Chapitre 3 : Partie 2

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La réunion entre Ardian avait réussi à attiser la curiosité d'Ocrate qui ne désirait que connaître ce qui en était ressorti. Seul, il retrouva le centre-ville et regagna un musée d'art, chaque pièce était recouverte de peinture dont certaines dix fois plus grandes que lui. Ce lieu de culture était réputé et bien que la cité n'était pas immense, des milliers de visiteurs s'y trouvaient quotidiennement. Cela résultait particulièrement de l'aspect de la galerie, grande, espacée, décorée méthodiquement qui créait une atmosphère saine et équilibrée. De grandes baies vitrées, qui transformaient les rayons du soleil en arc-en-ciel sur le carrelage frais, illuminaient les couleurs des tableaux.

Il passait les couloirs au rythme de ses pas qui résonnaient entre les murs, accentués par le métal de ses talonnettes, alarmant tous ceux se trouvant autour de sa venue. Parfois, sa démarche se confondait avec celle des autres, mais la couleur feu de ses cheveux attirait les regards ennuyés, et si elle ne suffisait pas, l'élégance de sa posture faisait qu'aucun individu ne pouvait l'ignorer.

Mais alors qu'il s'enfonçait dans des salles dont ses arts diminuaient parallèlement à ses visiteurs de l'édifice, son regard, habituellement fixé droit devant afin de garder la tête haute, se posa sur un homme assis sur l'un des bancs parfaitement centrés face à cette immense peinture.

Le rose proéminent de son style physique ne pouvait pas laisser place au doute sur le nom relié à cette personne, un nom qu'il connaissait si bien puisqu'il était face à l'un des quatre Ardians et plus précisément, celui qui avait eu la motivation de se rendre à la réunion.

– Onos ! taquina-t-il par un cri et un grand sourire.

Cet appel lui avait permis d'attirer son attention, la tête d'Onos tournée vers lui afin de voir qui hurlait son prénom pendant un profond silence. Les cicatrices de ce dernier confirmaient la particularité de sa personne. Il lui rendit un sourire assez discret, mais ses yeux, plissés par les muscles de ses joues, prouvaient la sincérité de celui-ci. Il fit rapidement rejoint sur le velours qui caressait ses mains, assis à côté de son collègue en face de cette peinture.

– Tu viens aux nouvelles ?

– Évidemment, pour quoi d'autre sinon ? rit-il.

– Osthène est facilement prévisible, tu te doutes de sa réaction quand il a vu que tu n'étais pas là.

– Je peux avoir des surprises, continua-t-il sur le même ton.

Il figea son regard vers lui, toujours aussi impassible comme si rien ne pouvait l'atteindre, son caractère aussi mature rassurait quiconque avait une discussion avec lui au point de minimiser les mauvaises nouvelles.

– Il était en colère. Sans parler d'Okyn qui n'était pas là, comme d'habitude. Tu n'aurais pas dû aller aussi loin.

– Je le sais ça merci, lâcha-t-il hautainement.

– Ça va aller. Tu n'as qu'à te faire petit.

– Qu'il s'en prenne à moi, je ne vais pas me laisser faire, dit-il en reprenant son sérieux.

– Il ne te fera rien, on est ses protégés, ce n'est sûrement pas lui qui ira s'en prendre à toi.

– Hum... réfléchit-il. Je vais me méfier d'Erian, merci pour ta coopération ma poule, répondit-il en reprenant un ton humoristique et en lui tapant la cuisse avant de se lever.

Ocrate avait eu la réponse qu'il attendait, les choses s'accéléraient, mais elles n'en devenaient pas dangereuses pour autant. Un dernier sourire d'amitié avant de faire demi-tour et de retrouver son cocon.

De retour dans son appartement, Enys l'attendait dans la cuisine en se faisant une assiette de salade, et dès qu'il la vit, un sentiment incertain s'empara de lui et le poussa à l'entourer de ses bras. Elle était collée à lui, ses mains agrippées au bas de son dos tandis qu'il la serrait autour de lui. La différence de taille la forçait à lever la tête afin de desceller son regard, mais cette approche tactile inhabituelle la fit douter sur ce qu'il venait de découvrir.

– Osthène va te faire la misère ?

– Non, je suis plus coriace que ça, plaisanta-t-il. Mais je m'en veux d'avoir été impulsif.

– Ça arrive à tout le monde.

– Qu'est-ce que tu veux faire ?

– Profiter de ce moment.

Elle posa sa tête contre son épaule et ferma les yeux, comblée par cette démonstration de leur amour. Sa réponse le fit lâcher un court rire, mais après un petit temps à se serrer l'un l'autre, il relança le sujet.

– Je veux dire à propos d'Erian.

– J'en sais rien. C'est dans ces moments comme celui-là que tu me fais douter sur ce que je veux, j'ai trop à perdre, se moqua-t-elle gentiment.

– Tu veux en discuter avec eux, c'est ça ?

– Ça te dérange pas ?

– Si. Mais ça ne te fera pas changer d'avis.

Ils se donnèrent un dernier baiser avant de rompre leur intimité en invitant leurs deux voisins. Isis et Lycure présents entre les murs, tous confortablement assis et prêts pour un long débat sur leurs prochaines actions. Et puisque personne n'osa commencer à déblatérer le tabou du sujet, la principale concernée, Enys, le fit.

– L'incident de la dernière fois ne change rien à notre plan, je peux encore m'en prendre à Erian... Vous en pensez quoi ?

Toutes les têtes baissées, à se mordiller la lèvre comme s'ils cachaient quelque chose, tous se tuent dans un silence bien plus expressif que des mots. Ce fut d'ailleurs en constatant ce manque de réaction qu'elle comprit qu'elle devait affronter un problème. Elle leva ses bras, ses deux paumes de mains vers le haut, haussa les épaules et reprit la parole.

