01 - Les enfants

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C’était le cœur de l’été. Les enfants n’étaient pas là. Damien et Caroline, les heureux parents de Théo, 11 ans, et Iris, 7 ans, profitaient pour la première fois depuis un long moment de quelques jours sans leur progéniture. Quand ils avaient programmé cette semaine, courant mars, Damien avait convaincu son épouse que ça ferait du bien à tout le monde. Aux parents pour souffler. Aux enfants pour couper un peu le cordon.

Aujourd’hui, deux jours après leur départ, Damien n’était plus si sûr de lui. Si Théo se sentait dans son camp scout, épanoui, enfin libre, Iris, quant à elle, dans sa colonie au bord de la mer, pleurait déjà. Elle leur avait dit, ce soir, au téléphone, qu’elle voulait rentrer.

Caroline et Damien avaient écouté leur fille, encore si petite, se plaindre et renifler. Elle souffrait de solitude, elle voulait être avec eux, elle voulait voir son grand frère. Ils l’avaient rassurée, lui avaient promis qu’elle allait s’amuser, se faire des copines, qu’elle ne voudrait même plus rentrer. Des phrases creuses. Surtout pour Caroline.

Quand elle l’avait laissée dans le train, samedi dernier, avec tous ces inconnus, cela l’avait déchiré. Elle avait eu l’impression de l’abandonner définitivement, de l’offrir en pâture à des chiens enragés. Elle n’en avait pas parlé à son mari. Après être restée une seconde totalement pétrifiée, incapable de bouger, elle s’était remise en marche. En mode automatique.

Sur le chemin du retour, elle avait gardé le silence. Elle n’osait plus se confier à Damien, trop consciente de surréagir, de n’être plus elle-même, et trop faible pour affronter une de leurs conversations sans but qui gardaient à chaque fois un goût d’inachevé. Ils se parlaient moins du coup, s’apercevant même qu’ils n’en avaient plus vraiment besoin.

Le départ de Théo, en car, avait été différent. Contrairement à sa sœur, il n’avait pas pleuré, ne les avaient pas serré très fort dans ses bras, ne leur avait pas répété dix fois qu’ils allaient lui manquer. Au contraire, il avait été très détaché, presque gêné et avait semblé vouloir écourter ces instants d’au-revoir qui n’étaient plus de son âge.

Le soir, dans leur maison vide, Damien et Caroline avaient tenté de laisser derrière eux, sans grand entrain, cette journée marquée par leur première séparation avec leurs enfants. Damien avait malgré tout espéré que cette semaine le rapprocherait de sa femme, qu’être seulement tous les deux les aiderait à mieux traverser ce tunnel qui n’en finissait pas.

Deux jours plus tard, ce lundi soir du début du mois d’août, après l’appel d’Iris et le commentaire de l’animatrice qui leur avait confié qu’elle avait dérogé à la règle « pas d’appel aux parents » parce que leur fille semblait « si malheureuse », l’ambiance n’était ni lumineuse, ni ensoleillée. Caroline était prostrée dans le canapé, les yeux perdus dans la télé, le combiné encore dans sa main.

Damien, alors qu’il cherchait les horaires d’une séance de cinéma pour qu’ils se changent les idées, avait fini par ouvrir le dossier photos de l’ordinateur et regardait, mélancolique, celles du mois de juin, quand tout allait encore bien, quand tout était encore possible, que l’avenir pouvait être différent. Radicalement différent.

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