, ajouta :
— Le vaisseau avant tout, hein ?
Luisa roula des yeux, visiblement à deux doigts de perdre patience. Elle attrapa une pincée de sel qu'elle jeta dans la cocotte avant de soupirer profondément.
— Bon, voilà ce qu'on fait, dit-elle, jetant un rapide coup d'œil aux enfants. Vous allez voir Joe. Dites-lui que les oignons me retiennent en otage et que dès que j'ai sauvé ce qui peut l'être ici, je viendrai m'occuper de votre baignoire explosive.
Kid, toujours sceptique, pointe la cocotte du doigt.
— T'es sûre qu'il restera encore quelque chose de mangeable là-dedans ?
— Je fais de mon mieux, grogna Luisa en attrapant un verre d'eau pour déglacer la sauce, provoquant une série de sifflements et de bouillonnements. Allez, filez, avant que je vous recrute pour éplucher des pommes de terre.
Luce lance un clin d'œil à son frère, amusée par l'agacement de Luisa.
— Bon, bah… on va voir Joe. Mais fais gaffe à pas te brûler, hein, dit-elle avant de tourner les talons.
Kid et Luce disparurent en courant dans le couloir, leurs éclats de rire résonnant encore lorsque le silence revient dans la cuisine. Mais ce répit fut de courte durée. Un nouveau nuage de fumée s'échappa du fourneau, enveloppant Luisa dans une odeur de brûlé.
Elle agita frénétiquement une spatule devant son visage, essayant de dissiper la fumée tout en marmonnant pour elle-même :
— Fichus oignons, vous allez pas me faire perdre la face devant l'équipage.
Un bruit sourd dans le couloir la fit lever les yeux un instant. Était-ce une explosion ? Ou simplement les enfants ayant mis Joe en colère ? Elle baissa la tête et se remet à brasser sa sauce.
— Une chose à la fois, Luisa, une chose à la fois… se murmura-t-elle.
Luisa, stoïque malgré la fumée qui s’élevait en volutes épaisses autour d'elle, et donnait à la cuisine des airs de champ de bataille. Sa spatule en main, elle brassait la sauce avec une concentration presque surnaturelle, se murmurant des encouragements pour elle-même.
Dans le couloir, des bruits étranges parvenaient jusqu'à elle : des éclats de voix précipitées de Kid et Luce, une sorte de gargouillement inquiétant, et ce qui ressemblait vaguement à un juron étouffé… probablement Joe, en train d'essayer de calmer la situation dans la salle de bain.
— Je suis sûr qu'ils ont encore fait une bêtise, soupira-t-elle, jetant un bref regard vers la porte, mais refusant de quitter son poste.
Le chaos semblait être une constante au bord de l'Alcazar. Entre les mercenaires en embuscade, les missions périlleuses, et les enfants qui découvrent toujours un moyen d'ajouter une touche d'anarchie, le vaisseau vivait à un rythme effréné. Mais Luisa savait qu'elle était l'une des rares à pouvoir maintenir un semblant d'ordre, que ce soit en cuisine ou ailleurs.
Elle redressa les épaules, inspirant profondément malgré l'odeur persistante de brûlé. Une cuillère de sauce à la fois, pensa-t-elle avec détermination. Ce mantra improvisé suffisait à lui redonner du courage.
Car après tout, si elle pouvait sauver un repas du désastre, elle pouvait bien aider à sauver une baignoire d'un chaos interstellaire. C'était ce qu'elle faisait, chaque jour, sans jamais baisser les bras : s'occuper des petites crises pour permettre à l'Alcazar de traverser les grandes.
Et à cet instant, alors qu'elle jetait une pincée d’épices dans sa cocotte tout en écoutant les bruits désordonnés qui résonnaient dans le couloir, Luisa se dit qu'elle aimait vraiment cette bande d'extravagants. Même si cela signifiait brûler quelques oignons de temps à autre.
Kid et Luce se tenaient devant Joe, l'air penaud. La baignoire débordait toujours de bulles multicolores, formant une mousse gigantesque qui envahissait déjà le couloir. Joe, les bras croisés et un sourcil légèrement relevé, observait la scène sans se départir de son calme légendaire.
— Alors… dit-il enfin, brisant le silence. Je suppose que l'un de vous pensait qu'ajouter une "pincée" de dissolvant de gravité était une expérience scientifique nécessaire ?
Kid pointa Luce du doigt.
— C'était pas une pincée ! Elle a mis la moitié du bidon !
Luce fronça les sourcils et riposta :
— Et toi, tu as dit que ça ferait juste un "petit nuage de mousse" !
Joe leva une main, imposant un silence immédiat, son regard passant de l'un à l'autre.
— Ah, la coopération fraternelle, déclara-t-il avec une sérénité absolue. C'est comme un moteur à plasma : merveilleux quand ça fonctionne, mais désastreux quand quelqu'un y met trop d'ingrédients imprévus.
Il tourna les talons pour contempler l’immense monticule de mousse qui menaçait de recouvrir un panneau de commandes sur le mur.
— Heureusement, la mousse colorée n’a encore jamais fait exploser de vaisseau… je crois. Il se frotta le menton d’un air songeur. Mais bon, on est dans l’espace, les lois de la physique aiment bien surprendre.
Kid et Luce échangèrent un regard inquiet.
— Alors… on est punis ? demanda timidement Luce.
Joe leur lança un sourire tranquille, avant de répondre en pivotant lentement sur ses talons :
— Pas du tout. Mais vous allez nettoyer. Et si vous me demandez où trouver l’équipement de nettoyage, je répondrai, que c’est là que réside l’aventure.
Il leur fit un clin d’œil avant de s’éloigner, les laissant figés dans un mélange de perplexité et de résignation face à cette étrange leçon.
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