– Quoi ? Pourquoi ça ne vous va pas ?

Lycure fut le seul à relever ses yeux vers elle, touchant un sujet sensible qui le dérangeait. Il avait quelque chose en tête, mais n'osait pas se dévoiler. Ce ne fut qu'après avoir pris son courage à deux mains qu'il craqua.

– Erian doit t'attendre maintenant, il a vu de quoi t'étais capable.

– Et alors ? J'ai quand même l'avantage sur lui.

– Si tu te sens prête à en finir une bonne fois pour toutes avec lui alors on te soutiendra, mais il faut que tu en sois sûre.

Isis marmonna des propos incompréhensibles tant ils étaient faibles, mais suffisamment prononcés pour attirer l'attention des autres et de changer le comportement de son ami.

– Et... que ça vienne de toi, rajouta-t-il.

– Ocrate avait raison depuis le début, j'aurais dû tuer Erian dès le début, ça m'aurait évité tout ce merdier.

La voir défendre celui qu'elle détestait au plus haut point la fit sortir de ses gonds alors qu'elle se retenait depuis le début. Être dans la même pièce que lui était déjà trop pour elle, mais lui donner raison renvoyait à la chercher directement.

– C'est parce que tu l'écoutes que tout ça t'arrive !

– Écoute, ça ne sert à rien de t'énerver contre lui. Notre véritable ennemi est Erian, c'est lui le manipulateur.

– Oui, c'est un connard, mais là, nous devons réfléchir au lieu de foncer tête baissée.

– Pourquoi faire ? Rien n'a changé.

– Bien sûr que si. Tu es recherchée, il sait ce dont tu es capable et pour couronner le tout, Osthène fait son caprice.

– Qu'Osthène le sache ou pas, il ne fera rien. Il me suffit de trouver Erian et Ocrate n'aura qu'à contrôler les iomons.

– Et après ?

– On fera la même chose. Les Elesiens ne pourront rien faire sans les iomons et Ocrate peut choisir leur comportement.

Celui qui voyait son nom dans toutes les bouches grimaça, la mâchoire serrée et ses lèvres qui ne savaient plus où se mettre, un sentiment de culpabilité s'empara de lui. Bien qu'il se laissait écraser depuis le début, encaissant les nombreuses critiques sans rien dire, son expression de visage ne trompait à personne. Sa conjointe le lorgna et finit par froncer les sourcils en constatant qu'il ne disait pas tout.

– Ocrate ? Tu peux faire ça, non ?

– C'est compliqué...

Isis profita de son instant de faiblesse pour appuyer ses arguments. Le visage surpris et satisfait d'avoir raison, elle ne se gêna pas pour lancer un pique.

– Tu vois ! Tu ne peux pas te fier à lui.

– Ce n'est pas ça, se défendit-il. Je ne peux pas contrôler tous les iomons à moi seul, il faut l'accord des autres Ardians.

Enys se mit face à lui, un regard qui le jugeait jusqu'à le mettre davantage mal à l'aise, les bras croisés, elle se retint malgré tout de s'emporter et répondit calmement.

– Et ?

– Osthène ne voudra jamais maintenant que je lui ai désobéi.

– Mais ce plan était ton idée et c'est toi qui as pété un câble tout seul.

– Je vais le convaincre.

– Je t'ai suivi dans un plan que tu viens de foutre en l'air, répliqua-t-elle en serrant les dents.

– C'est mon problème, je vais l'arranger.

Leur voisine se leva, exaspérée de devoir se plier à lui sans ne jamais savoir où cela allait la mener. Elle détestait cette idée, ce comportement devant elle et toute sa personne. Elle le constatait se défiler en minimisant les conséquences qu'il créait même si elles pouvaient être irréversibles. Elle n'en pouvait plus, il fallait qu'elle s'exprime alors elle partit dans les tours.

– Ce n'est pas ton problème, c'est le nôtre ! Enys, arrête de l'écouter, c'est lui qui arrête pas de nous enfoncer depuis le début ! Si ça se trouve, il est du côté d'Erian qui sait.

Ocrate se jeta violemment sur elle, à un faible mètre d'elle, le poing serré, il la menaça du regard. Il était tellement en rage que la couleur de son visage se rapprochait de celle de sa chevelure, ses veines du front ressortaient à travers sa peau et ses lèvres se retroussaient à chaque mot dit.

– Ferme-la si tu ne veux pas que...

– Que quoi ? le coupa-t-elle le menton levé pour lui tenir tête. Tu ne peux rien faire, ni à moi ni aux autres. Tu veux être le leader, mais tu n'es capable de rien.

Sous les yeux ébahis des deux témoins complètement dépassés par ce qu'ils voyaient, il l'empoigna par le col, la faisant rapprocher brutalement de lui. À la seconde où il eut le geste de trop, Enys l'attrapa par l'épaule et le repoussa de force. Malgré la différence de puissance, elle réussit à dégager sa camarade et s'interposa entre les deux en guise de bouclier. Mais alors qu'elle allait exprimer ce qu'elle ressentait, elle fit vivement couper par Isis.

– Tu vois son vrai visage ! s'écria-t-elle en le pointant du doigt.

– Ça suffit. Retourne chez toi.

Elle prit quelques secondes pour réfléchir sur la bonne décision à prendre, mais sa haine était telle qu'elle décida de l'écouter et passa la porte encore remontée.

– Lycure, va la voir.

L'air perdu, il s'exécuta sur-le-champ, cela ne pouvait que le soulager de s'éloigner de ces ondes négatives et d'aller rassurer son amie.

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